Une île française criblée de mines devient un paradis pour les randonneurs.

L’île de Cézembre, au large de Saint-Malo, dans le nord-ouest de la France. Photo de Damien MEYER / AFP

Mais ils ont intérêt à être prudents et à rester sur le chemin, car la quasi-totalité de l’île reste périlleuse en raison de munitions non explosées datant de la Seconde Guerre mondiale.

Cezembre n’a été ouverte aux visites qu’en 2018, plus de sept décennies après la fin de la Seconde Guerre mondiale, après que d’importants efforts de déminage aient permis l’ouverture d’un chemin balisé pour les visiteurs.

Cependant, la zone sûre pour les visiteurs ne représente que trois pour cent de l’île, qui, selon les experts, a été la zone la plus bombardée de toute la Seconde Guerre mondiale en termes de nombre d’impacts par mètre carré.

“C’est magnifique !” s’enthousiasme Maryse Wilmart, une visiteuse de 60 ans originaire de la ville de La Rochelle (sud-ouest), en contemplant la plage de sable aux eaux turquoise et en regardant au-delà les remparts de la ville portuaire de Saint-Malo.

Des touristes passent devant des panneaux indiquant “no trepassing – Danger” sur l’île Cezembre, Photo de Damien MEYER / AFP

“Mais quand on voit tout ça derrière nous… Vous imaginez ce qui s’est passé ici ?”, a-t-elle demandé en montrant les fils barbelés et les panneaux avertissant “Danger !”. Terrain non défriché au-delà des clôtures !”.

Un visiteur doit revenir 80 ans en arrière pour comprendre ce qui s’est passé sur cet affleurement rocheux habituellement inhabité.

En 1942, l’armée d’occupation allemande nazie s’est emparée de l’île stratégiquement importante et y a installé des bunkers et des pièces d’artillerie.

Le 17 août 1944, Saint-Malo est libérée par les Américains mais le commandant nazi de Cézembre, à la tête de quelque 400 hommes, refuse de se rendre.

S’ensuit un bombardement aérien dévastateur de la part des Alliés.

“On dit que, par mètre carré, elle a subi le plus grand nombre de bombardements de tous les théâtres d’opérations de la Seconde Guerre mondiale”, a déclaré Philippe Delacotte, auteur du livre “Les secrets de l’île de Cézembre”.

Une plage de l’île de Cezembre, au large de Saint-Malo’. Photo de Damien MEYER / AFP

“Il y a eu entre 4 000 et 5 000 bombes larguées”, dont certaines contenaient du napalm, a-t-il précisé.

Le 2 septembre 1944, le drapeau blanc est finalement hissé et quelque 350 hommes épuisés se rendent.

“Certains survivants ont affirmé que c’était comme Stalingrad”, a déclaré M. Delacotte. L’île a été complètement dévastée, à tel point que son altitude a même baissé à cause des bombes.

Après la guerre, l’île est devenue la propriété du ministère français de la défense et son accès a été totalement fermé, les premiers efforts de déminage ayant commencé dans les années 1950.

Elle a été confiée à un organisme public de conservation du littoral, le Conservatoire du Littoral, en 2017.

Le chemin d’environ 800 mètres permet aux visiteurs de déambuler entre les canons et les bunkers rouillés, avec des vues imprenables vers le Cap Fréhel et la Pointe de la Varde.

Depuis l’ouverture du sentier, “il n’y a eu aucun accident” même s'”il y a toujours des gens qui veulent aller au-delà de la section autorisée”, a déclaré Jean-Christophe Renais, garde-côte.

Au fil du temps, des colonies d’oiseaux de mer sont réapparues, notamment des mouettes, des cormorans, des pingouins et des guillemots.

“La biodiversité se porte à merveille, tout a été recolonisé et revégétalisé, les oiseaux ont repris possession du site”, se félicite Gwenal Hervouet, qui gère le site pour le Conservatoire du Littoral.

“C’est un vrai bonheur”.

En raison de l’accent mis sur la restauration de la faune, le sentier a été partiellement fermé en avril “pour maximiser les chances de réussite et d’envol des poussins de faucons pèlerins”, a déclaré Manon Simonneau, militante locale de la conservation.

Certains randonneurs disent espérer que le sentier sera rallongé pour permettre un tour complet de l’île, mais selon le Conservatoire, il y a peu de chance que cela se produise – le coût d’un déminage supplémentaire serait astronomique, c’est donc maintenant les oiseaux et la nature qui sont les maîtres de Cezembre.