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Le gouvernement français a accordé un port sûr au navire de sauvetage Ocean Viking transportant 234 migrants.

Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a déclaré que la France accueillerait vendredi les passagers du navire au port militaire de la ville de Toulon.

Le navire battant pavillon norvégien, exploité par l’ONG SOS Méditerranée, est en mer depuis près de trois semaines.

L’Italie avait refusé d’autoriser les migrants à débarquer sur le territoire italien, déclenchant une dispute avec Paris.

Darmanin a déclaré que les 230 passagers à bord de l’Ocean Viking seraient ensuite répartis entre la France, l’Allemagne et d’autres pays européens.

Les garde-côtes français ont déjà commencé un examen médical et quatre migrants ont été évacués du navire par hélicoptère pour des raisons médicales.

“Toutes les mesures seront prises pour apporter l’assistance sanitaire et médicale nécessaire aux passagers” et pour effectuer les contrôles de sécurité, a déclaré Darmanin aux journalistes à Paris à l’issue du conseil des ministres hebdomadaire du gouvernement.

Il a ajouté que la décision était prise “à titre exceptionnel” et que les passagers qui ne répondaient pas aux critères des demandeurs d’asile “seraient directement expulsés”.

Certains députés de l’opposition ont critiqué le gouvernement français, arguant qu’en accueillant des navires d’ONG, le pays encouragerait davantage le trafic de migrants.

Marine Le Pen, leader du Rassemblement national d’extrême droite, a déclaré que cette décision était un “signal dramatique de laxisme”.

L’Ocean Viking transportait plus de 230 migrants en mer Méditerranée depuis une vingtaine de jours.

La directrice générale de SOS Méditerranée, Sophie Beau, avait indiqué que la situation à bord avait atteint un “stade critique” avec le risque de “pertes en vies humaines”.

Après que le gouvernement d’extrême droite italien ait refusé d’accorder au navire un port sûr, il a mis le cap sur l’île française de Corse, dans l’espoir d’y débarquer.

Meloni cède, permet à des centaines de personnes de débarquer

Entre-temps, le gouvernement italien est revenu sur sa position et a autorisé des centaines de migrants secourus à quitter trois autres navires d’ONG, et pas seulement ceux qui étaient jugés “vulnérables”.

Le Premier ministre italien Giorgia Meloni a provoqué une rupture diplomatique en remerciant prématurément mardi le gouvernement français d’avoir accueilli le navire. Le gouvernement français n’avait fait publiquement aucune promesse de ce genre à ce stade.

Meloni a déclaré que les pays européens devraient partager la responsabilité de l’accueil des migrants trouvés en mer Méditerranée, en particulier si les navires de sauvetage volent sous le pavillon de leur pays.

Mais Darmanin a critiqué le choix de Rome comme “inacceptable” et “incompréhensible” et a averti qu'”il y aura des conséquences extrêmement fortes pour les relations bilatérales”.

“La France prendra des mesures dans les prochaines heures pour renforcer la sécurité des frontières avec l’Italie” et ajuster les relations bilatérales en conséquence, a déclaré jeudi Darmanin.

“La France regrette profondément que l’Italie n’ait pas accepté de se comporter en Etat européen responsable”, a-t-il ajouté.

« La gestion des flux migratoires en Méditerranée est un problème européen qui nous touche tous et appelle une réponse européenne ».

Le gouvernement français a suspendu “avec effet immédiat” l’arrivée prévue de 3 500 réfugiés d’Italie.

La Commission européenne a inhabituellement pris position sur une question d’immigration intérieure et a appelé l’Ocean Viking à “débarquer immédiatement”.

Le porte-parole du gouvernement français, Olivier Véran, a déclaré que Paris organiserait une réunion avec Bruxelles dans les prochains jours pour discuter de la position de l’Italie.

En vertu du droit maritime, toutes les personnes trouvées en mer en détresse ont le droit d’accéder au port sûr le plus proche, où elles peuvent ensuite demander l’asile.

“Les critères de sauvetage ne sont pas discrétionnaires”

France et Italie se sont déjà affrontés au sujet du navire de sauvetage de migrants Aquariusqui a finalement débarqué à Valence, en Espagne, en 2018.

“La situation insupportable de l’Ocean Viking montre qu’il est urgent que les Etats européens mettent en place un mécanisme permanent de débarquement et de distribution [for rescued migrants]”, a déclaré Sophie Beau, directrice de SOS Méditerranée.

“La [French government’s] solution a un goût amer car ces 234 personnes viennent de vivre une véritable épreuve”, a-t-elle déclaré à l’AFP.

“C’est un soulagement teinté d’amertume, c’est vraiment un constat de l’échec des politiques des Etats (membres) européens qui ont bafoué le droit maritime d’une manière inédite.”

La tentative du gouvernement italien de faire chanter le bloc n’avait aucune base légale en droit international, a déclaré Fulvio Vassallo Paleologo, ancien professeur de droit d’asile et de statut constitutionnel des étrangers à l’Université de Palerme, à Euronews.

“Les critères selon lesquels un État sauve des migrants ne sont pas discrétionnaires – mais sont fixés par le droit international, comme la convention SAR de Hambourg, le règlement Frontex de l’UE ainsi que la convention UNCLOS. Le débarquement doit avoir lieu au port sûr le plus proche et dans le plus court possible », a expliqué Vassallo Paleologo.

“Les nations côtières ne peuvent pas faire étalage de leurs obligations en envoyant des migrants dans un autre pays lointain qu’il leur faudra peut-être des semaines pour atteindre.”

“L’Italie devrait respecter ces règles, mais le gouvernement ne veut pas le faire à cause de gains politiques”, a-t-il déclaré.

De plus, les demandes du gouvernement Meloni pour plus d’aide de la part des autres États membres de l’UE ne sont pas justifiées par le nombre de ceux qui arrivent dans les ports italiens, selon Vassallo Paleologo.

“Le nombre d’arrivées de migrants en Italie n’est pas assez élevé pour justifier une demande de plus de solidarité de la part de l’Europe. Si vous regardez le nombre de demandes d’asile déposées, l’Italie en compte environ 50 000 par an tandis que l’Allemagne en compte environ 100 000, 150 000 de plus.”