La France a mis en garde mercredi contre des représailles à Bruxelles contre le Royaume-Uni et Jersey pour leur refus de nombreuses licences de pêche post-Brexit, tandis que les chalutiers français ont menacé de nouvelles protestations et même d’un blocus des exportations.

Les droits de pêche pour les bateaux de l’UE dans les eaux britanniques ont constitué une pierre d’achoppement dans les négociations d’un accord commercial entre Londres et Bruxelles sur le Brexit, et ont menacé de faire échouer l’accord.

Mais la question a refait surface après que la Grande-Bretagne ait demandé mardi de nouvelles licences pour que les petits bateaux de l’UE puissent pêcher dans ses eaux territoriales.

Mercredi, la dépendance autonome de la Couronne britannique de Jersey a refusé 75 demandes de bateaux français, et a délivré 31 licences temporaires : 75 offres ont été acceptées.

Le porte-parole du gouvernement français, Gabriel Attal, a déclaré que ces décisions étaient “totalement inacceptables et inadmissibles” et “contraires à l’accord qui a été signé dans le cadre du Brexit”, menaçant de représailles via Bruxelles.

“Nous allons poursuivre et intensifier notre travail avec la Commission (européenne) pour avancer sur ce dossier, et aussi pour étudier les éventuelles mesures de rétorsion qui pourraient être prises si l’accord n’est pas respecté”, a-t-il ajouté.

Les relations franco-britanniques sont déjà tendues, Paris accusant Londres d’avoir signé dans son dos un nouvel accord de défense visant à fournir des sous-marins à propulsion nucléaire de fabrication américaine à l’Australie.

Dimitri Rogoff, président du comité régional des pêches de Normandie, a déclaré à l’AFP que les pêcheurs se préparaient à protester.

“Ils sont prêts à attaquer (la capitale de Jersey) Saint Helier. C’est tendu, très très tendu”, a-t-il ajouté.

Olivier Lepretre, président du comité régional des pêches de la région Hauts-de-France (nord), a ajouté : “Il y a un moment où il faut faire pression sur la partie britannique.”

Il a suggéré que les pêcheurs avaient “le port de Calais dans leur ligne de mire”, évoquant la possibilité d’un blocus de la principale porte d’entrée des marchandises voyageant de l’Europe continentale vers la Grande-Bretagne.

Une approche raisonnable

À Jersey, qui fixe les conditions de la pêche dans ses eaux dans le cadre de l’accord de Brexit conclu l’année dernière, tous les bateaux sans permis doivent cesser de pêcher dans ses eaux dans les 30 jours, bien qu’elle accepte et examine toujours de nouvelles preuves pour soutenir les offres.

“En délivrant ces licences dans les jours à venir, nous nous assurons que l’effort de pêche dans nos eaux est similaire à celui d’avant le Brexit”, a déclaré le ministre de l’Environnement de l’île de la Manche, John Young.

“Les bateaux qui ont une dépendance économique aux eaux de Jersey, qui ont déjà pêché ici régulièrement et l’ont démontré, recevront des licences.”

En refusant des licences mardi, le gouvernement britannique a insisté sur le fait qu’il avait poursuivi une “approche raisonnable”, en délivrant un total de près de 1 700 licences à des bateaux du bloc pour pêcher dans la zone économique exclusive de la Grande-Bretagne, qui est définie comme étant de 12 à 200 miles nautiques de la côte.

Mais la ministre française de la Mer Annick Girardin a qualifié cette décision de “nouveau refus britannique d’appliquer les conditions” de l’accord de Brexit conclu par Londres et Bruxelles.

Les protestations orageuses des chalutiers français concernant les droits de pêche à Jersey ont éclaté plus tôt cette année et ont même menacé de se transformer en un véritable incident naval.

Alors que les chalutiers français se dirigeaient vers la capitale Saint Helier, Londres a envoyé deux patrouilleurs navals pour surveiller la situation, ce qui a incité Paris à répondre de la même manière.

Dans un effort pour calmer les esprits, une prolongation de trois mois a été accordée aux bateaux de l’UE pour pêcher dans les eaux de Jersey. Cette prolongation expire cette semaine, mais les navires pourront encore opérer le mois prochain.

La ville voisine de Guernesey, qui applique également les règles de pêche dans ses eaux, a annoncé mercredi une “feuille de route” pour la délivrance de licences aux navires français, la période de grâce étant prolongée jusqu’en janvier pendant que les décisions sont prises.

Avant que la Grande-Bretagne ne quitte le bloc, les bateaux des pays de l’UE étaient autorisés à pêcher dans les eaux britanniques, moyennant des quotas convenus sur ce qu’ils pouvaient attraper.