L’ancien chauffeur d’hôtel Claude Muhayimana est jugé aujourd’hui (22 novembre) à Paris pour complicité dans le génocide rwandais de 1994, pour avoir transporté des miliciens hutus qui ont massacré des centaines de Tutsis.
Muhayimana, 60 ans, qui selon les enquêteurs a également caché des Tutsis en danger de mort et aidé certains à s’échapper, a fui après le génocide et a obtenu la nationalité française en 2010.
Environ 50 témoins sont attendus pour ce qui sera le troisième procès lié à l’une des pires tragédies du 20ème siècle.
Le génocide a vu 800.000 Tutsis minoritaires et membres modérés de la majorité hutue massacrés en seulement trois mois, d’avril à juillet 1994.
A l’époque, Muhayimana était chauffeur pour l’hôtel Guest House à Kibuye, sur les rives du lac Kivu.
Il est accusé de “complicité” de génocide et de crimes contre l’humanité pour avoir “aidé et encouragé” les milices en les transportant à plusieurs reprises sur les lieux des massacres dans la région du Kimberley occidental, où des dizaines de milliers de personnes ont été tuées.
Muhayimana risque une peine de prison à vie s’il est reconnu coupable. Il a été arrêté en 2014, un an après l’ouverture d’une enquête initiée par une plainte du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), qui lutte contre l’impunité et la présence en France de personnes présumées impliquées dans le génocide rwandais.
Trois personnes ont déjà été condamnées : un officier de l’armée condamné à 25 ans de prison, et deux maires qui ont été condamnés à perpétuité.
Mais Muhayimana sera le premier citoyen “ordinaire” à faire face à la justice, lui qui était considéré comme “respectable dans l’ensemble” avant les meurtres, a déclaré Alexandre Kiabski, un avocat du CPCR, l’un des plaignants.
Il a rejeté les allégations de la défense selon lesquelles Muhayimana n’avait pas d’autre choix que d’obéir aux autorités hutues, affirmant que “d’autres conducteurs ont refusé”.
Le procès durera près d’un mois, avec l’audition de dizaines de témoins, dont 15 du Rwanda.
“Nous avons affaire à un citoyen ordinaire qui n’avait aucune autorité sur quiconque”, a déclaré Philippe Meilhac, l’un des avocats de l’accusé.
“Il va s’expliquer en long, en large et en travers. C’est un homme qui attend depuis 10 ans”.
La France rejette depuis des années les demandes d’extradition de suspects vers le Rwanda, ce qui alimente une dispute entre les deux nations, le président Paul Kagame accusant Paris de refuser la juridiction du Rwanda.
Mais les relations entre les deux pays se sont considérablement réchauffées depuis qu’un rapport d’historiens commandé par le président Emmanuel Macron et publié en mars a reconnu les responsabilités “écrasantes” de la France dans l’incapacité d’arrêter les massacres.
Macron s’est également rendu à Kigali en mai, où il a reconnu que son pays avait ignoré les avertissements concernant l’imminence des massacres tout en soutenant le régime génocidaire.
Environ 30 procès d’autres suspects du génocide rwandais doivent encore être entendus par les tribunaux français.