AVIS: La peur et la paresse expliquent le début désastreux des élections françaises de Pécresse

Valérie Pecresse, candidate à l’élection présidentielle française Les Républicains, prononce un discours lors de son meeting au Zénith de Paris. Photo par Alain JOCARD / AFP)

Valérie Pécresse était au Zénith dimanche mais sa campagne confuse, paniquée et désemparée a sombré à un nouveau nadir.

Le rassemblement de Pécresse dans la salle de concert géante du Zénith, dans le nord de Paris, était censé relancer les espoirs d’un candidat de centre-droit en difficulté qui est largement considéré comme le seul candidat capable de battre Emmanuel Macron lors du second tour de la présidentielle du 24 avril.

Si elle dépasse le premier tour le 10 avril, c’est…

Loin de relancer sa fortune, elle et ses directeurs de campagne et rédacteurs de discours se sont donné beaucoup de mal pour organiser un naufrage de train au ralenti de 90 minutes.

Valérie n’est pas oratrice ? D’ACCORD. D’accord. Faisons-la se tenir derrière un podium et deux téléprompteurs dans un espace plus grand et plus intimidant que tout ce qu’elle a abordé auparavant en 20 ans en politique.

Valérie a été abandonnée par des personnalités de l’aile modérée de son parti, Les Républicains, qui l’accusent de dériver vers la droite anti-européenne et xénophobe ?

Amende. Écrivons un discours dans lequel elle attaque l’Union européenne et contredit la théorie idiote d’extrême droite selon laquelle l’immigration est un complot pour le « grand remplacement » des Blancs.

Pécresse a prononcé son discours avec une maladresse atroce : souriant aux mauvais endroits et renfrogné comme un enfant jouant un professeur en colère lorsqu’elle a critiqué Macron. Elle aurait été plus à l’aise si elle avait été autorisée à se promener sur la scène en discutant avec les 7 000 supporters hurlants. La foule, loin d’être emportée par sa rhétorique, sonnait comme si elle faisait de son mieux pour rembobiner son héroïne chancelante.

À un moment donné, Valérie Pécresse a affirmé, pas pour la première fois, être “deux parties d’Angela Merkel et une partie de Margaret Thatcher”. Elle est venue en neuf parties Liz Truss et une partie Hillary Clinton.

Est-ce que c’est vraiment important? Combien de personnes ont regardé le discours sur une chaîne d’information télévisée par un beau dimanche après-midi ? Combien de personnes vont aux réunions de campagne ces jours-ci ?

Je crois que c’est important, pour trois raisons.

Premièrement, les réunions de campagne de ce type sont censées dynamiser les fantassins électoraux qui sont encore importants à l’ère des médias sociaux. Si la candidate ne peut pas dynamiser ses propres troupes, comment peut-elle gagner la guerre ?

Deuxièmement, le format Big Speech peut convenir à Donald Trump ou à Marine Le Pen et, dans un registre différent, à Emmanuel Macron. Elle convient très bien au candidat d’extrême gauche, Jean-Luc Mélenchon, grand et drôle orateur à l’ancienne et racoleur qui s’est exprimé plus tôt dans l’après-midi lors de son propre rassemblement à Montpellier.

L’oratoire cadré est tout à fait inadapté à Pécresse, femme compétente mais discrète, beaucoup plus à l’aise dans un débat ou dans un plateau télé. La calamité de dimanche a renforcé l’impression que Pécresse a été prise en otage par sa propre campagne, qui tente de la forcer à être ce qu’elle n’est pas.

Enfin, il y avait le contenu confus et contradictoire du discours lui-même.

Pécresse (ou celui qui a écrit son scénario) a attaqué tous les “extrémistes”, c’est-à-dire ses rivaux d’extrême droite Marine Le Pen et Eric Zemmour. Elle a dit, à juste titre, qu’ils prêchaient « la nostalgie et le désordre ». Puis elle a continué à donner du crédit à la théorie du complot pédalée par Zemmour selon laquelle la migration est un complot visant à remplacer les populations blanches.

Elle a promis de baisser les impôts et de réduire la taille de l’État mais s’est également engagée à reconstruire les services publics qui ont, selon elle, été démantelés par Macron. En somme, elle a accusé Macron de zigzaguer (assez juste) mais n’a donné aucune idée précise de ce à quoi pourrait ressembler sa propre présidence.

Deux facteurs expliquent cette calamité : la peur et la paresse.

Le principal parti de centre-droit Les Républicains (LR) a peur de Zemmour, dont le récit xénophobe et pseudo-intellectuel de 200 ans de déclin français séduit une partie de l’électorat de centre-droit.

LR, descendant direct du gaullisme, est partagé entre son aile conservatrice modérée pro-européenne et son aile eurosceptique anti-migrants. Pécresse appartient naturellement au premier ; sa campagne a été détournée par la seconde.

Quant à la paresse, l’ancien centre-droit français a passé des décennies à se battre entre lui. Il a fait très peu d’efforts pour penser à un nouveau récit conservateur convaincant à présenter au peuple français.

Cette paresse institutionnelle a fait trébucher Pécresse à plus d’une reprise. Ses nombreuses gaffes embarrassantes trouvent leur origine dans une mauvaise préparation de son parti et de son équipe de campagne. La semaine dernière, elle s’est plainte que 40 000 000 de personnes par an entraient illégalement dans l’UE. Cela s’est avéré être le chiffre pour toutes les entrées légales, y compris les touristes.

Rien d’étonnant à ce que plusieurs personnalités de l’aile modérée des Républicains aient quitté le navire ces derniers jours et rejoint la campagne encore non déclarée du président Macron. Deux des plus importantes de ces personnalités, l’ancien ministre du budget, Eric Woerth et la maire de Calais, Natacha Bouchart, sont proches de l’ancien président de centre droit Nicolas Sarkozy.

L’ex-président a été un absent éblouissant du rassemblement Zénith. Il n’a pas encore endossé Pécresse. Il semble manœuvrer en arrière-plan – pour aider Macron et non le candidat du parti qu’il a fondé.

Ses motivations complexes, personnelles et politiques, devront faire l’objet d’une autre chronique. Il est possible qu’il soutienne encore Pécresse mais, selon Le Figaro, il a qualifié sa campagne de “partout” et “inexistante”.

Dans l’état actuel des choses, Pécresse a environ 15% de soutien au premier tour. Le Pen est juste devant elle ; Zemmour est à sa hauteur ou juste derrière. Macron reste loin devant avec 24-25 %.

Si Zemmour devance Pécresse dans les sondages la semaine prochaine, une partie de son soutien pourrait fondre et se diviser entre Macron et Zemmour.

Elle a raison sur une chose. Elle seule a une chance réaliste de battre le président au second tour à deux candidats – pas Le Pen et certainement pas Zemmour.

La politique électorale a horreur du fait accompli. Les surprises sont toujours possibles, surtout en ces temps instables. Mais vu la façon dont les choses se déroulent, Macron aurait peut-être “gagné” l’élection avant d’y entrer officiellement (probablement la semaine prochaine).

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