Quelque 2 800 personnes ont été arrêtées depuis que Nahel, 17 ans, a été abattu par un officier mardi. L’incident a attisé des tensions qui couvaient depuis longtemps entre la police et les jeunes qui luttent contre la pauvreté, le chômage et la discrimination raciale.

Silencieuses et visiblement angoissées, des centaines de personnes en deuil de la communauté islamique française ont formé samedi une procession solennelle d’une mosquée à un cimetière à flanc de colline pour enterrer un adolescent dont le meurtre par la police a déclenché des jours d’émeutes et de pillages à travers le pays.

Soulignant la gravité de la crise, le président Emmanuel Macron a annulé un voyage officiel en Allemagne après des nuits de troubles à travers la France.

Le gouvernement a déployé 45 000 policiers dans les rues de la ville à travers le pays pour éviter une cinquième nuit de violence. Du jour au lendemain, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a tweeté que la nuit avait été plus calme que les précédentes, grâce à “l’action résolue des forces de sécurité”. Il a estimé le nombre d’arrestations de la nuit à 427.

Darmanin a tweeté samedi soir que 200 policiers anti-émeute avaient été mobilisés dans la ville portuaire de Marseille, où les chaînes de télévision ont diffusé des images de policiers utilisant des gaz lacrymogènes à la tombée de la nuit.

Près de l’Arc de Triomphe à Paris, des centaines de policiers armés de matraques et de boucliers se tenaient agités le long des Champs-Elysées, plusieurs devant la boutique Cartier aux volets fermés. Des publications sur les réseaux sociaux avaient appelé à des manifestations sur le grand boulevard, mais la présence policière semblait décourager tout grand rassemblement.

Plus tôt dans la journée, dans un cimetière au sommet d’une colline à Nanterre, la banlieue parisienne où l’adolescent identifié uniquement comme Nahel a été tué, des centaines se sont tenus le long de la route pour rendre hommage alors que les personnes en deuil portaient son cercueil blanc d’une mosquée au lieu de sépulture. Les journalistes ont été exclus de la cérémonie et dans certains cas même chassés. Certains des hommes portaient des tapis de prière pliés.

“Les hommes d’abord”, a dit un responsable à des dizaines de femmes attendant d’entrer dans le cimetière. Mais la mère de Nahel, vêtue de blanc, est entrée sous les applaudissements et s’est dirigée vers la tombe. Beaucoup d’hommes étaient jeunes et arabes ou noirs, venant pleurer un garçon qui aurait pu être eux.

À l’intérieur de la porte du cimetière, le cercueil a été soulevé au-dessus de la foule et porté vers la tombe. Les hommes suivaient, certains tenant des petits garçons par la main. En partant, certains s’essuyaient les yeux. La police était introuvable.

Les troubles ont pesé sur le profil diplomatique de Macron. Le bureau du président allemand Frank-Walter Steinmeier a déclaré que Macron avait téléphoné samedi pour demander le report de ce qui aurait été la première visite d’État d’un président français en Allemagne en 23 ans.

Le bureau de Macron a déclaré qu’il s’était entretenu avec Steinmeier et, “compte tenu de la situation de sécurité intérieure, le président (Macron) a déclaré qu’il souhaitait rester en France dans les prochains jours”.

Nahel a été abattu lors d’un contrôle routier. Une vidéo montrait deux agents à la fenêtre de la voiture, l’un avec son arme pointée sur le conducteur. Alors que l’adolescent s’avançait, l’agent a tiré une fois à travers le pare-brise. Cette semaine, la mère de Nahel a déclaré qu’elle était en colère contre l’officier qui a tiré sur son fils, mais pas contre la police en général.

“Il a vu un petit garçon à l’air arabe, il a voulu se suicider”, a-t-elle déclaré.

La famille de Nahel a des racines en Algérie.

La race a été un sujet tabou pendant des décennies en France, officiellement attachée à une doctrine d’universalisme daltonien. Les critiques disent que la doctrine a masqué des générations de racisme systémique.

L’officier accusé d’avoir tué Nahel a reçu une accusation préliminaire d’homicide volontaire, ce qui signifie que les juges d’instruction soupçonnent fortement des actes répréhensibles, mais doivent enquêter davantage avant de renvoyer une affaire en justice. Le procureur de Nanterre, Pascal Prache, a déclaré que son enquête initiale l’avait amené à conclure que l’utilisation de son arme par l’officier n’était pas légalement justifiée.

Des centaines de policiers et de pompiers ont été blessés dans les violences qui ont éclaté après le meurtre. Les autorités n’ont pas publié le décompte des blessures des manifestants. En Guyane française, territoire d’outre-mer, un homme de 54 ans est mort après avoir été touché par une balle perdue.

La réaction au meurtre a été un rappel puissant de la pauvreté persistante, de la discrimination, du chômage et d’autres manques d’opportunités dans les quartiers de France où de nombreux habitants trouvent leurs racines dans les anciennes colonies françaises – comme là où Nahel a grandi.

Malgré l’escalade de la crise, Macron n’a pas déclaré l’état d’urgence, une option utilisée en 2005. Mais le gouvernement a intensifié sa réponse policière, avec le déploiement massif de policiers, dont certains ont été rappelés de vacances.

Le ministre français de la Justice, Dupond-Moretti, a averti samedi que les jeunes qui partagent des appels à la violence sur Snapchat ou d’autres applications pourraient faire l’objet de poursuites judiciaires. Macron a accusé les médias sociaux d’alimenter la violence.

La violence survient un peu plus d’un an avant que Paris et d’autres villes françaises n’accueillent des athlètes olympiques et des millions de visiteurs pour les Jeux olympiques d’été, dont les organisateurs surveillaient de près la situation alors que les préparatifs de la compétition se poursuivent.

Treize personnes qui n’ont pas respecté les contrôles routiers ont été tuées par balle par la police française l’année dernière. Cette année, trois autres personnes, dont Nahel, sont décédées dans des circonstances similaires. Les décès ont suscité des demandes pour plus de responsabilité en France, qui a également vu des manifestations de justice raciale après le meurtre de George Floyd par la police dans le Minnesota, aux États-Unis.