Des experts français exhument des corps d'un charnier à Bucha, au nord-ouest de Kiev.

Des experts français exhument les corps d’un charnier à Bucha, au nord-ouest de Kiev. (Photo : Sergei Supinsky / AFP)

Ils travaillent généralement en France sur les scènes de crimes, de catastrophes naturelles ou d’accidents de la route.

Aujourd’hui, ils font partie d’une opération minutieuse menée dans des régions d’Ukraine autrefois occupées par les forces russes, qui pourrait contribuer à la constitution d’un dossier devant la Cour pénale internationale.

Portant des combinaisons blanches ou des uniformes bleu marine et des masques pour se protéger de la puanteur de la mort, les officiers français extraient trois corps enveloppés dans du plastique noir de la tranchée en un peu moins d’une heure.

Chacun est ensuite placé sur une table d’examen protégée des regards par une tente blanche portant le logo de la gendarmerie.

A l’intérieur, six enquêteurs français ont procédé au premier examen.

Leur mission est de déterminer la date possible et la cause probable du décès : fusillade, explosion, incendie ou encore causes naturelles.

A ce stade, cela implique un examen visuel, la prise de photos et de vidéos et le prélèvement d’échantillons d’ADN. Ce travail préliminaire prend 30 minutes.

Entre chaque exhumation, les gendarmes français font des pauses pour boire de l’eau ou prendre l’air tout en consultant leurs collègues ukrainiens chargés de la logistique et de la sécurité.

Chaque cadavre est ensuite remis dans un sac mortuaire et transporté dans un camion réfrigéré pour être autopsié dans un institut spécialisé.

Un laboratoire mobile français d’analyse génétique stationné à proximité permettra d’identifier les personnes retrouvées grâce aux échantillons prélevés sur les proches.

Il s’agit ensuite d’établir si les corps portent des traces d’actes pouvant être assimilés à des crimes de guerre.

Les preuves recueillies serviront ensuite à aider les enquêtes locales et internationales.

Des centaines de corps découverts

La violence à Bucha est devenue un synonyme d’allégations de brutalité infligée sous l’occupation russe.

Les résidents locaux ont enterré eux-mêmes les corps pendant le siège sanglant de l’armée russe, qui s’est retirée le 30 mars après un mois d’occupation.

Après leur départ, au moins 20 corps d’hommes habillés en civil, certains avec les mains liées, ont été retrouvés éparpillés dans les rues.

Depuis lors, plusieurs fosses communes ont été découvertes.

Le maire de Bucha, Anatoliy Fedoruk, affirme que plus de 400 corps ont été trouvés depuis le retrait des troupes russes.

Les meurtres de Bucha ont provoqué des condamnations horrifiées dans le monde entier et incité les alliés de Kiev à imposer de nouvelles sanctions contre la Russie.

Le site de la fosse commune où travaillent les officiers français a été choisi pour sa proximité avec l’église locale et la morgue, a déclaré à l’AFP le curé Andriy Holovin.

“Soixante-dix corps ont été retrouvés, pour la plupart des civils, ainsi que ceux d’un policier et de deux soldats”, a expliqué le procureur ukrainien Ruslan Kravchenko.

Dans une autre tombe, marquée d’une croix de fortune, les corps d’une femme et de deux enfants âgés de 4 et 11 ans ont également été exhumés, a-t-il ajouté.

“Selon les premières constatations, il s’agit des corps d’une famille dont le véhicule a brûlé après avoir été percuté par un véhicule blindé russe”, a-t-il déclaré.