Comment la France poursuit les despotes étrangers et leurs familles

La police française perquisitionne la résidence parisienne de Teodorin Obiang Mangue, le fils du président de la Guinée équatoriale Teodoro Obiang, dans le cadre d’une enquête sur la corruption, le 14 février 2012 – (Photo par ERIC FEFERBERG / AFP).

Mercredi, un tribunal de grande instance de Paris a confirmé la condamnation de Rifaat al-Assad, l’oncle du président syrien condamné dans l’une des séries inédites d’affaires de “biens mal acquis”.

Voici un tour d’horizon des grands noms qui ont été emportés dans les enquêtes qui se sont jusqu’à présent concentrées sur les familles dirigeantes de trois pays africains riches en pétrole ainsi que de la Syrie.

Bugattis et top bouteilles

Agissant sur une plainte déposée par des militants anti-corruption, les enquêteurs français perquisitionnent en septembre 2011 l’hôtel particulier parisien de six étages du président de la Guinée équatoriale, Teodoro Obiang Nguema, et emportent 11 voitures de luxe, dont une Bugatti et une Ferrari, dont neuf seront ensuite vendues aux enchères.

Un an après le raid, ils saisissent la propriété de la chic avenue Foch, près de l’Arc de Triomphe, enlevant des tableaux d’artistes célèbres, une horloge d’une valeur estimée à trois millions d’euros et des vins valant des milliers d’euros la bouteille, entre autres objets de valeur.

Le fils aîné d’Obiang, Teodorin Obiang, connu pour être un grand dépensier avec un penchant pour les souvenirs de Michael Jackson, est la cible de l’enquête.

A l’époque, il est vice-président de la Guinée équatoriale, que son père dirige d’une main de fer depuis 1979.

En 2014, le jeune Obiang est accusé de corruption et de détournement de fonds. Il nie les accusations, affirmant qu’il a amassé sa richesse légalement et qu’il bénéficie de l’immunité diplomatique – mais la plus haute juridiction française juge que les accusations sont valables car elles concernent exclusivement sa vie privée.

En 2020, il est condamné à une peine de trois ans de prison avec sursis et à une amende de 30 millions d’euros. Il fait appel du verdict.

Obiang a également été contraint de renoncer à des millions de dollars d’actifs aux États-Unis et a été frappé de sanctions par la Grande-Bretagne.

Bongo et Sassou Nguesso

En 2015, la famille du président du Congo-Brazzaville Denis Sassou Nguesso est sous le feu des projecteurs lorsque des juges d’instruction saisissent plusieurs propriétés soupçonnées d’appartenir à son neveu Wilfrid Nguesso.

Un an plus tard, deux appartements parisiens enregistrés au nom de l’épouse de Sassou Nguesso, Antoinette, sont également saisis dans le cadre d’une enquête sur des soupçons de corruption.

En 2017, Wilfrid Nguesso est mis en examen pour blanchiment du produit de détournements de fonds et deux ans plus tard, l’un des fils du président, Denis Christel Sassou Nguesso, est frappé par des accusations similaires.

En 2016, les enquêteurs s’intéressent à des propriétés appartenant à la famille du défunt dirigeant du Gabon voisin, notamment une villa à Nice et un hôtel particulier à Paris lié au président du pays pendant 41 ans, Omar Bongo.

En 2017, cette enquête est classée sans qu’aucune charge ne soit retenue.

Mais un nouveau chapitre s’ouvre en 2021 lorsque la banque BNP Paribas est mise en examen pour “blanchiment de corruption et détournement de fonds publics” dans l’enquête sur les biens de Bongo. La banque française reconnaît des “manquements” mais conteste toute “intention frauduleuse”.

En mars et avril 2022, quatre des enfants d’Omar Bongo sont mis en examen pour recel de détournement de fonds publics.

Cinq autres de ses 54 enfants sont à leur tour inculpés en juin et juillet pour avoir profité en connaissance de cause d’un patrimoine français estimé à 85 millions d’euros acquis “frauduleusement” en France par Bongo.

L’oncle d’Assad

Surnommé le “boucher de Hama” pour son rôle présumé dans la répression d’un soulèvement dans le centre de la Syrie en 1982, Rifaat al-Assad fait l’objet d’une enquête en France depuis 2014.

Il a été jugé pour des crimes qui auraient été commis entre 1984 et 2016, notamment pour fraude fiscale aggravée et détournement de fonds syriens.

Il a été blanchi sur la période 1984 à 1996 mais condamné pour le blanchiment de fonds détournés du trésor public syrien entre 1996 et 2016. Il a également été condamné pour fraude fiscale.

En 2021, la cour d’appel de Paris confirme le verdict et ordonne la saisie d’un patrimoine estimé à 90 millions d’euros, dont deux hôtels particuliers dans des quartiers chics de Paris, un haras, une quarantaine d’appartements et un château.

Le plus haut tribunal administratif de France a confirmé la condamnation mercredi.