Inside Brégançon : La maison de vacances de la Riviera présidentielle française

Fort Brégançon, emplacement de la maison de vacances présidentielle française sur la Côte d’Azur. Photo de Christophe SIMON / AFP

Le Fort de Brégançon, qui se dresse sur un rocher à 30 mètres au-dessus de la mer, offre intimité et soleil aux présidents français depuis des décennies, bien que son histoire remonte bien plus loin que cela.

Le fort est perché sur une petite île – seulement 4,5 km de long – reliée au continent français par une chaussée et est un site stratégique depuis le 6ème siècle, agissant à la fois comme résidence seigneuriale, propriété de la Couronne et site militaire équipé d’artillerie comprenant 23 canons sous Napoléon Bonaparte.

C’est Charles de Gaulle qui lui a donné le statut de résidence présidentielle officielle en 1968 et il est généralement utilisé pour les vacances présidentielles – comme Camp David aux États-Unis et Checkers au Royaume-Uni.

Elle a depuis été transformée en une agréable demeure tout en conservant ce qui restait de l’ancienne forteresse, permettant aux présidents de profiter du soleil de la Riviera.

Les présidents français ont leur résidence principale et leurs bureaux au Palais de l’Elysée, la belle résidence du XVIIIe siècle au cœur de Paris. En plus de Brégançon, les présidents ont également accès à La Lanterne, un ancien pavillon de chasse dans le parc de Versailles, et s’ils ne peuvent pas séjourner dans le somptueux château de Versailles, ils y organisent parfois des événements et des rencontres avec des dignitaires étrangers.

C’est l’implantation offshore de Brégançon qui était la clé pour De Gaulle, qui la considérait comme le seul endroit du sud de la France suffisamment sécurisé pour recevoir des chefs d’État étrangers, notamment des pays méditerranéens dans le contexte géopolitique de la décolonisation.

Bien qu’il reste sécurisé, il est aujourd’hui à portée d’objectif long pour les photographes, comme l’ont découvert plusieurs présidents.

Mais au cours des années de la Cinquième République, les présidents français ont eu des attitudes très différentes à l’égard de cet avantage indéniable du travail.

Le successeur de De Gaulle, Georges Pompidou, semblait l’adorer et passait ses week-ends au Fort, étés comme hivers. Il a ouvert ses portes aux médias, se laissant photographier avec son épouse dans des tenues plus décontractées et jouant à la pétanque avec ses gardes du corps.

Georges Pompidou et son épouse Claude en août 1969 posent dans les jardins pendant leurs vacances d’été. Photo AFP

Valéry Giscard d’Estaing, qui y séjournait régulièrement avec sa famille, a braqué les projecteurs nationaux sur le Fort en laissant des paparazzi s’aventurer autour de la résidence, le prenant en photo en maillot de bain et baskets, mais aussi en installant une vidéosurveillance à l’intérieur de la résidence.

Valéry Giscard d’Estaing pose pour des photos avec sa femme Anne-Aymone en 1979. Photo AFP

Lorsque le socialiste François Mitterrand remporte les élections, il déclare : « la République n’a pas besoin de résidence secondaire ».

Il limite ses visites à des réunions de travail – les grévistes de la SNCF en 1987 et deux chefs d’État, le Premier ministre irlandais Garret Fitzgerald et le chancelier allemand Helmut Kohl – bien qu’il n’entreprenne aucune démarche pour brader Brégançon.

Le chancelier allemand Helmut Kohl a été reçu par François Mitterrand en août 1985. Photo PIERRE CIOT / AFP

Son successeur Jacques Chirac appréciait particulièrement le fort en raison de sa situation dans le département du Var où il vécut enfant.

Avec son épouse Bernadette, ils assistent régulièrement à la messe à l’église locale et accueillent habitants et touristes. En 2004, le président reçoit le président algérien Abdelaziz Bouteflika pour apaiser les tensions. Le bureau présidentiel de Brégançon a été photographié pour la première fois.

Jacques Chirac et Brigitte sortant de l’église locale en mai 1999 Photo de VANINA LUCCHESI / AFP

Pendant sa présidence, Nicolas Sarkozy a reçu des personnalités politiques étrangères dont Condoleezza Rice, mais a aussi pris le temps de faire de l’exercice. Les photos de lui faisant du jogging autour du Fort ont été décrites comme créant un nouveau style de communication présidentielle. Plus tard, il a été photographié sur la plage avec la première dame Carla Bruni pendant sa grossesse.

Nicolas Sarkozy au jogging, suivi de ses gardes du corps à vélo. Photo de GÉRARD JULIEN / AFP

François Hollande, qui se présente comme un « président normal », n’éprouve aucun attachement particulier pour le Fort et ouvre le site à la visite, même s’il y organise quelques réunions de travail.

François Hollande, plutôt formel, rencontre son Premier ministre Manuel Valls à Brégançon. Photo par BERTRAND LANGLOIS / PISCINE / AFP

Depuis leur élection en 2017, Emmanuel et Brigitte Macron semblent avoir apprécié le Fort, s’y retirer pendant les étés et se faire photographier sur la plage ou s’amuser sur des jet-skis – ils ont également installé une piscine qui a coûté 34 000 €.

Brigitte Macron possède une propriété dans la station balnéaire du nord de la France, Le Touquet, que le couple utilise pour passer du temps en famille. Mais Emmanuel Macron a aussi utilisé le Fort pour travailler, accueillant la Première ministre britannique Theresa May en août 2018, le président russe Vladimir Poutine en août 2019, à la veille du G7 à Biarritz, et la chancelière Angela Merkel à l’été 2020.

Emmanuel Macron accueille la chancelière allemande Angela Merkel à Bregancon en août 2020. Photo par Christophe SIMON / POOL / AFP

Cette année, il a déclaré qu’il allait avoir un «pause studieuse” à Brégançon et profitons de l’été pour réfléchir à la manière d’aborder certains des problèmes les plus pressants de la France.

Avec une crise du coût de la vie, une guerre en Europe et des troubles politiques chez nous, espérons que sa lecture de plage porte ses fruits.

Par Julie Eddé