Le président français Emmanuel Macron s’apprête à demander des “clarifications” à son homologue américain Joe Biden, alors que les deux dirigeants s’entretiennent pour la première fois depuis l’éclatement d’une violente polémique sur la vente de sous-marins à l’Australie, a déclaré le porte-parole du gouvernement français.

M. Macron a été rendu furieux par la décision de l’Australie, la semaine dernière, d’abandonner un accord conclu en 2016 pour acheter des sous-marins diesel à la France en faveur de sous-marins à propulsion nucléaire des États-Unis et de la Grande-Bretagne.

Après une réunion du cabinet, le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, a clairement indiqué que la colère des Français n’était pas retombée, avec une déclaration inhabituellement franche des attentes de Macron concernant la conversation prévue avec Biden, 78 ans.

L’échange serait l’occasion de “clarifier à la fois la manière dont cette annonce a été faite et la voie d’un réengagement américain dans sa relation avec un allié”, a déclaré Attal.

Paris s’est notamment indigné que l’Australie ait négocié en secret avec Washington et Londres, ce que le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a dénoncé comme une “trahison” et un “coup de poignard dans le dos”.

Les responsables français ont été informés de la perte du contrat quelques heures seulement avant que Biden ne dévoile le nouveau partenariat de sécurité et de défense AUKUS entre les trois pays anglophones.

Macron attendait “des clarifications sur la décision américaine de maintenir un allié européen en dehors des discussions fondamentales sur la coopération dans l’Indo-Pacifique”, a ajouté M. Attal, sans donner le calendrier de l’échange.

“Nous attendons de nos alliés qu’ils reconnaissent que les échanges et les consultations qui auraient dû avoir lieu n’ont pas eu lieu, et que cela pose une question de confiance, sur laquelle nous devons tous tirer des conclusions maintenant.”

Épreuve de force

La querelle des sous-marins a plongé les liens franco-américains dans ce que certains analystes considèrent comme la crise la plus aiguë depuis l’invasion de l’Irak par les Etats-Unis en 2003, à laquelle Paris s’était opposé.

Après quatre années de relations tumultueuses avec l’ex-président Donald Trump, la querelle a également réduit à néant les espoirs d’une réinitialisation complète sous la direction de M. Biden, qui a pris ses fonctions en janvier dans le but de reconstruire les liens fragiles avec l’Europe.

Alors que la querelle s’éternise, les observateurs et certains partenaires européens de la France se demandent comment et quand le dirigeant français mettra fin à ce face-à-face, qui se joue à sept mois des élections présidentielles.

Le Premier ministre britannique, M. Johnson, a déclaré qu’il était “temps pour certains de nos plus chers amis dans le monde de ‘prendre un grip’ (se ressaisir)” dans des commentaires à Washington mêlant français et anglais.

“‘Donnez-moi un break’ parce que c’est fondamentalement un grand pas en avant pour la sécurité mondiale”, a-t-il déclaré à Sky News.

Le Premier ministre danois Mette Frederiksen, dont le pays est farouchement pro-américain, a défendu Biden comme “très loyal” et a mis en garde contre la transformation des “défis qui existeront toujours entre alliés en quelque chose qu’ils ne devraient pas être.”

Conditions

Attal a déclaré que la France et les États-Unis devaient entamer un processus “pour créer les conditions d’un retour de la confiance”.

En plus de la reconnaissance des intérêts français dans la région du Pacifique, le processus devrait inclure “la pleine reconnaissance par nos alliés américains de la nécessité de renforcer la souveraineté européenne ainsi que l’importance de l’engagement croissant des Européens pour leur propre défense et sécurité”.

Ce dernier point est une source de tension entre Biden et Macron, qui a fait pression pendant ses quatre ans et demi de mandat pour que les Européens investissent davantage dans la défense et mettent en commun leurs ressources afin d’augmenter leurs capacités militaires communes.

Les États-Unis et certains membres de l’UE, dont le Danemark et les pays baltes, y voient un défi potentiel pour l’OTAN, l’alliance militaire transatlantique dirigée par les États-Unis qui est la pierre angulaire de la défense européenne depuis la Seconde Guerre mondiale.

La ministre française de la Défense, Florence Parly, s’est opposée à l’idée que la France se retire des structures de commandement de l’OTAN, ce que certains hommes politiques français ont suggéré à la suite de la rebuffade des sous-marins.

“Cela vaut-il la peine de claquer la porte de l’OTAN ? Je ne le pense pas”, a-t-elle déclaré, tout en ajoutant que “le dialogue politique est inexistant au sein de l’OTAN.”

La décision de l’Australie de commander des sous-marins à propulsion nucléaire est motivée par l’inquiétude que suscite l’affirmation commerciale et militaire de la Chine dans la région du Pacifique, où Biden cherche à construire une alliance d’États démocratiques pour aider à contenir Pékin.