L’obsession compulsive de la France pour le comportement et l’habillement de ses citoyens musulmans a pris des proportions inquiétantes et s’est transformée au fil des ans en une forme d’hystérie de masse. « L’affaire du burkini » en est un exemple parmi tant d’autres.
Le burkini est un maillot de bain deux pièces complet avec des manches, des jambes longues et un couvre-chef. Ce type de maillot de bain en Lycra® laisse le visage, les pieds et les mains découverts. Il a été inventé en 2003 par un designer australien Aheda Zanetti, qui souhaitait développer des vêtements de sport pour les femmes musulmanes leur permettant de pratiquer des activités sportives tout en respectant leurs croyances religieuses. Si le burkini a d’abord été conçu pour les femmes musulmanes, il a aussi été adopté par de nombreuses femmes non musulmanes qui souhaitent couvrir leur corps pour diverses raisons.
La controverse s’est intensifiée en 2016, lorsque le Conseil d’État français – la plus haute juridiction administrative de France – renversé une série d’initiatives locales visant à interdire l’usage du burkini sur les plages publiques. Ces interdictions ont été mises en œuvre dans une atmosphère de sentiment anti-musulman croissant par des responsables locaux qui ont fait valoir qu’une telle tenue troublait l’ordre public. Le Conseil n’a pas vu de telles perturbations et a fait valoir qu’il s’agissait d’une atteinte aux libertés civiles protégées par la Constitution. Ceci, cependant, n’a pas mis fin à la controverse.
En réponse, l’establishment politique de tout l’éventail politique a tenté de trouver des vides juridiques pour contourner la décision, se tournant vers les piscines municipales où ils pourraient modifier les règles régissant les services publics.
Une récente controverse impliquant le maire écologiste de Grenoble, Eric Piolle, qui a autorisé le port du burkini (ainsi que des maillots de bain seins nus) dans les piscines municipales, déclenchant une avalanche de critiques. Ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin accusé M. Piolle d’entretenir une « provocation communautaire » et qu’autoriser le port du burkini dans les piscines publiques était contraire aux valeurs de la France. Une fois de plus, les femmes musulmanes françaises se sont retrouvées stigmatisées et ciblées.
Ils ont été accusés d’être un vecteur de l’extrémisme islamiste, du séparatisme, du patriarcat et de violer le principe de laïcité. Ce discours, comme tant d’autres avant lui, s’est déroulé sans inviter les femmes musulmanes elles-mêmes à faire partie de la conversation.
Les interprétations modernes de la laïcité – la manière unique en France de gérer les relations entre l’Église et l’État – sont devenues un outil idéologique de l’identité politique, facteur de division et d’exclusion des musulmans français des sociétés dans lesquelles ils vivent. Comment on est venu ici?
Le sens du terme “” est devenu obscur par le fait que ses interprétations sont diverses et parfois contradictoires.
Son usage actuel trahit l’intention très libérale de la loi de 1905 sur «Séparation de l’Église et de l’État», l’arrêt qui constitue le fondement du principe.
La laïcité définissait autrefois les territoires dans lesquels l’État est souverain et la croyance religieuse est laissée à la porte. Elle génère des obligations pour l’État de rester neutre et de garantir la liberté religieuse et la liberté de conscience de ses citoyens, dans les limites de l’ordre public.
Une importante mauvaise interprétation de la loi de 1905 persiste à ce jour. La loi n’exige pas que la croyance religieuse ou des signes visibles de celle-ci soient conservés au domicile. Cependant, les politiciens et les experts citent quotidiennement la loi dans leurs efforts pour effacer toute visibilité religieuse (en particulier l’islam) sur la place publique.
Toute tentative de montrer des attributs visibles de la foi à l’extérieur de la maison est considérée comme une menace pour une croyance répandue selon laquelle les citoyens français devraient se conformer à une notion imaginaire de ce que signifie être français. Cette interprétation très antilibérale de la laïcité et de la neutralité religieuse va à l’encontre de l’essence de la loi de 1905.
Alors que la France continue de mûrir en tant que pays composé de personnes d’origines ethniques et religieuses différentes, les communautés vulnérables ont commencé à défendre leurs droits à être traitées sur un pied d’égalité avec leurs concitoyens français sans renoncer à leurs croyances et coutumes personnelles.
Les détracteurs des choix vestimentaires des femmes musulmanes ont oublié les libertés fondamentales de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, cherchant souvent à libérer les femmes musulmanes de leur religion. Même lorsqu’elles sont musulmanes, elles sont souvent accusées de se radicaliser.
Une bonne femme musulmane est une femme silencieuse et invisible. L’ironie est que de nombreuses femmes musulmanes qui portent leur burkini à la piscine ou portent un foulard lors de compétitions sportives vont en fait à l’encontre des interprétations rigoureuses de l’islam. Afin de justifier les interdictions du burkini, les politiciens ou les commentateurs pointeront souvent du doigt les pays à majorité musulmane qui ont des interdictions similaires, comme si les États autoritaires étaient un modèle à suivre pour la France.
Les femmes musulmanes sont perçues comme une menace parce qu’elles ébranlent la France Status Quo. L’illusion que la France était une nation daltonienne a été brisée. Si la France croit vraiment que les communautés multiculturelles menacent le caractère du pays, elle ne doit pas croire que sa culture – celle que le monde entier admire – est en réalité si forte.
Mais si la France veut prendre sa place dans un monde multiculturel, elle doit comprendre comment les communautés vulnérables s’inscrivent dans la notion d’identité française et font de la place à tous ses citoyens.