Une victoire au goût de défaite : l’alliance Ensemble du président Emmanuel Macron s’est imposée comme le plus grand groupe parlementaire à l’issue du second et dernier tour des élections législatives — mais bien en deçà de la majorité absolue face à la forte percée de la gauche unie également comme le Rassemblement national d’extrême droite.
Au milieu des craintes que l’impasse politique ne rende la France ingouvernable, le président a invité mardi et mercredi à l’Elysée les dirigeants des groupes parlementaires rivaux, proposant un “dialogue” dans “l’intérêt national” pour tenter de trouver des solutions, selon son entourage.
1. L’alliance de Macron gagne — sauf que ce n’est pas le cas
L’alliance Ensemble d’Emmanuel Macron a perdu sa majorité absolue au parlement français, deux mois seulement après sa réélection à la présidence.
A l’issue du second tour des élections dimanche, les candidats de Macron ont remporté 245 sièges, devant la coalition de gauche Nouvelle Union populaire écologique et sociale (NUPES) avec 131 et le Rassemblement national d’extrême droite qui a fait une percée historique avec 89. des places.
Pourtant, le résultat d’Ensemble n’atteint pas les 289 sièges nécessaires pour une majorité absolue, alors qu’aucun des deux autres grands groupes ne semble intéressé par un gouvernement de coalition.
Cela pourrait signifier que le camp de Macron pourrait avoir à faire face à une minorité au parlement ou à cohabiter avec un Premier ministre et un gouvernement d’un camp différent.
La Première ministre Elisabeth Borne a déclaré que la situation “sans précédent” “est un risque pour notre pays confronté à des défis au niveau national comme à l’échelle internationale”.
Borne, qui n’a été nommée qu’en mai, fera face à une “motion de censure” de l’opposition début juillet et son emploi est loin d’être sûr après avoir remporté une courte victoire dans sa propre circonscription.
Plusieurs des ministres de Borne sur les 15 candidats aux élections ont perdu leur siège, dont la ministre de la Santé Brigitte Bourguignon, qui a perdu par seulement 56 voix dans une course extrêmement serrée.
La ministre française de la mer, Justine Bénin, a été battue en Guadeloupe, et la ministre de la transition verte, Amélie de Montchalin, a également perdu.
D’autres alliés de Macron, dont son ancien porte-parole Christophe Castaner, qui a récemment été ministre de l’Intérieur jusqu’en 2020, et le président de l’Assemblée Richard Ferrand faisaient également partie de ceux qui ont reconnu leur défaite après 20h dimanche.
Le ministre de l’Europe Clément Beaune a survécu, ainsi que l’ancien ministre de la Santé Olivier Véran.
Véran a été réélu en Isère avec une marge confortable, précisant dimanche soir qu’Ensemble « constituera très rapidement une majorité absolue ».
Emmanuel Macron est désormais confronté aux réalités d’une Assemblée nationale avec deux groupes d’opposition hostiles alors qu’il tente de faire passer d’importantes réformes – notamment sur les retraites, les réductions d’impôts et le relèvement de l’âge de la retraite – qui seront presque impossibles à réaliser sans un partenaire de la coalition. .
“Il va falloir faire preuve de beaucoup d’imagination” pour gouverner, a reconnu le ministre de l’Economie Bruno Le Maire.
2. Le vote français se fragmente davantage avec le front et le centre de la coalition de gauche
La bataille principale du camp Macron sera contre une puissante coalition de gauche unie NUPES et son chef, le vétéran d’extrême gauche Jean-Luc Mélenchon, qui a qualifié les résultats de dimanche d’« échec électoral de la Macronie ».
Il était particulièrement heureux que son camp ait réussi à éliminer Castaner et Ferrand, affirmant que cela représentait “une déroute totale du parti présidentiel” dimanche soir.
Bien que Mélenchon devra très probablement renoncer à son ambition d’être Premier ministre, avec 141 sièges, le NUPES, qui a rassemblé des communistes et des Verts sous sa bannière, est bien plus diversifié et puissant que les 17 sièges que Mélenchon a réussi à obtenir en 2017.
Mélenchon, qui lui-même ne s’est pas présenté aux élections, a juré de garder le bloc uni, le qualifiant de “rébellion [which] a maintenant un visage ». Cependant, son appel lundi à son alliance pour former un groupe parlementaire a immédiatement rencontré des problèmes, les socialistes, les verts et les communistes ayant tous rejeté l’idée.
Le NUPES s’opposera très probablement fermement aux réformes de Macron, après s’être prononcé sur l’abaissement de l’âge de la retraite de 62 à 60 ans et sur le retour des impôts sur la fortune des particuliers et des entreprises.
3. Le parti de Le Pen passe de la 6e à la 3e place dans un résultat inédit
L’un des plus grands chocs du dernier tour de l’élection a été les 89 sièges remportés par un Rassemblement national (RN) très renforcé. Il formera désormais le plus grand groupe d’extrême droite de tous les parlements français depuis la Seconde Guerre mondiale.
