Y aura-t-il un rationnement énergétique en France cet hiver ?

Une femme installe un radiateur dans son appartement de l’est de la France en 2021. (Photo de JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP)

La France et le reste de l’Europe envisagent l’hiver 2022 avec appréhension, avec une grande inquiétude quant à la hausse des prix de l’énergie et à d’éventuelles pénuries d’électricité.

À la suite de la guerre en Ukraine, une grande partie de l’Europe tente de planifier la manière dont elle se débrouillera sans les combustibles fossiles russes. La Russie a fourni 40 % du gaz européen en 2021, mais pour la France, ce chiffre était nettement inférieur – environ 17 %.

Même si la France est en meilleure position comparée que certains de ses voisins européens (comme l’Allemagne qui, avant la guerre, importait la moitié de son gaz de Russie), les experts comme les politiques s’inquiètent d’éventuelles pénuries cet hiver.

Quelle est la situation énergétique actuelle en France ?

Le réseau de transport d’électricité (RTE) français a prévenu que « la période 2021-2024 constituera un ‘point bas’ en termes de sécurité d’approvisionnement électrique », mais cela n’est pas uniquement dû à la guerre en Ukraine.

La France est également confrontée à une baisse de la production d’énergie de ses centrales nucléaires, qui représentent plus de 67 % de la production totale d’électricité du pays.

Au 29 août, 57% de la capacité de production nucléaire française était hors ligne, selon les données produites par EDF, soit pour un entretien de routine, soit en raison de problèmes techniques. Le risque de pénurie d’électricité découle également de la fermeture récente des dernières centrales à charbon de France, selon RTE.

De plus, le fournisseur de gaz Engie a annoncé mardi que le fournisseur russe Gazprom réduirait encore ses livraisons de gaz à la France.

Le 25 août, la France avait réussi à remplir 90% de ses réserves de gaz remplies, selon l’Inventaire agrégé du stockage de gaz (AGSI) et il est probable que le pays pourra atteindre le seuil de 100% avant le début de l’hiver.

Cependant, même avec des stocks à pleine capacité, le gaz stocké ne couvre toujours qu’environ un quart de la consommation annuelle du pays et la moitié de la consommation hivernale du pays, selon le rapport du Progres.

Que disent les experts et les politiques ?

Les experts préviennent depuis plusieurs semaines que la situation énergétique des prochains mois sera précaire.

Nicolas Goldberg, expert en énergie chez Columbus Consulting, a déclaré à France 24 que cela dépendra en grande partie des conditions météorologiques. « S’il fait froid, qu’il n’y a pas de vent cet hiver et qu’on n’augmente pas notre production d’électricité avec le parc nucléaire français, il pourrait y avoir une pénurie d’électricité. Ce n’est pas certain, mais c’est possible », a-t-il déclaré.

Angélique Palle, professeur de géographie à la Sorbonne et spécialiste des questions d’approvisionnement et de transition énergétique, a déclaré à la Nouvelle République qu’elle ne pense pas que les Français auront à se soucier de l’approvisionnement cet hiver.

Elle a déclaré que “la probabilité que l’État réduise les apports de gaz pour les Français est quasi nulle”.

Elle estime que même en cas de crise très grave, avec des températures extrêmes, “couper l’approvisionnement des Français représenterait une démarche politique trop importante pour l’exécutif”.

En ce qui concerne les politiciens, lundi, la Première ministre française Elisabeth Borne a rencontré des entreprises pour discuter de la « sobriété énergétique », leur demandant de présenter des plans au cours du mois prochain sur la manière dont elles réduiront leur consommation d’énergie.

Elle a déclaré: “Si nous en arrivions au rationnement, les entreprises seraient les premières touchées.”

Le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a déclaré: “Nous voulons éviter les coupes [in gas and electricity]. Les entreprises seraient les premières touchées. Mais tout est possible.

Il a ajouté que : « Ceux qui sont déjà dans une situation précaire [ie people on low incomes] ne seront pas ceux à qui on demandera de faire de tels efforts, évidemment.

Veran a ajouté : « Nous sommes en avance sur l’offre par rapport aux autres années. Nous aurons atteint notre objectif de remplir nos stocks de gaz à 100 % d’ici la fin de l’été, mais cela ne signifie pas que nous en aurons assez. »

A quoi ressemblerait le rationnement énergétique en France ?

Cela impliquerait plusieurs étapes. Selon RTE, “la France ne sera pas dans le noir” et qu’il y a “plusieurs mesures sont prévues pour maintenir le réseau en marche avant d’éventuelles pannes”.

RTE a également déclaré que si “le risque de coupures d’électricité cet hiver existe, cela ne signifie pas qu’elles se matérialiseront”.

