Un anniversaire embarrassant pour les 50 ans de l'extrême droite française

Marine Le Pen (G) et Jean-Marie Le Pen lors du congrès du parti, à Tours, dans l’ouest de la France, en 2011. (Photo : Alain JOCARD / AFP)

Les difficultés financières du parti et la persistance de l’amertume et des rivalités au sein du clan familial Le Pen font qu’il n’y a pas de grandes célébrations pour le cap du demi-siècle.

Jean-Marie Le Pen, père de Marine et cofondateur du Front national en 1972, n’a pas été invité à la conférence de jeudi qui est le seul événement prévu pour l’occasion.

“D’un parti protestataire, nous sommes devenus un parti prêt à gouverner”, a déclaré Marine Le Pen devant le Parlement mercredi, l’allusion à son père à la tête d’un simple “parti protestataire” risquant de lui déplaire davantage.

“Je souhaite aujourd’hui rendre hommage à tous les militants qui, depuis 50 ans, ont œuvré pour la cause nationale”, a-t-elle ajouté.

Après avoir remplacé Jean-Marie à la tête du parti après son passage de près de 40 ans à la tête du parti, Mme Le Pen l’a éjecté en 2015 dans le cadre de sa stratégie de nettoyage de l’image du Front national.

Trois ans plus tard, elle a changé le nom du parti, passant du Front national au Rassemblement national (RN), dans le cadre d’un exercice de rebranding destiné à se distancier davantage de l’héritage d’antisémitisme et de racisme associé à son père.

Cette initiative a porté ses fruits dans les urnes, faisant passer le parti de la marginalité au courant politique dominant.

Lors de sa troisième tentative à la présidence, Mme Le Pen a obtenu le meilleur résultat jamais enregistré par son parti en avril, en remportant 41 % des voix contre le président Emmanuel Macron, qui a été élu pour un second mandat.

Les préoccupations relatives à la criminalité, à l’immigration et à l’augmentation du coût de la vie ont ensuite permis à son parti de multiplier par dix sa représentation au Parlement lors des élections de juin, pour atteindre un record historique de 89 sièges, ce qui en fait le plus grand groupe d’opposition.

“De l’espoir au pouvoir, nous continuons !”, a écrit sur Twitter le président par intérim du parti, Jordan Bardella, qui a remplacé Le Pen lorsqu’elle s’est présentée à la présidence.

Une image modérée ?

De nombreux députés d’extrême droite et de hauts responsables du parti auraient été réticents à l’idée de marquer le 50e anniversaire du Front national (FN), étant donné les associations avec Jean-Marie qui est considéré comme toxique par une majorité de l’électorat français.

L’événement de faible envergure de jeudi a été considéré comme un compromis et se concentrera sur le succès du parti en mettant en avant des thèmes tels que l’immigration, l’euroscepticisme, les pertes d’emplois dues à la mondialisation et l’islamisme.

Jean-Marie doit organiser une garden-party plus tard ce mois-ci au château familial près de Paris.

“Marine Le Pen dit aujourd’hui que grâce au FN de son père, des questions comme l’immigration et les dangers de la mondialisation ont été débattues, mais en fin de compte, cela fait 10 ans qu’elle s’épuise à essayer de se débarrasser de l’image provocatrice de son père sur chaque question”, écrit la journaliste politique Alba Ventura à la radio RTL.

Après les élections législatives de juin, Le Pen a ordonné à ses nouveaux députés de s’habiller élégamment pour le parlement et est déterminée à positionner son parti comme le parti d’opposition le plus crédible face à l’alliance centriste de Macron.

Selon une importante étude de sondage publiée cette semaine par le journal Le Monde et le groupe de recherche politique Cevipof à Paris, le groupe d’opposition de gauche dure France Unbowed était considéré comme “trop radical” par 53 pour cent des Français.

Seuls 34 pour cent pensent la même chose du parti de Le Pen.

Jean-Yves Camus, un expert de l’extrême-droite à la Fondation Jean-Jaurès, un groupe de réflexion de gauche, a déclaré que Le Pen avait partiellement réussi à se distancer de son père.

“Il est impossible de couper complètement sa filiation et le RN ne peut jamais échapper à l’histoire. Mais après on n’est pas défini toute sa vie par ses débuts”, a-t-il déclaré à l’AFP.

Si Le Pen devient un jour président français, cela marquerait un séisme politique pour l’Europe.

“A un moment donné, si vous cultivez votre terrain pendant 50 ans avec un certain zèle, vous pouvez aboutir à la conjonction d’un homme ou d’une femme et d’un moment”, a déclaré Camus.