AVIS: Macron est du bon côté de l'histoire et va gagner les élections françaises

Le président français Emmanuel Macron. Photo Ludovic MARIN / AFP

Plus personne ne se soucie des élections françaises. Même pas moi. L’attaque russe brutale contre l’Ukraine a aspiré l’oxygène des poumons de la campagne de la même manière que les bombes thermobariques de Vladimir Poutine aspirent l’air des corps d’hommes, de femmes et d’enfants.

Nul doute qu’une certaine forme de campagne reprendra mais je crois que le résultat est déjà couru d’avance. Le président Emmanuel Macron va gagner.

Il a, en effet, gagné avant d’être officiellement entré dans la course (ce qu’il doit faire avant 18 heures vendredi). Il a gagné car la campagne est désormais gelée en sa faveur. Il a gagné parce que de nombreux électeurs se rallieront au drapeau et au président en exercice en temps de crise mortelle.

Surtout, il a gagné parce que trois de ses adversaires les plus importants ont un long et ignoble palmarès de glorification ou d’excuses pour Vladimir Poutine.

« Les Trois Moscowteers », comme je les appelle, Eric Zemmour, Marine Le Pen (d’extrême droite) et Jean-Luc Mélenchon (de la gauche dure et nationaliste), ont été démasqués comme de faux patriotes et des penseurs défectueux.

Comme les politiciens britanniques qui ont défendu Hitler jusqu’en septembre 1939, ils se retrouvent piégés du mauvais côté de l’histoire. Tous trois se moquent et détestent l’Union européenne (qui traverse aujourd’hui sa plus belle heure). Tous trois s’opposent à l’adhésion de la France à l’Otan (dont l’objet n’a jamais été aussi clair).

Tous trois se sont alignés par le passé avec Vladimir Poutine contre Washington, contre Bruxelles et même contre leur propre pays. Zemmour a même dit qu’il rêvait d’un « Poutine français » et que la France devrait rompre ses autres alliances et jeter son sort avec le « plus fiable » Moscou.

Au cours des quatre derniers jours, Zemmour a perdu deux points et demi dans le sondage de suivi quotidien IFOP et est tombé à 14% de soutien au premier tour. Macron a grimpé de deux points à 28%, son score le plus élevé depuis un an. Marine Le Pen semble pour l’instant avoir évité la punition pour ses relations avec Poutine et s’impose (sur 17 %) comme la favorite pour atteindre le second tour avec Macron.

Le président fera sa première et longue déclaration au peuple français sur la guerre en Ukraine dans un . L’Elysée dit qu’il n’en profitera PAS pour dire formellement qu’il est candidat à une élection qu’il semble désormais certain de gagner.

S’il ne le fait pas mercredi, je pense qu’il le fera jeudi.

Ma prédiction audacieuse – en fait pas si audacieuse – d’une victoire clouée sur Macron peut surprendre certains dans les médias britanniques. Certains experts britanniques se sont réjouis de l’échec de la mission de paix d’Emmanuel Macron auprès de Poutine le mois dernier. Ils pensaient que Macron avait été « humilié » et perdrait donc l’élection présidentielle du mois prochain.

Ce n’est pas comme ça qu’on le voit en France. Une majorité de Français, selon les sondages d’opinion, ont attribué à Macron le mérite d’avoir tenté d’éviter une guerre jusqu’au dernier moment.

Oui, Macron était naïf. Oui, ses déclarations publiques étaient parfois faussement optimistes. Il a cru pendant des années qu’il pourrait persuader Poutine que la Russie est un grand pays européen et que son destin et sa prospérité future résident dans une relation plus étroite avec l’Union européenne.

De nombreuses personnes, en France et à l’étranger, ont averti Macron qu’il s’était gravement trompé. Vladimir Poutine, ont-ils dit, déteste les valeurs économiques et politiques libérales sur lesquelles l’UE a été fondée. Il ne croit qu’à la résurrection de la Russie en tant que puissance mondiale et à la recréation d’un empire russe prétendument chrétien dans lequel des maux occidentaux tels que l’égalité des femmes ou les droits des homosexuels sont supprimés (d’où l’attirance d’Eric Zemmour pour lui).

Néanmoins, Macron a probablement fait plus de bien que de mal dans sa mission de paix ratée à Moscou. Nul ne peut rationnellement prétendre que l’Occident n’a pas donné à Poutine toutes les chances – plusieurs “portes de sortie” selon le jargon diplomatique actuel – d’éviter d’envahir le 21stsiècle avec un 20eguerre du siècle.

On a également critiqué les deux conversations téléphoniques de Macron avec Poutine, l’une brève, l’autre longue de 90 minutes, depuis le début de la guerre il y a une semaine. À ces deux occasions, Macron a été sollicité pour passer les appels par le président ukrainien, Volodymyr Zelensky.

Macron parle à Zelensky plusieurs fois par jour. Tout comme les autres dirigeants occidentaux. Le président ukrainien semble considérer Macron comme le seul à pouvoir encore appeler Poutine.

À la dernière occasion, lundi, Zelensky a demandé à Macron de demander à Poutine d’épargner les cibles civiles. Le dirigeant russe a accepté et son armée a continué malgré tout, ciblant (accidentellement ou non) des hôpitaux et des écoles ces derniers jours. Un appel inutile alors ? Peut-être.

L’opinion de l’Elysée est que la conversation a permis, une fois de plus, d’illustrer la différence entre ce que Poutine dit et ce qu’il fait. À un moment donné, les responsables disent que Poutine devra parler sérieusement à l’Occident. Mieux vaut garder le canal ouvert.

À un autre égard, la semaine dernière a montré que Macron était un avant-gardiste. Pendant des années, il a insisté sur la nécessité pour l’Union européenne de développer un cerveau politique et stratégique pour aller de pair avec sa puissance économique. L’UE, a-t-il dit, devrait commencer à penser et à agir comme une puissance politique – une puissance – pas seulement le plus grand marché commercial à frontières ouvertes au monde.

Au cours des sept derniers jours, l’UE a fait exactement cela.

Il a imposé des sanctions beaucoup plus sévères à la Russie que beaucoup ne pensaient possible. Il a offert 450 millions d’euros à Kiev pour acheter des armes (brisant un tabou de l’UE). Il a convenu d’interdire à l’échelle de l’UE les avions civils russes et les armes de propagande comme Russia Today.

L’UE, qui bondit toujours en avant en temps de crise, a rattrapé les ambitions de Macron pour elle. À cet égard au moins, il semble que le président français ait été du bon côté de l’histoire.