Pour éviter les pannes, RTE peut activer “l’interruption des gros consommateurs industriels”, qui sont “rémunérés à cet effet”.

Essentiellement, cela signifie que certains sites industriels lourds pourraient voir leur alimentation coupée pour tenter de soulager le reste du réseau.

Dans un deuxième temps, RTE pourrait décider d’abaisser la tension sur l’ensemble du réseau électrique jusqu’à 5 % pour réduire la consommation.

Il est peu probable que les particuliers s’en aperçoivent – ​​Franceinfo a décrit des effets tels que “les plaques chauffantes chauffent un peu moins” et “les ampoules deviennent légèrement plus faibles”. Cependant, l’aboutissement de tels efforts pourrait économiser une quantité importante d’énergie.

Si, malgré ces mesures, le réseau électrique n’est toujours pas équilibré, alors des « coupures d’électricité ciblées et momentanées » pourraient être mises en place.

RTE organiserait des “délestages tournants”, qui dureraient au maximum deux heures par jour, et auraient lieu “uniquement le matin entre 8h et 13h ou le soir entre 17h30 et 20h30”, selon franceinfo.

Les sites prioritaires – tels que les hôpitaux, les cliniques, les bâtiments de la défense nationale, les industries à haut risque ou les installations d’éclairage public indispensables à la sécurité – seraient exclus du risque de coupures de courant.

Les experts s’accordent à dire qu’il est très peu probable que cela se produise.

Pour le gaz, les coupures seraient plus complexes et réalisées uniquement dans les entreprises, pas chez les particuliers, a déclaré la ministre française de l’Environnement, Agnès Pannier-Runacher, à France Radio.

Dans ces cas là, ils “ne dureront pas deux heures, car pour boucher une vanne ça prend du temps, ça peut durer un ou deux jours”, mais elle a assuré que “tout ne s’arrêtera pas avant 10 jours”. Pannier-Runacher a également ajouté que pour faire face à ces coupures, il sera possible d’utiliser des groupes électrogènes ou des batteries, expliquant que l’Etat est “en train d’identifier tous les groupes électrogènes”.

Quel rôle joue la météo ?

La possibilité d’un rationnement énergétique dépendra fortement de la météo – selon RTE, lorsque la température baisse d’un degré seulement, la consommation augmente de 2 400 MW.

Le chauffage représentant 66 % de la consommation d’énergie des ménages et de nombreux foyers en France étant chauffés par des radiateurs électriques, une vague de froid particulièrement sévère pourrait entraîner une augmentation significative de la consommation d’électricité.

Un hiver exceptionnellement froid ou une vague de froid intense pourraient créer les conditions d’un « délestage rotatif » évoqué ci-dessus.

Cependant, selon franceinfo, RTE envisage de proposer aux consommateurs des “prévisions météo électricité” sur le site Ecowatt, ce qui permettra d’envisager d’adopter des “écogestes” avant les basses températures afin de limiter sa consommation et de diminuer la pression sur l’électricité. la grille.

Comment le gouvernement compte-t-il réagir ?

En plus de remplir ses réserves de gaz, la France s’apprête à réactiver la centrale électrique au charbon de Moselle, qui a été arrêtée au printemps, ainsi qu’à permettre une augmentation des heures de fonctionnement dans les centrales très polluantes. Cela permettrait à “la seule autre centrale à charbon – celle de Loire-Atlantique – encore en activité en France de produire plus d’électricité”, selon franceinfo.

La France se tourne également vers l’Algérie pour augmenter ses livraisons de gaz, comme évoqué lors de la récente visite du président Emmanuel Macron dans le pays. La France tire actuellement environ 8 % de son gaz de l’Algérie.

Le président Emmanuel Macron a également créé un Conseil de défense de l’énergie, qui se réunira pour la première fois le vendredi 2 septembre et devrait publier des plans et des mesures pour répondre aux pénuries d’approvisionnement énergétique.

Comment pourrais-je être impacté par les plans « sobriété énergétique » ?

Alors que les détails des plans de sobriété énergétique de Macron pour les particuliers restent à dévoiler, l’objectif ultime est de réduire la consommation d’énergie de dix pour cent d’ici 2024.

RTE a publié plusieurs recommandations sur la manière dont les particuliers pourraient réduire leur consommation d’électricité en France dans son rapport “Avenirs énergétiques 2050”, publié en juin. Certaines de ces recommandations incluent l’augmentation du travail à domicile et la recommandation aux ménages de réduire leur chauffage de 1 ° C.

Toutes les mesures d’économie d’énergie pour les ménages privés sont volontaires.