Le général de Gaulle avec son fils Philippe sur un bateau sur le Rhin en Allemagne

Cette photo d’archive de septembre 1962 montre le général de Gaulle (L) de l’époque avec son fils l’amiral Philippe de Gaulle à bord d’un bateau sur le Rhin entre Düsseldorf et Duisbourg lors d’une visite en Allemagne. AFP

Le signal a été donné.

Un groupe d’extrémistes de droite entre en action et ratisse la Citroën DS présidentielle avec des coups de feu.

Trois des balles pénètrent dans la carrosserie et passent à quelques centimètres de la tête de De Gaulle mais lui et sa femme Yvonne s’en sortent miraculeusement indemnes.

“Ce sont de si mauvais coups!”, plaisante plus tard le héros français de la Seconde Guerre mondiale sur l’attentat contre sa vie qui choque le pays et donne à De Gaulle l’occasion de renforcer les pouvoirs de son bureau.

Entre-temps, la préoccupation immédiate d’Yvonne concerne le poulet en gelée qu’elle a dans le coffre de la voiture, après avoir fait le plein de mets délicats dans la capitale.

Pluie de balles

Fonçant ce soir d’été en direction d’un aérodrome militaire où ils embarqueront dans un avion qui les conduira à leur domaine du village de Colombey-les-Deux-Eglises, la voiture présidentielle est flanquée d’un véhicule d’escorte et de deux cavaliers à moto.

La nuit tombe quand le signal vient du commanditaire de l’attentat, Jean-Marie Bastien-Thiry, ingénieur au ministère de l’Air avec le grade de lieutenant-colonel.

Bastien-Thiry est membre de l’Organisation armée secrète, connue sous son acronyme français OAS, un groupe paramilitaire d’extrême droite exaspéré par la décision de De Gaulle d’accorder l’indépendance à l’Algérie après une libération brutale de huit ans.
guerre.

L’équipe d’une dizaine de personnes est un mélange de “pieds-noirs” – des Européens nés en Algérie sous la domination française qui a duré de 1830 à 1962 – ainsi que d’anciens soldats et étudiants. Le plus jeune n’a que 20 ans.

Ils ouvrent le feu d’abord avec une mitrailleuse depuis une camionnette jaune, puis depuis un second véhicule garé plus loin sur la route.

L’attaque ne dure que 45 secondes.

Plus de 150 balles sont tirées et il y a huit impacts sur la carrosserie de la voiture. Une balle traverse le siège passager arrière, brisant la vitre du président et de sa femme, couverte de verre.

Les De Gaulle ont une dette de gratitude envers le sang-froid de leur chauffeur Francis Marroux, qui avait également été au volant un an plus tôt lorsque la voiture présidentielle a survécu à une première tentative d’assassinat – attribuée plus tard à
Bastien-Thiry — dans le village nord-est de Pont-sur-Seine.

photo de police du colonel jean bastien-thiry

Cette photo d’archive prise le 18 septembre 1962 par la police judiciaire française montre le colonel Jean Bastien-Thiry qui a organisé l’attentat du 22 août 1962 contre le général de Gaulle au Petit-Clamart, au sud de Paris. (Photo AFP)

Marroux parvient à garder le contrôle du véhicule et accélère sur deux pneus crevés sous plus de feu.

Le gendre de De Gaulle, Alain de Boissieu, joue également un rôle clé. Assis à l’avant de la voiture, il crie “Descends, père!” au chef de la France.

‘Rasage de près’

L’imperturbable De Gaulle, alors âgé de 71 ans, fait d’abord comme si de rien n’était. Arrivé à l’aéroport militaire de Villacoublay, il passe en revue les troupes comme d’habitude.

Mais en montant dans l’avion avec Yvonne, il avoue à de Boissieu : “Cette fois, c’était rasé de près !”

Jean-Noël Jeanneney, historien français et auteur d’un livre sur l’attentat, explique qu’une combinaison de facteurs explique l’échec de l’attaque de 1962, notamment qu’aucune des personnes impliquées n’était prête à mourir pour la cause.

Interrogé par l’AFP en 2012, un rescapé de la cellule accusait le brouillage des armes et le manque d’entraînement des tireurs.

“Ce sont de si mauvais tireurs”, a déclaré De Gaulle au Premier ministre Georges Pompidou lors d’un appel téléphonique le soir de l’attentat.

La nouvelle de la tentative d’assassinat se répand rapidement.

“Attentat raté contre De Gaulle” écrit l’AFP dans un premier “flash” à 20h55.

Une autre suit : « Des coups de feu ont été tirés peu après 20 heures contre la voiture du général De Gaulle près de Villacoublay. Personne n’a été touché ».

Plus tard, il apparaît qu’un homme roulant en sens inverse a été touché à la main par une balle perdue mais seulement légèrement blessé.

Le cerveau exécuté

La chasse aux coupables est rapide et efficace, l’un des suspects révélant toute l’opération après son arrestation.

Presque toutes les personnes impliquées sont prises, y compris Bastien-Thiry. Neuf hommes sont jugés, dont trois sont condamnés à mort.

De Gaulle gracie deux d’entre eux mais refuse la clémence pour Bastien-Thiry, qui est la dernière personne à être exécutée par peloton d’exécution en France le 11 mars 1963 à l’âge de 35 ans.

Toujours stratège, De Gaulle exploite l’indignation du public face à l’attaque pour renforcer le soutien à un amendement constitutionnel visant à faire élire le président par vote populaire plutôt que par un collège électoral.

L’attaque qu’il confie à l’un de ses ministres est venue « au bon moment ».