Quatre ans après le mouvement #MeToo, les victimes françaises de violences sexistes ont toujours du mal à obtenir justice, la police étant accusée de ne pas prendre leurs plaintes au sérieux.

Ces dernières semaines, la France a été saisie par une vague de nouvelles histoires d’agression et de harcèlement sexuels et les plaintes se concentrent cette fois sur la façon dont la police traite les femmes qui se présentent pour signaler des cas d’agression ou d’abus.

Le déferlement a été déclenché par un post Instagram de la féministe Anna Toumazoff relatant l’expérience des femmes lorsqu’elles signalent des agressions au commissariat principal de la ville de Montpellier, dans le sud du pays.

Toumazoff a décrit les victimes comme étant stigmatisées, humiliées et culpabilisées par la police, deux ans après que le gouvernement ait lancé une grande campagne de formation des officiers sur le traitement des cas de violence sexiste.

“En France, la police demande aux victimes de viol si elles ont eu un orgasme”, a tweeté Toumazoff, faisant référence au cas d’une femme de 19 ans qui a signalé un viol début septembre.

Toumazoff a affirmé que les victimes de viol se sont entendu dire qu’une personne qui a bu avait “automatiquement consenti” à des rapports sexuels et qu’elles “ne devraient pas détruire des vies” en portant plainte contre leurs agresseurs.

La police de Montpellier au banc des accusés

Ces allégations ont conduit des milliers de victimes d’abus à travers la France à partager des histoires de traitement dédaigneux ou méprisant par la police, en utilisant le hashtag “DoublePeine” (victime deux fois).

Le représentant de l’État dans l’Hérault, région où se trouve Montpellier, a menacé Toumazoff d’un procès pour diffamation.

Mais le gouvernement d’Emmanuel Macron, qui a fait de la lutte contre les violences faites aux femmes un thème clé de sa présidence, a prêté une oreille plus attentive.

La semaine dernière, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a indiqué qu’environ 90 000 policiers avaient reçu une formation au cours des deux dernières années pour traiter les cas de violence avec empathie et sensibilité.

Mais il a admis qu’il y avait “certainement” de la place pour des améliorations et a promis une enquête sur les plaintes de Montpellier.

Échos de #MeToo

Il y a eu plusieurs ramifications françaises du mouvement mondial #MeToo qui a brisé les tabous autour du harcèlement et des agressions sexuelles.

En 2017, le hashtag #BalancetonPorc (Expose ton cochon) a été utilisé par des milliers de femmes pour poster des histoires d’abus.

Trois ans plus tard, un scandale impliquant un éminent intellectuel accusé d’avoir abusé sexuellement de son beau-fils adolescent a déclenché des milliers de personnes qui ont partagé des récits poignants d’abus au sein des familles, en utilisant le slogan #Metooinceste.

La prise de conscience des abus s’est étendue au cinéma, à la politique et aux collèges d’élite dans un pays où la séduction est traditionnellement considérée comme une partie intégrante de la culture française et où les femmes qui se plaignent de harcèlement sont souvent considérées comme puritaines.

Pas un pédophile

Sur le site doublepeine.fr, des centaines de femmes décrivent leur combat pour que leur cas soit pris au sérieux par la police.

L’une d’entre elles raconte qu’elle a été violée par un inconnu, puis que la police lui a dit qu’elle devait retirer sa plainte parce que son agresseur avait “suffisamment souffert” en étant convoqué pour être interrogé.

Une autre femme a affirmé que la police avait ignoré ses plaintes répétées pour violence domestique, au motif que son mari n’était “pas un pédophile”.

Face à de telles attitudes, plusieurs femmes ont déclaré retirer leurs plaintes.

Faire appel à des avocats

Fabienne Boulard, un officier de police senior qui forme ses collègues à la gestion des cas de violence domestique, a admis à l’AFP que la réponse de la police n’était “toujours pas la meilleure”.

Les officiers ont encore besoin de beaucoup d’aide pour s’y retrouver dans des questions complexes comme la violence psychologique qui accompagne souvent les cas de violence domestique, a-t-elle dit.

Darmanin a proposé d’envoyer des agents rencontrer les victimes dans un endroit sûr pour enregistrer leur plainte au lieu de les faire venir au poste de police.

Mais le groupe féministe #NousToutes (All of Us) a déclaré que le problème n’était pas le lieu, mais la façon dont la police interagissait avec les victimes.

Un groupe d’une centaine d’avocats a fait pression sur le gouvernement pour permettre aux victimes de viol de se faire accompagner d’un avocat lorsqu’elles portent plainte, la ministre de l’égalité des sexes Elisabeth Moreno s’étant déclarée “favorable” à cette idée.