Plusieurs candidats au parlement français se retirent après des allégations d'agression

Un manifestant tient une pancarte indiquant “Ministère du viol”, dénonçant la nomination du ministre français de l’Intérieur qui fait face à des accusations de viol (Photo par LOIC VENANCE / AFP)

Plusieurs femmes politiques et journalistes féministes françaises ont lancé en novembre dernier le mouvement « MeToo Politique » pour dénoncer le sexisme en politique et exiger que les hommes accusés de violences sexuelles soient systématiquement démis de leurs fonctions.

Six mois plus tard, leur tentative de secouer la politique semble avoir pris racine, plusieurs candidats de premier plan aux élections législatives de juin accusés de violences contre les femmes jetant l’éponge sous la pression.

Jérôme Peyrat, candidat du parti LREM du président Emmanuel Macron reconnu coupable de violences contre son ancien partenaire, ne se représentera plus, a déclaré mercredi le chef du parti Stanislas Guerini.

Guerini avait provoqué un tollé plus tôt dans la journée en semblant minimiser le problème.

« (Peyrat) est un honnête homme. Je ne pense pas qu’il soit capable de violence contre les femmes », a-t-il déclaré à la radio FranceInfo.

Peyrat, qui était conseiller des anciens présidents Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy ainsi que de Macron, a été condamné à une amende avec sursis de 3 000 euros (3 160 $) en septembre 2020.

Les examens médicaux vus par le site d’information Mediapart ont fait état d’ecchymoses sur le visage, le cou, le bras, l’épaule et le poignet de l’ex-compagne de Peyrat, ainsi que des douleurs à la mâchoire et un trouble de stress post-traumatique. Elle a été arrêtée pour deux semaines.

“Nommer quelqu’un pour se présenter comme député, c’est lui donner du poids et une plate-forme”, a déclaré la politicienne parisienne Alice Coffin. Elle est membre fondatrice de l’Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique, créé en novembre lors du lancement de « MeToo Politique ».

“Nous ne pouvons pas célébrer les agresseurs”, a-t-elle déclaré à l’AFP.

Taha Bouhafs, qui se présentait à la députation sur un ticket d’extrême gauche avec le mouvement France Insoumise (LFI), a également démissionné la semaine dernière après que plusieurs femmes se sont manifestées à LFI et l’ont accusé d’agression sexuelle.

Le décrochage des candidats est un signe que les choses changent, a déclaré Fiona Texeire, membre du personnel de la mairie de Paris et membre fondatrice de l’Observatoire.

“(Mais) la vraie victoire sera lorsque les partis feront le travail en interne et ne désigneront pas de personnes accusées de violences sexistes ou sexuelles”, a-t-elle ajouté.

Club des garçons

La politique française a longtemps été perçue comme un club de garçons.

Les Françaises n’ont obtenu le droit de vote qu’en 1944, plusieurs décennies après leurs homologues britanniques, hollandaises et américaines.

Le pays n’a jamais eu de femme présidente et ce n’est que cette semaine que Macron a nommé la deuxième femme Premier ministre, Elisabeth Borne.

Mais une série d’affaires de violence sexuelle très médiatisées impliquant d’éminents politiciens ont ébranlé la sphère politique.

En 2011, lorsque le puissant politicien socialiste Dominique Strauss-Kahn a été arrêté à New York pour avoir tenté de violer une femme de chambre d’hôtel, la classe politique française a serré les rangs derrière lui.

Une telle position est beaucoup plus improbable au lendemain de #MeToo, disent les experts.

Ces dernières années, des personnalités politiques de premier plan telles que le politicien vert Denis Baupin et l’ancien ministre de l’environnement Nicolas Hulot ont été contraintes de se retirer de la vie publique à la suite d’accusations de harcèlement ou d’abus sexuels.

Hulot s’est retiré de la vie publique en novembre de l’année dernière après la diffusion d’un documentaire à la télévision aux heures de grande écoute mettant en vedette plusieurs femmes affirmant qu’il les avait agressées sexuellement, dont une femme qui dit l’avoir violée alors qu’elle était mineure.

La décision de Macron en 2020 de nommer Gérald Darmanin au poste de ministre de l’Intérieur – même s’il était accusé de viol, de harcèlement sexuel et d’abus de pouvoir – a également suscité de vives critiques, provoquant même des manifestations.

Cependant, Darmanin a nié tout acte répréhensible et les procureurs ont demandé en janvier l’abandon de l’affaire.

“Par nature sexiste”

“La médiatisation des violences sexistes et sexuelles a définitivement évolué en faveur des femmes ces dernières années”, a déclaré Merabha Benchikh, sociologue à l’université de Strasbourg.

Mais #MeToo a eu moins d’effet en France qu’en Grande-Bretagne et aux États-Unis, a ajouté Benchikh. Elle attribue cela à une culture de la séduction en France qui, selon elle, équivaut souvent à du harcèlement.

Peu de temps après le début du mouvement #MeToo, une centaine d’écrivaines, interprètes et universitaires françaises, dont l’icône du cinéma Catherine Deneuve, ont écrit une lettre ouverte défendant le “droit de déranger” les femmes.

“Nous étions le seul pays à avoir une chronique d’opinion signée par des femmes contre #MeToo”, a déclaré Coffin.

Trois candidats à l’élection présidentielle d’avril — Eric Zemmour, Jean Lassalle et François Asselineau — avaient été accusés d’abus ou de harcèlement sexuel.

Asselineau a nié les accusations. Zemmour a refusé de parler des incidents, qui, selon lui, font partie de sa vie privée, tandis que Lassalle s’est excusé s’il avait “offensé”.

“Le champ politique français – par nature androcentrique et sexiste – a longtemps exclu les femmes, y compris dans leurs tentatives de s’exprimer”, a déclaré Benchikh.

« Les voix des femmes commencent seulement à se libérer de ces relations de domination », a-t-elle ajouté.