Le gouvernement Macron utilise un pouvoir spécial pour faire passer le budget dans l'impasse au Parlement français.

Les membres de la coalition de gauche Nupes quittent le Parlement après que le Premier ministre français Elisabeth Borne a annoncé le recours à l’article 49.3 Photo : Emmanuel DUNAND / AFP

L’utilisation du pouvoir constitutionnel a provoqué des accusations d’être “anti-démocratique” et des motions de censure contre le gouvernement, bien que celles-ci aient peu de chances d’aboutir.

L’administration tente de sortir le pays d’une situation économique difficile qui a provoqué des actions industrielles et des manifestations de rue.

Mais après des semaines de perturbations dues aux grèves dans les raffineries de pétrole et les dépôts de carburant qui ont provoqué des pénuries aux pompes à essence, le gouvernement a attendu la fin de la journée de grève et des manifestations de mardi pour dévoiler la mesure controversée.

Les débrayages ne sont que l’un des défis auxquels Macron doit faire face au cours de son second mandat.

La perte de sa majorité globale lors des élections législatives de juin n’a pas permis au président Macron de réunir suffisamment de députés pour approuver le paquet de mesures.

“Nous devons donner un budget à notre pays”, a déclaré le Premier ministre Elisabeth Borne aux législateurs en annonçant le recours à l’article 49.3 de la Constitution française.

En vertu de cette clause, une loi peut être adoptée automatiquement à moins que l’opposition ne vote sa propre motion de censure contre le gouvernement.

“Tous les partis d’opposition ont confirmé leur intention de rejeter le texte”, mais “les Français attendent de nous… des actes et des résultats”, a-t-elle déclaré, sous les huées de l’opposition et les applaudissements des partisans.

Les députés de l’alliance de gauche Nupes ont commencé à quitter la salle avant que Borne n’ait fini de parler.

Après avoir promis un débat ouvert, le camp de Macron a subi ces derniers jours une série de défaites sur le premier des milliers d’amendements proposés à ses plans fiscaux pour l’année prochaine.

Les législateurs de l’opposition ont accusé mercredi le gouvernement de leur faire perdre leur temps.

“Le macronisme est devenu une forme d’autoritarisme”, a déclaré à la presse la principale députée de la France insoumise (LFI) Mathilde Panot après l’annonce de Borne.

“Le travail du Parlement a été balayé en quelques heures”, a déclaré la représentante des Verts Cyrielle Chatelain.

Tous deux faisaient partie des 151 législateurs de Nupes à signer une motion de défiance contre le gouvernement.

Un tel “acte de brutalité anti-démocratique… nous amène à demander la censure du gouvernement”, peut-on lire.

A l’extrême droite, le Rassemblement national prévoit de déposer sa propre motion de censure jeudi.

Mais comme la gauche et l’extrême droite ne sont pas disposées à soutenir leurs motions respectives, aucune d’entre elles ne devrait atteindre les 289 voix requises.

Macron a déjà augmenté la pression sur les députés en promettant de dissoudre le parlement et de convoquer de nouvelles élections si le vote de défiance aboutit.

Le chef du groupe de centre-droit Les Républicains Olivier Marleix, à qui l’on a demandé s’il pouvait soutenir l’une ou l’autre des motions, a déclaré qu’il serait “inutile d’empiler le chaos sur le chaos”.

Après le revers électoral de cet été qui a coûté au parti de Macron sa majorité parlementaire, lui et ses ministres ont promis d’être plus ouverts au dialogue avec l’opposition et la société civile que pendant ses cinq premières années de présidence.

Mais ils ont rejeté les allégations des législateurs selon lesquelles l’utilisation de l’article 49.3 signifie l’abandon de ces efforts.

L’article signifie que “le gouvernement a la capacité de forcer l’adoption d’un projet de loi alors qu’en fait l’opposition peut s’en accommoder”, a déclaré François Bayrou, chef du parti du Mouvement démocratique allié à Macron, à la chaîne de télévision France Inter.

L’adoption du budget étant pratiquement assurée, les législateurs se sont demandés quels amendements durement négociés pourraient être maintenus, le choix revenant entièrement aux ministres.

Borne a déclaré qu'”environ 100″ modifications, y compris certaines de l’opposition, seraient maintenues.

Le budget “a été nourri, complété, amendé, voire corrigé suite aux débats de ces derniers jours”, a-t-elle déclaré aux députés.

Un législateur de haut rang a déclaré à l’AFP que les changements, y compris les allègements fiscaux pour la garde d’enfants et pour les très petites entreprises, coûteraient jusqu’à 800 millions d’euros.

Le ministre des Finances Bruno Le Maire a néanmoins prévenu M. Borne qu’il ne soutiendrait pas des changements qui feraient des trous dans le budget, a déclaré une autre personne présente à leur réunion de lundi.