Un livreur de nourriture Deliveroo sur un scooter

Un livreur de repas Deliveroo en livrée sur un scooter à Toulouse. (Photo : Georges Gobet / AFP)

Il s’agit de la dernière initiative en date des tribunaux européens visant à reconnaître les droits des travailleurs de la “gig economy” utilisés par les start-ups et autres entreprises, qui affirment souvent qu’ils ne sont que des intermédiaires entre les clients et les entrepreneurs indépendants.

Le tribunal a ordonné l’amende maximale de 375 000 euros demandée par les procureurs et a également prononcé des peines d’un an de prison avec sursis et 30 000 euros d’amende à l’encontre de deux anciens cadres français de la société.

Un troisième cadre a été condamné à une peine de quatre mois de prison avec sursis et à une amende de 10 000 euros pour complicité dans le système, et Deliveroo a également été condamné à payer 50 000 euros de dommages et intérêts à cinq syndicats qui se sont portés partie civile dans l’affaire.

Le procureur de la République Céline Ducournau avait cherché en vain à interroger le fondateur et PDG américain de Deliveroo, Will Shu, sur une “fraude” qui donnait “tous les avantages à l’employeur… sans aucun des inconvénients.”

“La question n’est pas de déterminer si le statut d’entrepreneur indépendant est approprié, mais de reconnaître qu’en l’espèce, Deliveroo a utilisé un faux montage juridique qui ne correspondait pas à la réalité du fonctionnement des livreurs”, a déclaré la présidente du tribunal dans son jugement.

Un porte-parole de Deliveroo a déclaré que la société “conteste catégoriquement” la décision et a dit qu’elle envisageait de faire appel.

“Notre modèle commercial offre à nos livreurs la flexibilité dont ils ont besoin et qu’ils nous disent apprécier”, a-t-il déclaré.

Zone d’ombre juridique
Plus de 100 livreurs Deliveroo se sont portés partie civile dans l’affaire que les procureurs ont ouverte en 2015 mais qui a pris un nouvel élan en 2020, lorsque l’agence française de l’URSSAF chargée du recouvrement de la sécurité sociale des employeurs a exigé des millions d’euros d’arriérés de paiement.

Plusieurs coureurs ont déclaré à la cour qu’ils avaient cherché des emplois qui offraient une liberté d’horaires, mais qu’ils avaient trouvé une pression intense pour travailler aux heures de pointe des repas, une surveillance stricte de leurs itinéraires et de leurs jours de congé, et des pénalités si les commandes n’étaient pas livrées assez rapidement.

Deliveroo France avait déjà été reconnu coupable de travail non déclaré dans une affaire civile en février 2000, lorsqu’un tribunal a donné raison à un coureur qui cherchait à être reconnu comme un employé et non comme un entrepreneur.

L’URSSAF cherche à récupérer quelque 9,7 millions d’euros auprès de Deliveroo, et un tribunal avait déjà ordonné en 2020 la saisie de 3 millions d’euros sur le compte de Deliveroo pendant que l’affaire était en cours.

Le jugement intervient alors que l’Union européenne s’attaque au modèle économique des entreprises de l’économie des petits boulots comme Deliveroo et le service de covoiturage Uber, avec des projets qui pourraient les obliger à reclasser leurs travailleurs comme des employés à part entière.

Les entreprises insistent sur le fait que les travailleurs sont des indépendants, et les tribunaux européens ont rendu des décisions contradictoires, obligeant parfois les entreprises à fournir aux travailleurs des contrats standardisés, ou confirmant leur statut d’entrepreneurs indépendants.

En décembre, Deliveroo a gagné un procès en Belgique où un tribunal a estimé que les coureurs n’avaient pas à être requalifiés en employés, avec les obligations requises en matière de sécurité sociale et de fiscalité.