AVIS : Macron a réveillé l'économie française, mais les électeurs le remercieront-ils ?

Le président français Emmanuel Macron prononce un discours. Photo de Jean-François Badias / POOL / AFP

Presque inaperçue en ces temps inquiétants, la France a eu de bonnes nouvelles.

La France, dans l’ensemble, préfère les mauvaises nouvelles. Si les chiffres économiques du pays venaient de s’aggraver, les chaînes d’information 24 heures sur 24 en auraient été remplies à gémir – l’Ukraine ou pas l’Ukraine.

Mais regarde…

Le taux de chômage officiel en France, malgré la pire crise sanitaire depuis un siècle, est tombé à 7,4% en décembre, le plus bas depuis 13 ans. Le chômage des jeunes est tombé à un peu moins de 16 %, le niveau le plus bas depuis trois décennies.

La reprise de la France après deux ans de fermetures et de couvre-feux de Covid a été exemplaire. L’économie a augmenté de 7 % en 2021, la deuxième meilleure performance parmi les grandes nations industrielles.

Ce sont tous d’excellents points de discussion pour le président Emmanuel Macron alors qu’il s’éloigne enfin de sauver le monde (la semaine prochaine probablement) et commence sa campagne pour conserver l’Elysée.

Mais il y a aussi des nuages ​​sombres et économiques qui s’amoncellent. La confrontation avec la Russie au sujet de l’Ukraine les rendra encore plus sombres avant le premier tour de scrutin du 10 avril.

Le prix à la pompe de l’essence et du diesel est désormais supérieur de 20 centimes le litre à ce qu’il était avant le début de la révolte des Gilets jaunes à l’automne 2018. Le prix du pétrole brut dépassera bientôt les 100 dollars le baril. Les prix alimentaires explosent. Les salaires des bas et moyens salariés n’ont pas beaucoup bougé depuis plus d’un an.

Le prix de gros du gaz (dont 30 % proviennent de Russie) continuera de s’envoler mais n’aura pas d’effet immédiat en France car le gouvernement a fixé les prix de détail jusqu’en juin.

Les tentatives infructueuses d’Emmanuel Macron pour courtiser et avertir Vladimir Poutine ne lui coûteront pas, à elles seules, beaucoup de voix. Peut-être aucun.

Plusieurs de ses adversaires – Marine Le Pen, Eric Zemmour, Jean-Luc Mélenchon – sont profondément compromis par leur passé poutiniste. Ils accusent Macron d’être à la fois indépendant et d’être la marionnette de Washington ; d’en faire trop mais pas assez vite.

Certaines critiques de Macron peuvent être justifiées. Il avait raison de tenter d’empêcher une guerre. Mais il était trop optimiste quant à ses chances et trop prêt à croire Vladimir Poutine au mot.

Je m’attends à ce que rien de tout cela ne fasse beaucoup de mal à Macron. La crise croissante du coût de la vie, aggravée par les sanctions occidentales et la réponse russe à celles-ci, devrait l’inquiéter beaucoup plus.

Mais d’abord, faisons d’abord quelque chose de très peu français et donnons à Macron le mérite économique là où il est dû.

Il y a bientôt deux ans, lors du premier confinement Covid, j’étais dans l’histoire de La Belle au bois dormant. Pendant combien de temps, ai-je demandé, pouvez-vous placer une société complexe comme la France dans un coma artificiel et vous attendre à ce que les entreprises, les emplois et les investissements reprennent vie comme les gens, les chevaux et les chiens du conte de fées de Charles Perrault :« La Belle au bois dormant » ?

Alors que les dernières restrictions Covid sont levées (nous l’espérons), nous connaissons la réponse. Emmanuel Macron et son ministre des Finances Bruno Le Maire méritent un énorme crédit pour leur soutien « coûte que coûte » aux entreprises et aux particuliers au cours des 23 derniers mois.

Il y aura une énorme facture à payer, éventuellement, une dette accrue. Mais le prix à court et à long terme d’un filet de sécurité plus petit ou plus faible aurait été plus élevé. Demandez aux Allemands

La Grande-Bretagne, qui a copié certains aspects du programme de soutien français, a une croissance plus élevée que la France l’année dernière mais une récession beaucoup plus importante en 2020. En prenant les deux années ensemble, la France a fait mieux.

L’économiste américain Paul Krugman a récemment déclaré que la France était la « star » de la performance économique parmi les grandes nations industrielles au cours des deux dernières années.

Les derniers chiffres de chômage bas reflètent – ​​en partie – le succès de Macron et Le Maire à mettre l’économie française sous assistance respiratoire en 2020 et à retirer habilement les sondes d’alimentation en 2021.

Ils reflètent également le succès des réformes antérieures de Macron visant à alléger les charges sociales et à faciliter les embauches et les licenciements. Surtout, la France dispose enfin d’un système d’apprentissage décent qui retire des centaines de milliers de jeunes du chômage et les oriente vers des métiers et des carrières valorisants et productifs.

Les nouvelles règles et incitations introduites sous Macron signifient que les apprentissages – longtemps une faiblesse française – ont doublé, passant de 318 000 par an en 2018 à 718 000 l’année dernière. Tous, sauf une poignée, appartiennent au secteur privé.

Divulgation complète : certaines autres statistiques économiques récentes sont médiocres. Outre l’augmentation des déficits publics et de la dette accumulée, le déficit commercial du pays est préoccupant. La reprise économique de l’année dernière a été en partie tirée par les dépenses de consommation en biens étrangers.

Il est peu probable que cela influence les élections. Le dynamisme du marché de l’emploi pourrait le faire. Cela explique en partie le soutien constant de 24 à 26 % de Macron et son avance de 8 à 9 points au premier tour

La flambée des prix à la pompe à essence et des denrées alimentaires pourrait cependant commencer à tirer ses chiffres dans l’autre sens au cours des sept prochaines semaines.

La France n’est pas un pays à hauts salaires. Une carte récente de l’UE a montré que toutes les régions de France, à l’exception des régions de Lyon et de Paris, se situent au niveau ou en dessous de la moyenne de l’UE en termes de PIB par habitant. Il ne faudrait pas beaucoup de nouvelles hausses des prix à la pompe et dans les supermarchés pour susciter une véritable colère dans un pays qui est toujours prompt à blâmer et lent à faire l’éloge.

La baisse du chômage est tout à l’honneur de Macron. Les hausses de prix ne sont pas « la faute de Macron ».

Ils sont, tout de même, un nuage sombre qui déplace ce qui ressemble autrement à des perspectives électorales assez ensoleillées pour le président.