Comment une ville française a ravivé la dispute annuelle sur le burkini en France.

Une femme française porte un burkini alors qu’elle se baigne et prend un bain de soleil à Nice. (Photo de Jean-Christophe MAGNENET / AFP)

Le maillot de bain tout-en-un, utilisé par certaines femmes musulmanes pour se couvrir le corps et les cheveux pendant la baignade, est devenu presque aussi actuel que la crème glacée et les chapeaux de soleil pendant la saison des vacances en France ces dernières années.

Considéré comme un symbole de l’islamisme rampant par ses détracteurs et un affront aux traditions laïques de la France, de nombreuses personnes de droite et certaines féministes souhaiteraient l’interdire purement et simplement.

Il est interdit dans la plupart des piscines publiques – pour des raisons d’hygiène et non de religion – où des règles strictes de maillot de bain s’appliquent à tous, y compris aux hommes qui doivent se serrer dans des maillots moulants.

Le conseil municipal de Grenoble, dominé par le parti vert EELV, s’apprête à supprimer lundi son code vestimentaire pour la baignade, autorisant de fait les longues tenues, les shorts de plage et la baignade seins nus.

“Notre intention est de supprimer toutes les restrictions vestimentaires anormales”, a récemment déclaré le maire Eric Piolle. “La question n’est pas d’être pour ou contre le burkini spécifiquement”.

Les opposants voient les choses différemment, notamment l’influent chef conservateur de la grande région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, qui a promis de retirer ses financements à la ville.

“Je suis convaincu que ce que défend M. Piolle est une impasse épouvantable pour notre pays”, a déclaré M. Wauquiez début mai, l’accusant de “pactiser avec l’islam politique” pour “acheter des voix”.

Discriminatoire

La querelle régionale a remis le burkini à la une de l’actualité nationale, animant les talk-shows français et la classe politique avant les élections législatives du mois prochain.

La question de la façon dont les gens s’habillent pour la piscine touche à des sujets très sensibles en France, notamment les craintes concernant l’influence de l’Islam et les menaces pour la laïcité chère au pays.

Le droit de pratiquer librement son culte est protégé par la Constitution, mais l’État français est également tenu par la loi d’être neutre en matière de religion, y compris au sein des institutions.

“Le burkini vise, purement et simplement, à imposer les valeurs islamistes au cœur des lieux de baignade et de loisirs publics”, peut-on lire dans une lettre ouverte rédigée par des conseillers municipaux d’opposition de Grenoble la semaine dernière.

Les tentatives de plusieurs maires locaux du sud de la France d’interdire le burkini sur les plages de la Méditerranée à l’été 2016 ont déclenché la première tempête de feu autour du maillot de bain.

Les règles, introduites après une série d’attaques terroristes en France, ont finalement été invalidées comme étant discriminatoires.

Trois ans plus tard, un groupe de femmes à Grenoble a fait sensation en forçant l’entrée d’une piscine avec des burkinis, ce qui a conduit le premier ministre de l’époque à insister sur le fait que les règles devaient être suivies.

La marque de sport française Decathlon s’est également retrouvée au centre d’une dispute similaire en 2019 lorsqu’elle a annoncé son intention de vendre un “hijab sportif” permettant aux femmes musulmanes de couvrir leurs cheveux pendant la course.

Pour ou contre ?

Le vote de lundi à Grenoble “est un moment important pour toutes les personnes concernées et leurs alliés, mais aussi dans la lutte contre l’islamophobie et le contrôle du corps des femmes”, a écrit le groupe de campagne local Alliance citoyenne sur sa page Facebook.

Des manifestations de soutien et d’opposition sont également prévues dans la ville après la réunion du conseil municipal, au cours de laquelle le maire Piolle devrait réussir à faire passer le changement.

Les féministes françaises sont divisées, certaines considérant le burkini comme un symbole d’oppression masculine et d’autres, comme Caroline De Haas, écrivant que “personne ne devrait être stigmatisé dans une piscine en raison de son choix de maillot de bain”.

Grenoble ne sera pas la première à changer ses règles, cependant.

La ville de Rennes (nord-ouest) a discrètement mis à jour son code de la piscine en 2019 pour autoriser les burkinis et d’autres types de maillots de bain.

Le débat sur le burkini intervient alors que les footballeuses musulmanes françaises se battent pour faire annuler l’interdiction du port de symboles religieux pendant les matchs de compétition.

La Fédération française de football interdit actuellement aux joueuses de jouer en portant des symboles religieux “ostentatoires” tels que le hijab musulman ou la kippa juive.

Un collectif de femmes connu sous le nom de “les Hijabeuses” a lancé un défi juridique contre ces règles en novembre de l’année dernière.