L’Union Jack est aperçue à l’entrée du palais présidentiel de l’Elysée à Paris après l’annonce du décès de la reine Elizabeth II, le 8 septembre 2022. Photo Ludovic MARIN / AFP

La chose la plus connue de l’histoire de France est peut-être qu’ils ont guillotiné leur propre famille royale en 1793. Il y a eu quelques brefs retours à la monarchie, plus un empereur auto-couronné, mais de nos jours, la France est un pays fermement républicain.

Mais cela n’empêche pas les Français de manifester un grand intérêt et de l’affection pour la famille royale de l’autre côté de la Manche.

En plus d’autres personnalités de premier plan en France, l’Union Jack a été ajouté aux drapeaux à l’extérieur du palais de l’Elysée du président et les lumières de la tour Eiffel ont été éteintes jeudi soir après l’annonce du décès de la reine, à l’âge de 96.

Les chaînes de télévision françaises ont diffusé jeudi après-midi des mises à jour continues de l’actualité du Royaume-Uni, tandis que l’historien de la télévision Stéphane Bern a présenté un programme d’hommage spécialement enregistré à la reine.

Vendredi, trois quotidiens français ont fait de la mort royale leur article en première page, Le Parisien utilisant le titre Nous l’avons tant aimée (nous l’aimions tellement), Le Figaro dit L’adieu à la reine (adieu à la reine) et Libération optant pour La peine d’angleterre (La douleur de l’Angleterre, mais aussi un jeu de mots sur La reine d’angleterre).

Mais ce n’était pas un événement ponctuel déclenché par la mort d’une figure si longtemps régnante et très aimée, la fièvre royale frappe fréquemment la France, en particulier lors des mariages royaux.

En 2021, 6 millions de personnes en France ont regardé les funérailles du prince Phillip, 4 millions ont regardé le jubilé de diamant de la reine en 2012 et les mariages royaux des princes William et Harry ont attiré respectivement 9 et 8 millions de téléspectateurs français.

Charles de Gaulle disait un jour : « Les Français ont le goût des princes, mais ils regarderont toujours à l’étranger ».

Les présidents français, tels que de Gaulle, sont à la fois le chef politique du pays et le chef de l’État, et ont quelques attributs semi-monarchiques dans ce rôle, comme un logement dans le très grand palais de l’Élysée.

Emmanuel Macron, qui a commencé sa présidence en se présentant comme une figure presque royale avant d’être contraint par la pression publique d’adopter un style de gouvernement plus terre-à-terre, a qualifié les Français de “nation de monarchistes régicides” – aspirant à un dirigeant fort mais toujours désireux de les abattre.

L’un de ses prédécesseurs, François Mitterand, a également fait remarquer cette difficulté, en disant en 1984 : “Je dois être à la fois Margaret Thatcher et la reine Elizabeth.”

Bien que la monarchie soit loin d’être un sujet non controversé au Royaume-Uni, où une partie importante de la population pense que la famille royale ne devrait avoir aucun rôle officiel, en France, elle est considérée comme une force d’unité.

Le présentateur de télévision Stéphane Bern, lui-même un ardent royaliste, a écrit un essai spécial en avril 2022, à l’occasion du jubilé de platine de la reine. Il disait : « Comment expliquer cet engouement des Français pour tout ce qui touche à la monarchie britannique Nostalgie du sans-culottes [French revolutionaries] pour la splendeur monarchique ? Curiosité pour cette institution immuable qui ne craint pas de conjuguer les rites profanes au présent ? Ou une formidable force symbolique qui donne de l’espoir à tout un peuple, qui se croit invincible tant que la reine (ou le roi) veille sur lui ?

« Combien d’événements dans notre pays sont encore capables de rassembler les foules, au-delà des clivages politiques, des croyances religieuses ou des affiliations sociales ? En dehors de la Coupe du monde de football, quand la France gagne, les moments de communion nationale sont rares et, même le 14 juillet [France’s Fête nationale] le principe d’unité ne prévaut pas toujours.

« Si la famille royale britannique est si populaire en France, c’est parce qu’elle incarne la puissance symbolique capable de rassembler tout un peuple et dont nous nous sentons orphelins. La couronne, qui unit dans la diversité, semble permettre aux Britanniques de se retrouver et de communier autour des valeurs intemporelles de leur nation.

“Inconsciemment, il doit y avoir une sorte de nostalgie, teintée d’un sentiment de culpabilité, dans ce regard d’admiration et d’envie.”

Le journaliste français Nicolas Domenach, s’adressant à The Local lors des célébrations du mariage royal en 2018, a également souligné le sens de l’unité, déclarant : « La royauté anglaise sert à maintenir l’unité du pays. Il a un immense pouvoir symbolique, mais aucun pouvoir concret.

« Cette permanence monarchique dans une démocratie nous fascine car on coupe la tête de notre roi et de notre reine.

“Nous sommes fiers d’avoir accompli notre Révolution, mais nous entretenons une nostalgie, sinon un remords.”