La police française inflige des souffrances aux migrants dans le port de Calais, dans le nord du pays, en arrachant régulièrement leurs tentes et en les forçant à errer dans les rues dans le cadre d’une politique de dissuasion, a déclaré Human Rights Watch (HRW) dans un rapport publié jeudi.

Le rapport de 75 pages documente les méthodes utilisées par les autorités pour empêcher l’émergence d’une autre installation majeure de migrants à Calais, cinq ans après la démolition du camp tentaculaire de la “Jungle”, qui abritait jusqu’à 10 000 personnes à son apogée.

Calais est depuis des années un point de ralliement pour les migrants du Moyen-Orient, d’Asie et d’Afrique qui tentent de se faufiler à travers la Manche vers la Grande-Bretagne.

Face à un sentiment public anti-migrants croissant, le gouvernement du Président Emmanuel Macron a mené une campagne pour empêcher l’apparition de nouveaux camps.

Les tactiques de la police comprennent le démantèlement systématique des tentes des migrants dans les bois, sur les terrains vagues ou sous les ponts, la confiscation régulière de leurs biens et le harcèlement des ONG qui tentent de leur apporter de l’aide, selon HRW, basé à New York.

“Les autorités mènent ces pratiques abusives dans le but premier de forcer les gens à se déplacer ailleurs, sans résoudre leurs problèmes.

leur statut migratoire ou leur manque de logement, ou de dissuader les nouveaux arrivants”, indique l’organisation dans son rapport intitulé “Misère forcée : Le traitement dégradant des enfants et des adultes migrants dans le nord de la France”.

Harcèlement et abus

Les ONG estiment que le nombre de migrants vivant actuellement autour de Calais se situe entre 1.500 et 2.000, dont de nombreuses familles. Les autorités locales estiment qu’il n’en reste que 500 dans la région.

La semaine dernière, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a ordonné l’expulsion d’un camp abritant 400 migrants près d’un hôpital de Calais, qui était présenté comme un danger pour les patients et le personnel de l’hôpital.

À cette occasion, les migrants ont été emmenés dans des abris temporaires, mais ils sont souvent laissés à la rue.

” Quand la police arrive, nous avons cinq minutes pour sortir de la tente avant qu’ils ne détruisent tout “, a déclaré à HRW une femme kurde d’Irak.

Le ministère de l’Intérieur n’a pas répondu à la demande de commentaire de l’AFP sur ce rapport.

Le gouvernement affirme que les camps sont des refuges pour les passeurs, qui demandent des sommes exorbitantes pour aider les migrants à passer en Grande-Bretagne, soit dans un petit bateau traversant la Manche en pleine nuit, soit dans un camion traversant par ferry ou par le tunnel sous la Manche.

Les ONG affirment que cette tactique ne fait rien d’autre que de rendre encore plus misérable la vie déjà difficile des migrants.

Le rapport cite le groupe d’observateurs des droits de l’homme basé à Calais, qui affirme que dans certains cas, les équipes de nettoyage coupent les tentes des migrants alors que les personnes sont encore à l’intérieur, afin de les forcer à sortir.

“Si l’objectif est de décourager les migrants de se rassembler dans le nord de la France, ces politiques sont un échec manifeste et entraînent de graves préjudices”, a déclaré Bénédicte Jeannerod, directrice France à Human Rights Watch.

Les autorités françaises ” doivent adopter une nouvelle approche pour aider les gens, et non les harceler et les maltraiter de manière répétée “, a-t-elle ajouté.

Un total de 15 400 personnes ont tenté de traverser la Manche au cours des huit premiers mois de cette année, soit une augmentation de 50 % par rapport au chiffre de l’ensemble de l’année 2020, selon les statistiques des garde-côtes français.

“Les exilés ne se rendent pas dans le nord de la France parce qu’ils ont entendu dire qu’ils pouvaient camper dans les bois ou rester sous un pont… Ils viennent parce que c’est là que se trouve la frontière”, a déclaré Charlotte Kwantes, coordinatrice nationale de l’association caritative Utopia 56, citée dans le rapport.