Un film évoque le souvenir du Français George Floyd, des décennies après sa mort.

Des fleurs et des lettres sur le lieu où Malik Oussekine est mort aux mains de la police à Paris. Photo de Michel GANGNE / AFP

Dans la nuit du 6 décembre 1986, deux policiers ont battu à mort ce franco-algérien de 22 ans en marge d’une manifestation étudiante à Paris.

Il n’avait pas participé à la manifestation, et son meurtre est devenu un point tournant – déclenchant des semaines de troubles et conduisant à la condamnation sans précédent des officiers.

Alors que le nom d’Oussekine a continué à résonner parmi les minorités, son histoire n’a jamais été adaptée à l’écran jusqu’à présent.

Comme pour rattraper le temps perdu, deux versions sortent ce mois-ci : un film, “Nos frères”, est présenté en première au Festival de Cannes, et une mini-série Disney+, “Oussekine”, sort dans le monde entier mercredi.

“Il a été attaqué à cause de la couleur de sa peau. C’est le George Floyd arabe de la France”, a déclaré à l’AFP l’historien Pascal Blanchard, en référence à l’Afro-Américain dont la mort aux mains de la police en 2020 a suscité des protestations internationales massives.

Il a déclaré qu’une grande partie de la société française avait permis à l’histoire d’Oussekine d’être balayée sous le tapis, comme c’est le cas pour une grande partie de son histoire troublée avec les populations immigrées.

“La question n’est pas de savoir si Malik Oussekine a été oublié, mais par qui ?” a déclaré Blanchard.

La France se débat encore avec le traumatisme de sa période coloniale, notamment la sanglante guerre d’indépendance de l’Algérie de 1954 à 1962.

Parmi ses moments les plus sombres, citons le massacre de 200 manifestants algériens par la police à Paris le 17 octobre 1961 – beaucoup d’entre eux ont été abattus et leurs corps jetés dans la Seine.

Les événements de cette journée n’ont pas été officiellement reconnus pendant des décennies, jusqu’à ce que le président Emmanuel Macron les qualifie finalement de “crimes inexcusables” lors du 60e anniversaire l’année dernière – sans toutefois présenter d’excuses.

La mort d’Oussekine a été cruciale pour marquer la fin de l’impunité totale de la police – la première fois que des officiers ont été condamnés pour ce type de crime, selon l’avocat de la famille, Georges Kiejman.

Alors que les petits-enfants de la première vague d’immigrants nord-africains arrivent à l’âge adulte, il y a un intérêt croissant et une volonté d’aborder le passé.

“Pour notre génération, il est important de dire que ces histoires individuelles font partie de l’histoire nationale française. Elles ne sont pas séparées. Ce sont des histoires françaises”, a déclaré Faiza Guene, 36 ans, née de parents algériens, qui a participé à l’écriture du scénario d'”Oussekine”.

Son réalisateur, Antoine Chevrollier, faisait partie de l’équipe derrière la série d’espionnage à succès “Le Bureau”, et la saga politique encensée “Baron Noir”.

“L’important est de faire résonner ce nom et cette histoire pour qu’on n’oublie jamais”, a-t-il déclaré à l’AFP.

Chevrollier, qui a grandi dans un petit village de la vallée de la Loire, dit n’avoir pris pleinement conscience de la puissance du nom d’Oussekine que lorsqu’il s’est installé à Paris et qu’il a commencé à fréquenter des gens d’horizons différents.

“J’espère que cette série contribuera à apaiser les tensions qui agitent le pays. Il est temps qu’en France, nous commencions à traiter ces cancers historiques.”