Présidentielle française : les affrontements politiques les plus mémorables

Le président français Emmanuel Macron et sa rivale d’extrême droite Marine Le Pen devraient débattre à la télévision pour la présidence française dans un second tour qui, selon les sondages, risque d’être serré. (Photo JULIEN DE ROSA et CHARLES PLATIAU / sources diverses / AFP)

La paire échangera des coups à partir de 20 heures, heure de Paris, mercredi dans un débat qui devrait être regardé par des millions de personnes dans tout le pays avant le second tour des élections du 24 avril.

Contrairement aux États-Unis, où les candidats républicains et démocrates s’affrontent au moins deux fois, les favoris français n’ont qu’une seule chance de se battre chacun à la télévision en direct.

Le match politique télévisé s’annonce comme un moment crucial dans une course serrée pour l’Élysée.

Ici, nous jetons un regard sur les affrontements passés dans ce qui est désormais une tradition politique française, dont beaucoup sont gravés dans la mémoire des Français comme des tournants dans l’histoire politique.

1974 : Cœurs et esprits

Environ 25 millions de personnes ont suivi le tout premier débat présidentiel télévisé d’inspiration américaine en France, opposant le candidat socialiste François Mitterrand au ministre des Finances centriste Valéry Giscard d’Estaing.

Les deux étaient au coude à coude dans les sondages, mais les tentatives du patricien Mitterrand de sermonner son adversaire réformateur sur la redistribution des richesses se sont retournées contre lui.

“C’est une question de cœur, pas seulement d’intelligence”, a soutenu Mitterrand, auquel Giscard a répliqué: “Vous n’avez pas le monopole du cœur, M. Mitterrand.”

Giscard a remporté l’élection.

1981 : ‘L’homme du passé’

Sept ans plus tard, les deux se sont retrouvés, avec Mitterrand impatient de se venger.

Cette fois-ci, c’est le titulaire qui dénigre son adversaire, le qualifiant d’« homme du passé » et lui demandant de prouver ses qualités économiques en citant le taux de change franc-deutschmark.

« Je ne suis pas ton élève ! » Mitterrand s’y oppose.

Giscard a subi l’ignominie d’être le premier président français élu après un seul mandat.

1988 : président contre premier ministre

1988 a produit l’étrange spectacle d’un président affrontant son propre Premier ministre. Mitterrand et le candidat de centre-droit Jacques Chirac étaient des compagnons de lit mal à l’aise dans ce que les Français appellent une “cohabitation”, où le président et le gouvernement sont des côtés opposés de la division gauche-droite.

Les étincelles ont volé lorsque Chirac a insisté pour appeler le titulaire “Monsieur Mitterrand” au lieu de “Monsieur le président”.

L’ancien président français Jacques Chirac était un maître de l’insulte. (Photo par SÉBASTIEN NOGIER / AFP)

“Ce soir, je ne suis pas le Premier ministre et vous n’êtes pas le président de la république… Nous sommes deux candidats égaux”, a déclaré Chirac.

“Vous avez tout à fait raison, monsieur le Premier ministre”, répliqua Mitterrand. Mitterrand est réélu.

1995 : Retour de la droite

Alors que les trois premiers débats ont enflammé les électeurs, le duel trop civilisé entre Chirac et l’ancien ministre Mitterrand Lionel Jospin en 1995 a suscité des hurlements de déception.

La seule ligne mémorable de leur échange était l’affirmation de Jospin selon laquelle “il vaut mieux avoir cinq ans avec Jospin (il a soutenu le passage d’un mandat présidentiel de sept ans à un mandat de cinq ans) que sept ans avec Chirac”.

Chirac a néanmoins triomphé, reconquérant la présidence pour la droite.

2002 : Pas de débat avec Le Pen

En 2002, la France était sous le choc après que le leader d’extrême droite Jean-Marie Le Pen a dépassé Jospin au premier tour de l’élection pour se tailler une place dans le second tour contre le président sortant Chirac.

Chirac a refusé d’avoir un débat avec Le Pen en disant que “face à l’intolérance et à la haine, aucun débat n’est possible”. Le Pen l’a accusé de “s’éclipser”.

Soutenu par des modérés de droite comme de gauche, Chirac a écrasé l’ancien parachutiste.

2007 : “Calmez-vous !”

La première femme à faire un second tour à la présidentielle, Ségolène Royal du Parti socialiste, a attaqué en 2007 le ministre de l’Intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy, pour son soutien aux personnes handicapées.

L'ancien président français Nicolas Sarkozy dépose son bulletin de vote pour le premier tour de l'élection présidentielle française dans un bureau de vote à Paris

L’ancien président français Nicolas Sarkozy dépose son bulletin de vote pour le premier tour de l’élection présidentielle française dans un bureau de vote à Paris. (Photo : Julien de Rosa / AFP)

Sarkozy, qui a une réputation d’irascibilité, a refusé de mordre à l’hameçon. “Calmer!” lui dit-il. “Pour être président, il faut être calme.” Royal a refusé de concéder le point, insistant sur le fait que sa colère est «très saine». Sarkozy a gagné.

2012: ‘Moi, président’

Cinq ans plus tard, le pugnace Sarkozy avait cruellement besoin de porter un coup de grâce à l’ancien partenaire de Royal, François Hollande, pour s’accrocher à la présidence. Les railleries ont volé. Sarkozy a qualifié Hollande de “petit calomniateur” et l’a accusé de mentir.

Mais c’est le chef du Parti socialiste, qui avait fait campagne en tant que Monsieur Normal, qui a prononcé les lignes les plus mémorables.

Dans une série de déclarations commençant par “Moi, en tant que président de la république”, il a présenté des plans pour nettoyer le paysage politique entaché légué par son rival. Hollande a gagné.

2017 : Effacement

Le débat de 2017, opposant la nationaliste Marine Le Pen – fille de Jean-Marie qui a marqué l’histoire en entrant au second tour en 2002 – contre le centriste libéral Macron est considéré comme le plus brutal de tous.

Le Pen a été accusé de s’être inspiré du livre de jeu populiste de Donald Trump en se moquant de la relation de Macron avec sa femme, Brigitte. Macron l’a pour sa part accusée de “mensonges”.

Le Pen est devenue de plus en plus déconcertée et a fouillé dans ses notes lorsque Macron l’a prise à partie sur son programme économique, y compris ses plans pour ramener le franc français.

Le Pen admet plus tard qu’elle a « raté » le test. Macron a gagné.