Pourquoi les Français détestent-ils tant Macron ?

Emmanuel Macron. Photo de Francois Mori / POOL / AFP

Son effet polarisant sur les électeurs a suscité une myriade d’articles dans les médias, de livres et d’innombrables débats télévisés, nullement plus que lors des violentes manifestations des “gilets jaunes” contre lui en 2018-19.

“Il y a une sorte de haine qu’il concentre qu’on n’avait jamais rencontrée auparavant”, explique à l’AFP le journaliste vétéran Nicolas Domenach, auteur d’un deuxième livre sur l’homme de 44 ans.

“C’est quelque chose qui a été présent tout au long de son mandat et qui remonte à la surface de manière assez brutale”, ajoute le coauteur de “Macron : pourquoi tant de haine ?”.

Seul l’ex-président Charles de Gaulle a inspiré un rejet aussi viscéral par une partie de la population lorsqu’il était au pouvoir, a déclaré Domenach, principalement parce qu’il a accordé l’indépendance à l’Algérie en 1962, ce qui a été considéré par les critiques comme une trahison.

Pourtant, jusqu’à présent, la moyenne des sondages montre que Macron a une courte avance de 55% contre 45% pour Le Pen avant le vote de dimanche.

Certains ont émis l’hypothèse que l’image de “premier de la classe” de Macron dérange certaines personnes, tout comme sa façon intransigeante de parler et son style de gouvernement intensément centralisé.

Son association avec la finance et les affaires grâce à un passage à la banque Rothschild, ainsi que sa scolarité dans les meilleures universités, le rendent également élitiste aux yeux de beaucoup.

Cela a été renforcé par des gaffes majeures au début de son mandat, comme lorsqu’il a dit à un jardinier au chômage qu’il pouvait simplement “traverser la route” et lui trouver un emploi.

“Il cristallise une sorte de haine de classe qui est très profondément ancrée dans la société française”, a déclaré l’historien Jean Garrigues, qui étudie le rôle de la haine en politique pour un nouveau livre.

“Il apparaît pour certains comme un exemple presque archétypique des classes privilégiées et des élites, les Français des riches”, a-t-il déclaré à l’AFP.

Les manifestations contre Macron ont régulièrement vu revenir l’imagerie de l’ultime conflit de classe : la Révolution française de 1789 qui a vu la monarchie déposée et le roi Louis XVI décapité.

Des effigies de Macron ont été guillotinées en public, tandis que des photos de son visage ont été plantées au sommet de piques lors de certaines marches des “gilets jaunes”.

“Il y avait une dimension révolutionnaire, un esprit d’insurrection”, a déclaré à l’AFP Igor Maquet, un vétéran des manifestations des “gilets jaunes” à Nantes, dans l’ouest de la France.

Le Pen, bien que venant d’un milieu beaucoup plus privilégié et parisien que son adversaire, a cherché à se présenter comme la voix des opprimés.

Mais si Macron peut être repoussant pour certains, il obtient de bien meilleurs résultats que Le Pen dans les sondages sur d’autres mesures cruciales telles que la perception de la compétence et de la stature d’un président.

Avec son passé au sein de l’extrême droite xénophobe française, Le Pen est considérée comme “inquiétante” par la moitié de la population, selon les sondages.

Les assistants et amis de Macron ont toujours été exaspérés par son image, qui, selon eux, contraste avec la personne charmante et bon enfant qu’ils connaissent en privé.

“Macron aime les gens”, a récemment déclaré à l’AFP un député de haut rang, ajoutant que le président et son épouse Brigitte étaient gênés par le “décalage” entre sa personnalité réelle et son personnage politique.

“Il a une énorme capacité à être empathique mais il a toujours cette satanée image d’arrogance”, a ajouté le député sous couvert d’anonymat.

Macron lui-même a théorisé avant d’être élu que les Français étaient des “monarchistes régicides” qui aimaient élire un président de type roi pour ensuite le rejeter.

“La culture politique française est extrêmement violente”, a-t-il déclaré au magazine Le Point la semaine dernière. “Je suis très lucide à ce sujet”.