De nombreux festivals ont rouvert leurs portes au public cette année après la pandémie, donnant à des milliers de personnes l’occasion de profiter de plaisirs simples et peut-être d’échapper pour un instant aux malheurs du quotidien. Le festival international de photojournalisme, Visa pour l’imagefait exactement cela et présente un instantané du passé qui peut créer un souvenir durable.

L’événement, qui se tient dans la ville de Perpignan, dans le sud de la France, offre également aux visiteurs la possibilité de rencontrer les personnes qui se cachent derrière les photos qui deviennent parfois virales ou qui font l’actualité du jour.

La guerre en Ukraine à travers l’objectif

La dérive de la mission n’affecte pas seulement ceux qui combattent sur la ligne de front. Même si l’on voit moins de nouvelles de l’Ukraine dans les médias, à Perpignan, le conflit est omniprésent.

Jean-François Leroy, directeur du festival, rappelle que “depuis 2014, le Comité de protection des journalistes a recensé la mort de vingt journalistes en Ukraine.”

Sur les murs de la Caserne Gallieni, au centre-ville, les visiteurs peuvent observer et admirer l’incroyable travail de Mstyslav Chernov et Evgeniy Maloletka, deux photographes ukrainiens qui ont couvert le siège de Mariupol pour l’Associated Press.

L’histoire tragique d’un jeune enfant, Kirill, est racontée image par image pendant 18 mois : son père le portant dans ses bras, les médecins tentant de lui sauver la vie et ses parents pleurant sa mort.

Euronews Culture a rencontré Evgeniy Maloletka alors qu’il quittait l’exposition sur Buca. Sa photo figure sur toutes les affiches du festival.

“Toutes les plateformes permettant de montrer la réalité du terrain sont importantes. Nous apprécions que tout le travail que nous avons fait à Mariupol se renforce, mais lorsque nous étions là-bas, nous ne le comprenions pas. C’était vraiment horrible et inquiétant. Nous essayions de survivre et de montrer comment c’était, en mettant l’accent sur le personnel médical et humanitaire.”

Interrogé sur son exfiltration de la ville, il explique qu’il devenait impossible de travailler : l’hôpital était encerclé, le bâtiment voisin était occupé par les troupes russes, et il y avait des frappes toutes les 20 minutes. Ses pensées vont aux personnes qui l’ont aidé, lui et son collègue, à partir.

Son œuvre est nominée pour le Visa d’Or News, l’un des principaux prix du festival.

Une fenêtre sur le monde

L’Ukraine n’est pas le seul centre d’intérêt. Pour M. Leroy, le programme ne doit pas se limiter “à un seul événement, aussi important soit-il.” L’environnement est un thème clé cette année, avec des expositions qui ouvrent les yeux et qui sont conçues pour résonner et arrêter les visiteurs dans leur élan.

Alain Ernoult est passé du statut de photojournaliste de guerre à celui de photographe animalier. Son travail est consacré aux espèces en voie de disparition et à la 6e extinction. Ses photos créent un écho avec le travail de Brent Stirton sur la viande de brousse et les épidémies, un projet qu’il a commencé deux ans avant la pandémie. Un rappel opportun que les photo-journalistes peuvent être à la fois des témoins et des dénonciateurs.

Sur le mur de l’église dominicaine, les visiteurs sont confrontés à des images de femmes vêtues d’uniformes pénitentiaires beiges. La caméra d’Ana María Arévalo Gose nous emmène à l’intérieur des prisons pour femmes d’Amérique latine, et documente la vie quotidienne, l’ennui et la promiscuité. Beaucoup de ces femmes voient leurs droits fondamentaux bafoués derrière les barreaux. L’année dernière, Arévalo Gose a remporté le prix Camille Lepage, du nom de la journaliste française tuée en République centrafricaine en 2014.

Célébrer les preneurs de risques

Sur sa durée de deux semaines, on estime que 300 000 personnes visitent le festival.

“Je pense que la photographie est plus marquante que la vidéo, parce que c’est un moment figé, c’est plus dur et plus mémorable”, dit Eric, un visiteur de Montpellier. Son ami Maxime est d’accord. “L’expression du visage à travers la photographie, c’est ça qui est significatif”.

Dans une profession de plus en plus précaire, avec un nombre croissant de freelances et de photographes travaillant sans mesures de sécurité ou de protection adéquates telles que des assurances, des gilets pare-balles ou même des casques, Visa pour l’image nous rappelle la valeur et le coût de la prise de vue pour capturer le monde.

Comme l’écrit le photojournaliste français indépendant Jean-Claude Coutausse : “Une image ne dit jamais la vérité, mais on peut éviter de la faire mentir.”

Visa pour l’image se déroule à Perpignan jusqu’au 11 septembre. Une partie des œuvres est visible en ligne sur le site : https://www.visapourlimage.com/.