Le matador français El Rafi exécute une passe de muleta sur un taureau de combat dans les arènes d’Arles, dans le sud de la France, le 6 juin 2021 (Photo de Nicolas TUCAT / AFP)

“Je pense que la majorité des Français partagent l’opinion selon laquelle les corridas sont immorales, un spectacle qui n’a plus sa place au 21e siècle”, a déclaré Aymeric Caron, un ancien journaliste de télévision populaire et militant des droits des animaux récemment élu au Parlement en tant que partie du parti d’extrême gauche France Insoumise.

Pendant des années, les critiques ont cherché un dernier coup juridique contre ce qu’ils appellent un rituel cruel et archaïque, mais aucun des projets de loi présentés n’a jamais été approuvé pour débat par les législateurs de l’Assemblée nationale.

Les tribunaux français ont également régulièrement rejeté les poursuites intentées par des militants des droits des animaux, le plus récemment en juillet 2021 à Nîmes, qui abrite l’un des événements taurins les plus célèbres de France.

Mais Caron, basé à Paris, a déclaré à l’AFP que le moment était venu pour une nouvelle proposition compte tenu des préoccupations croissantes concernant le bien-être animal, avec un projet de loi qui doit être soumis cette semaine.

“J’espère en effet que ce projet de loi sera débattu au Parlement en novembre… ce serait une première”, a-t-il déclaré.

La perspective semble d’autant plus probable après que France Unbowed a remporté des dizaines de nouveaux sièges lors des récentes élections, contribuant à dépouiller le président Emmanuel Macron de sa majorité centriste au parlement.

L’objectif est de modifier une loi sur le bien-être animal qui autorise des exceptions pour les corridas – ainsi que les combats de coqs – lorsqu’il peut être démontré qu’il s’agit de «traditions locales ininterrompues».

De telles exceptions sont accordées à des villes telles que Bayonne et le joyau médiéval de Mont-de-Marsan dans le sud-ouest de la France près de l’Espagne, où la pratique a ses origines, et le long de la côte méditerranéenne, notamment Arles, Béziers et Nîmes.

“Respecter l’animal”

Pour Caron, “ce n’est pas une tradition française, c’est une coutume espagnole qui a été importée en France au XIXe siècle pour plaire à l’épouse de Napoléon III, qui était andalouse”, la comtesse Eugénie de Montijo.

Il est peu probable que cet argument convainque les foules qui se bousculent dans les rues de Bayonne pour la féria taurine qui s’est terminée dimanche, une mer d’éventails vêtus de blanc à l’exception de bandanas ou de ceintures rouge vif.

« Les gens qui veulent l’interdire ne le comprennent pas. La tauromachie est un drame qui rapproche de la mort… Tu as peur, mais ça fait partie de la vie », raconte Jean-Luc Ambert, venu avec des amis du centre Auvergne.

Comme beaucoup d’autres fans, son amie Françoise a insisté sur le fait que la tauromachie est un art autant qu’un sport, où “un homme met sa vie en jeu, tout en respectant l’animal”.

“Nous n’essayons pas de convertir qui que ce soit, je veux juste que les gens qui s’y opposent nous laissent tranquilles”, a-t-elle déclaré à l’AFP.

L’invité vedette de la féria de Bayonne, le matador espagnol Alejandro Talavante, a en effet trouvé un public admiratif, la foule réclamant l’oreille de taureau pour sa prestation.

C’est un conflit qui fait écho au fossé grandissant en France entre les habitants des campagnes ancrés dans de profondes traditions agricoles, et les Parisiens et autres citadins accusés de piétiner le patrimoine culturel du pays – souvent ridiculisés comme “les talibans du Paristan”.

Un soutien généralisé ?

André Viard, président de l’association nationale de tauromachie, a écarté la menace d’une interdiction.

“Cela revient à chaque session parlementaire”, a déclaré Viard à l’AFP à propos des efforts de Caron pour trouver des alliés à l’initiative France Insoumise.

« Nous disons aux autres partis : pourquoi voulez-vous être associé à un projet de loi qui porte atteinte à une liberté culturelle protégée par la Constitution, et à l’identité territoriale ?

Le débat fait écho à une opposition similaire dans d’autres pays ayant des antécédents taurins, notamment l’Espagne et le Portugal, ainsi que le Mexique, la Colombie et le Venezuela.

En juin, un juge de Mexico a ordonné une suspension indéfinie des corridas dans les arènes historiques de la capitale, les plus grandes du monde.

Caron compte sur le soutien de tous les horizons politiques, y compris les principaux membres du parti de Macron, comme le chef de son groupe parlementaire Aurore Berge, qui faisait partie des 36 législateurs qui ont appelé à l’interdiction des corridas l’année dernière.

Un sondage Ifop plus tôt cette année a révélé que 77 % des personnes interrogées approuvaient une interdiction, contre 50 % en 2007.

“De plus en plus de gens s’inquiètent de la souffrance des animaux, y compris lors des corridas”, a déclaré à l’AFP Claire Starozinski de l’Alliance anti-corrida, ajoutant que beaucoup de gens ne se rendent pas compte que les taureaux sont réellement tués.

“Je sais qu’il y a des députés d’autres partis qui me soutiendront, et ils l’ont dit”, a déclaré Caron – bien qu’il ait admis que des législateurs plus traditionnels tels que Berge pourraient être réticents à rejoindre sa campagne de gauche.

« Va-t-elle rester fidèle à ses convictions, ou faire un calcul politique qui l’empêche de me soutenir ? C’est ce qui sera en jeu dans les pourparlers des semaines et des mois à venir.