L’académie chargée de défendre la langue française menace de poursuivre le gouvernement en justice à cause de l’utilisation de l’anglais sur la nouvelle carte d’identité du pays.
Les dernières versions des cartes plastifiées qui ont été introduites l’année dernière comprennent des traductions en anglais des différents champs de données, avec “nom de famille”, “date de naissance” et “date d’expiration” apparaissant à côté de leur équivalent français dans une police de caractères italique légèrement plus petite.
Chaque citoyen français est tenu de posséder une carte d’identité nationale qu’il peut également utiliser comme principal document de voyage lorsqu’il se rend dans un autre pays de l’Union européenne.
L’ajout des traductions en anglais semble donc être une mesure visant à faciliter le passage des frontières internationales pour les citoyens français.
Mais le vénérable Académie françaisefondée en 1635 par le roi Louis XIII pour protéger le français “pur”, s’en est offusquée et menace de lancer un défi constitutionnel à ce sujet.
“Qui a décidé de mettre le français et l’anglais sur un pied d’égalité dans ce document ? “, s’interroge Hélène Carrère d’Encausse, secrétaire perpétuel de l’Académie.
“Un principe essentiel est mis en péril”, a-t-elle déclaré à l’AFP. journal conservateur Le Figaroen rappelant que la Constitution française moderne prévoit dans son article 2 que “la langue de la République est le français”.
Il existe un règlement européen qui impose la traduction des mots “Carte d’identité” dans au moins une autre langue de l’Union européenne, mais Bruxelles laisse aux États membres le soin de traduire le reste du document.
Les cartes d’identité nationales allemandes sont traduites en anglais et en français, et même les passeports émis par la Grande-Bretagne – qui quittera l’UE en 2020 – sont traduits en français.
Se plaignant que la voix de l’académie n’est plus entendue dans le débat public, l’organisme a engagé des avocats pour écrire au Premier ministre Jean Castex, rapporte Le Figaro, “lui demandant d’abroger la disposition créant la nouvelle carte d’identité nationale” – jusqu’à présent sans recevoir de réponse.
Si le cabinet Castex ne répond pas, les avocats se préparent à porter l’affaire devant le Conseil d’Etat, la plus haute juridiction administrative française.
Bruno Retailleau, chef du groupe conservateur Les Républicains au Sénat français, a tweeté vendredi que “la nouvelle carte n’a plus vraiment d”identité française’. Pourquoi une telle insistance à effacer la substance de notre fierté et de notre unité nationale ?”
La nouvelle carte comporte bien le drapeau français avec le contour de Mariane – la personnification de la République française pour représenter les trois valeurs principales du pays : liberté, égalité, fraternité – et utilisé depuis la Révolution ainsi que les mots “République Française” écrits en caractères gras.
L’écrivain et musicien Etienne Liebig a cependant rejeté la croisade de l’Académie, déclarant à la chaîne de télévision RMC : “Qui sommes-nous, nous Français, pour avoir si peur de perdre notre identité pour des raisons de ce genre ?”
Le déclin de l’usage du français dans le monde est un point sensible pour le pays depuis des décennies. Le français a été pendant plus de 200 ans la langue diplomatique de prédilection. Il reste parlé comme première ou deuxième langue par environ 220 à 270 millions de personnes dans le monde.
Mais l’utilisation croissante de l’anglais dans la vie quotidienne et sur la scène géopolitique – notamment au sein de l’UE depuis le départ du Royaume-Uni – hérisse les poils.
Les journalistes francophones couvrant l’UE se sont plaints en 2020 de l’utilisation croissante de l’anglais dans la communication officielle de l’Union qui, selon eux, donne un avantage concurrentiel à la presse anglophone.
Sentant peut-être la controverse poindre, le président français Emmanuel Macron et Ursula von der Leyen ont décidé d’aller de l’avant. ont tenu leur conférence conjointe sur la présidence semestrielle de l’UE, vendredi, entièrement en français..
Clément Beaune, ministre français des Affaires européennes, a déclaré en début de semaine que “toute la présidence française sera en français”.
“La langue française doit trouver sa place à Bruxelles”, a-t-il ajouté, annonçant que le pays avait commencé à former “de nombreux élus de tous les pays d’Europe, des diplomates européens, des fonctionnaires européens, en français.”
“Il faut donner envie d’apprendre le français, il faut faire rayonner notre culture, il faut former les gens en français”, a-t-il souligné. “Nous allons arrêter le déclin de la langue française”.