L'acteur et comédien français Omar Sy, le réalisateur français Mathieu Vadepied, l'acteur Alassane Diong et l'acteur français Jonas Bloquet posent à leur arrivée pour la projection du film.

L’acteur et comédien français Omar Sy, le réalisateur français Mathieu Vadepied, l’acteur Alassane Diong et l’acteur français Jonas Bloquet posent à leur arrivée à la projection du film “Père & ; Soldat (Tirailleurs)” lors de la 75ème édition du Festival de Cannes à Cannes, dans le sud de la France, le 18 mai 2022. Photo de CHRISTOPHE SIMON / AFP

La colonisation de l’Algérie et les horreurs qui en découlent ont profondément marqué les deux nations et continuent d’entacher les relations, mais n’ont guère été évoquées en France en public pendant des décennies.

Bien que le président Emmanuel Macron ait reconnu les crimes commis – dont un massacre d’Algériens par la police à Paris en 1961 qu’il a qualifié d'”inexcusable” – son gouvernement a exclu de “présenter des excuses” pour le passé colonial de la France.

“Je crois qu’on peut dire que je suis obsédé par la guerre d’Algérie”, a déclaré à l’AFP le réalisateur français Philippe Faucon au festival de Cannes.

Son film “Les Harkis” raconte l’histoire d’Algériens qui se sont battus aux côtés des troupes françaises contre le mouvement d’indépendance, avant d’être laissés pour la plupart en arrière lorsque la France s’est retirée d’Algérie, et de faire face à la vengeance des Algériens victorieux.

Le film attribue la responsabilité de cette “trahison criminelle” et des massacres de harkis qui ont suivi au président de l’époque, Charles de Gaulle.

“Il est nécessaire de rappeler cette histoire et de regarder la vérité dans les yeux”, a déclaré Faucon, né en Algérie, bien que les “complexités” historiques rendent impossible tout jugement facile.

Le réalisateur français Philippe Faucon, photographié dans son ancien lycée à Marseille, en 2016.

Le réalisateur français Philippe Faucon, photographié dans son ancien lycée à Marseille, en 2016. Photo de BERTRAND LANGLOIS / AFP

‘Tout le monde doit savoir’

Son confrère Mathieu Vadepied a également mis en garde contre les conclusions faciles sur le recrutement forcé de soldats sénégalais par la France pour son effort de guerre pendant la Première Guerre mondiale, sujet de son film “Tirailleurs” (“Père et soldat”).

La superstar française Omar Sy – qui a conquis un immense public international grâce à ses rôles dans “Intouchable” et le film à succès de Netflix “Lupin” – joue le rôle principal dans l’histoire d’un père et d’un fils qui sont tous deux forcés de s’engager dans les tranchées.

Le réalisateur français Mathieu Vadepied (à gauche) et l'acteur et comédien français Omar Sy posent lors d'une séance de photos pour le film.

Le réalisateur français Mathieu Vadepied (à gauche) et l’acteur et comédien français Omar Sy posent lors d’un photo call pour le film “Père et soldat (Tirailleurs)” lors de la 75e édition du Festival de Cannes à Cannes, dans le sud de la France, le 19 mai 2022. Photo de Valery HACHE / AFP.

“Mon idée est de remettre les choses en question”, a déclaré Vadepied à l’AFP. “Questionner la relation historique de la France avec ses anciennes colonies, qu’est-ce qu’on a à dire là-dessus aujourd’hui, est-ce qu’on sait même ce qu’on a fait ?”.

Tout en rejetant toute approche “frontalement politique”, il a déclaré que “si nous nions les faits, nous ne pourrons jamais avancer, nous devons raconter ces histoires, tout le monde doit les connaître.”

L’idée n’est cependant “pas de culpabiliser les gens, mais de reconnaître l’histoire douloureuse et de nous libérer”.

Sy, fils d’immigrés ouest-africains né en France, a déclaré au public lors de la première du film : “Nous avons la même histoire, mais nous n’avons pas les mêmes souvenirs.”

La deuxième semaine de Cannes verra la projection de “Nos Frangins” du réalisateur français Rachid Bouchareb qui, en 2006, a suscité un débat national avec “Indigènes”, un film sur la contribution des soldats nord-africains aux Forces françaises libres pendant la Seconde Guerre mondiale.

Dans son dernier film, il raconte l’histoire de Malik Oussekine, un étudiant tué en 1986 et dont le nom résonne profondément parmi les minorités françaises.

Dans la nuit du 6 décembre 1986, deux policiers ont battu à mort ce franco-algérien de 22 ans en marge d’une manifestation étudiante à Paris.

Il n’avait pas participé à la manifestation, et son meurtre est devenu un point tournant – déclenchant des semaines de troubles et conduisant à la condamnation sans précédent des officiers impliqués.

Il a fallu 35 ans pour que la mort de Malik Oussekine soit racontée à l’écran.