Le président français Emmanuel Macron n’a pas encore déclaré qu’il se présentera pour un second mandat lors des élections de l’année prochaine, mais ses intentions ne font plus de doute et sa campagne officieuse suscite des critiques.

Après une rare conférence de presse de deux heures la semaine dernière pour exposer ses ambitions européennes, le chef d’État de 43 ans doit s’asseoir pour une longue interview télévisée en prime-time sur la politique intérieure mercredi soir.

Pour un dirigeant qui a toujours tenu les médias à distance et qui a un jour théorisé son rôle comme étant celui de Jupiter, le dieu romain du ciel, ce soudain élan de transparence n’est pas passé inaperçu.

Pas plus qu’une série de visites dans des petites villes et des campagnes françaises où il a déambulé dans des rues pavées pittoresques, s’arrêtant pour discuter avec les commerçants ou buvant du vin dans des cafés locaux.

Lorsqu’un journaliste lui a à nouveau demandé la semaine dernière s’il comptait se représenter, il a d’abord fait preuve d’humour, déclarant que la question était “un signe d’affection, un désir caché, presque un appel”.

“Dans la période que nous vivons, le plus important est que nos institutions continuent à fonctionner de la manière la plus stable possible”, a-t-il poursuivi, éludant la question.

Comme ses prédécesseurs, dont François Mitterrand et Nicolas Sarkozy, Macron semble vouloir jouer la montre, en utilisant le mégaphone présidentiel et les avantages de sa fonction jusqu’au plus tard possible.

Le rôle de la France dans la présidence tournante de l’Union européenne à partir du 1er janvier, qui verra Macron établir l’agenda officiel de l’UE, est également un autre facteur favorisant une déclaration tardive.

“Emmanuel Macron est le président de la République, il est élu pour cinq ans, pas pour quatre ans et demi”, a déclaré mardi à la chaîne de télévision France 2 l’un des plus proches alliés de Macron, le principal député LREM Christophe Castaner.

“Que le président réfléchisse, c’est normal, qu’il envisage des choses, c’est normal, mais en attendant, il est président de la République”, a-t-il ajouté.

Pour le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, “ne pas faire campagne est plus un inconvénient qu’un avantage pour nous parce que la réalité est que cela nous donne moins de possibilités de répondre aux critiques.”

L’opinion publique

Bien qu’une déclaration tardive ait toujours été dans les plans de Macron, ses collaborateurs affirment que l’humeur de l’électorat et la dynamique de ses challengers pourraient également modifier ses calculs.

Pour la première fois, un sondage réalisé par le groupe d’enquête Elabe la semaine dernière a montré que l’ancien banquier d’affaires perdait le second tour de l’élection le 24 avril face à l’extrémiste de droite Valérie Pecresse du parti Les Républicains.

Pecresse, la combative directrice de la région parisienne et ancienne ministre de Sarkozy, a bénéficié d’un énorme rebond dans les sondages depuis qu’elle a obtenu l’investiture de son parti le 4 décembre.

Elle a mené des critiques sur l’interview télévisée de mercredi soir sur la chaîne TF1 et se plaint d’un terrain de jeu inégal.

“On ne peut pas avoir un président-candidat qui a des chaînes de télévision ouvertes pour lui quand il le veut et qui fait campagne pendant des heures, alors que ses adversaires ont cinq minutes sur un plateau pour lui répondre”, a-t-elle déclaré lundi.

Elle a promis de se plaindre auprès du CSA, l’autorité française de régulation des médias, qui surveille le temps accordé aux candidats à la présidence pour s’assurer que chacun d’entre eux bénéficie d’un traitement équitable.

Lignes d’attaque

Alors que la campagne électorale évolue en faveur de Pecresse, elle est devenue la cible privilégiée des alliés de Macron, qui ont répété différentes lignes d’attaque.

Certains l’ont dépeinte comme une femme huppée et hors du coup, ou engagée dans un programme irréaliste de coupes dans le secteur public.

Le danger que représente pour Macron Eric Zemmour, un expert d’extrême droite, semble s’être estompé après son entrée spectaculaire dans la politique française en septembre.

L’ancienne leader d’extrême droite Marine Le Pen risque également d’être évincée de la course si la candidate Les Républicains parvient à maintenir son élan.

Certains dans le camp de Pecresse pensent que le moment de l’interview de Macron a été délibérément choisi pour entrer en conflit avec son apparition prévue sur une autre chaîne de télévision, qui a maintenant été annulée.

“Valérie Pecresse est devenue une obsession pour Emmanuel Macron, au point de lui dicter le moment de ses apparitions”, a déclaré cette semaine à l’AFP un collaborateur de Pecresse, sous couvert d’anonymat.

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