Les sondages après le premier tour dimanche dernier donnaient au parti nationaliste d’extrême droite de Marine Le Pen — confortablement réélue dans son fief nordiste d’Hénin-Beaumont avec environ 61 % des voix — un maximum de 45 sièges.
Cependant, Le Pen – qui a perdu le second tour des présidentielles d’avril face à Macron – a réussi à profiter du duel très bruyant entre Ensemble et la gauche, faisant campagne en arrière-plan pour un gain imprévisible.
Contrairement à Ensemble et au NUPES, elle sera également à la tête du plus grand parti de l’Assemblée, beaucoup pensant que Le Pen se tournera désormais vers l’utilisation du parlement comme principale plate-forme d’action politique.
Le RN a également facilement franchi le seuil nécessaire à la constitution d’un groupe parlementaire, ce qui lui permet de disposer de plus de moyens et de temps de parole.
Le parti d’extrême droite n’y est parvenu qu’une seule fois dans son histoire, de 1986 à 1988, alors qu’il était connu sous le nom de Front national, grâce à la représentation proportionnelle.
L’ascension fulgurante du RN, qui n’avait que huit sièges en 2017 et deux en 2012, alors qu’il était le 9e parti au parlement, a également éclipsé les critiques acerbes antérieures sur les relations étroites de Le Pen avec le président russe Vladimir Poutine, une image sur laquelle elle a travaillé dur. versé depuis l’invasion de l’Ukraine par Moscou en février.
Marine Le Pen a longtemps noué des liens avec des électeurs qui la voient comme étant sur la même longueur d’onde sur les problèmes du quotidien. Mais c’est une dirigeante qui reste hostile à l’UE et à l’OTAN, dont la campagne cette année a prôné une alliance de sécurité avec la Russie, et qui en 2017 a cité les politiques de Donald Trump et de Vladimir Poutine comme celles qu’elle admirait le plus.
4. Les républicains perdent du terrain mais envisagent un rôle influent
Si les 61 sièges remportés dimanche par la droite Les Républicains ou Les Républicains (LR) peuvent sembler un bon résultat, ses 7% de suffrages remportés représentent une nouvelle perte de popularité pour le parti gaulliste pro-européen autrefois dirigé par le comme Nicolas Sarkozy et fondée à l’origine par Jacques Chirac.
LR est passé de la deuxième force politique avec l’UDI à l’Assemblée en 2017 avec 112 sièges à seulement un quatrième, le parti – qui n’a pas hésité à former des alliances avec les centristes de Macron dans le passé – a fait écho au résultat de sa candidate à la présidentielle d’avril Valérie Pécresse, arrivée cinquième avec 4,79% des suffrages au premier tour.
Le président du parti, Christian Jacob, a admis que le résultat décevant de LR était “un échec cuisant” tout en pointant du doigt Macron, qui était largement considéré comme payant le prix de jouer l’extrême gauche et l’extrême droite du pays l’une contre l’autre.
Mais les républicains n’ont pas non plus réussi à mobiliser leurs électeurs conservateurs, les messages traditionnels et l’absence d’un leader fort depuis Sarkozy se révélant coûteux pour une puissance politique autrefois.
Cependant, malgré leur déclin, l’absence de majorité de Macron pourrait amplifier l’influence des républicains alors que le groupe du président cherche des voix au parlement. Un débat a déjà commencé avec les rangs républicains sur la nature du rôle qu’ils devraient jouer.
5. La participation fond sous la canicule
L’élection parlementaire – la quatrième en deux mois après l’élection présidentielle – a été largement ignorée par les Français, car certaines parties du pays souffraient d’une vague de chaleur sans précédent, affectant le taux de participation au tour final.
Le taux de participation de 46,23% a vu plus de la moitié des quelque 48,5 millions d’électeurs inscrits s’abstenir, les jeunes électeurs étant signalés comme étant particulièrement désintéressés de se présenter aux bureaux de vote.
Bien que la participation ait quelque peu augmenté par rapport au plus bas record de 2017 (42,6 % au second tour), la longue séquence électorale en France qui a débuté le 10 avril a également été considérée comme l’une des raisons du résultat exceptionnel des extrêmes politiques français, avec les indécis qui choisissent de rester chez eux.
6. Danger de paralysie politique prolongée
Les résultats des élections font planer le spectre de semaines de négociations alors que le groupe de Macron tente de former une coalition ou un gouvernement minoritaire. Un échec signifiera probablement que le mouvement du président devra recourir à la tentative de gagner des membres individuels des partis d’opposition pour faire adopter une législation.
La position de la première ministre Élisabeth Borne est particulièrement vulnérable. Elle n’a été nommée qu’il y a un mois alors que Macron cherchait à faire appel aux électeurs de gauche qui l’avaient soutenu lors de l’élection présidentielle pour empêcher Le Pen d’entrer.
Mais les alliés potentiels du président dans le nouveau parlement au-delà de son propre mouvement, s’il y en a, sont susceptibles de venir de la droite.
La scène politique française risque d’entrer dans une période de paralysie plus prolongée, en temps de guerre en Ukraine, avec une économie nationale de plus en plus mise à rude épreuve et l’urgence climatique exigeant une action immédiate.