Qui étaient exactement les 27 personnes qui se sont noyées en essayant de rejoindre la Grande-Bretagne cette semaine dans l’accident de migrants le plus meurtrier de la Manche ? Des groupes et des volontaires ont commencé à chercher des réponses.

Des activistes soucieux d’offrir un enterrement décent ont lancé une opération minutieuse dans le nord de la France pour établir leurs noms et nationalités et aider les familles éloignées à faire face.

Jan Kakar, responsable d’un groupe afghan basé à Paris, entre dans la morgue de Lille vendredi après-midi, téléphone portable à la main.

Cela fait déjà deux jours que la tragédie a eu lieu au large de Calais et les corps attendent les autopsies dans la ville.

Kakar parcourt les nombreuses photos et messages reçus sur son smartphone. Huit familles afghanes laissent entendre qu’un fils, un frère, un cousin se trouvaient sur le bateau pneumatique qui a sombré dans des circonstances qui restent floues.

Kakar examine la photo de l’un d’entre eux et essaie de comprendre si le jeune homme rayonnant aux cheveux noirs corbeau portant un T-shirt orange est vraiment mort à bord du bateau.

Les expéditeurs des messages s’accrochent encore à l’espoir d’une erreur, qu’il ne s’agit pas de leur proche. Mais si c’est le cas, ils devront décider s’ils veulent rapatrier le corps en Afghanistan ou l’enterrer en France.

Kakar ne se fait guère d’illusions. “Ils ont des frères ou des parents qui sont dans les camps de Calais et qui ont déjà confirmé qu’ils étaient dessus”, dit-il à l’AFP.

Tout le monde mérite d’être enterré dignement

Cependant, l’accès aux corps n’est pas accordé.

“Cela prendra au moins une semaine, peut-être deux”, déclare Samad Akrach, qui dirige Tahara, une association qui paie et s’occupe de l’enterrement des migrants.

Des membres d’associations de défense des migrants se rassemblent à côté d’une pancarte sur laquelle on peut lire “30 ans d’annonces, de traitements inhumains et dégradants”, le 24 novembre 2021 à Calais, dans le nord de la France, après le naufrage d’un bateau de migrants traversant la Manche vers l’Angleterre. (Photo de FRANCOIS LO PRESTI / AFP)

Tout corps non identifié est conservé dans un caveau temporaire. Si aucun membre de la famille ne fait de réclamation dans les cinq ans, les restes sont placés dans un ossuaire ou incinérés.

“Nous ne voulons pas que cela se produise”, dit Akrach. “Nous pensons que tout le monde mérite d’être enterré avec dignité”.

“Nous menons une véritable enquête.”

Ni les nationalités ni les noms des 27 corps n’ont encore été officiellement confirmés.

Le parquet de Paris n’était pas en mesure de répondre aux demandes de mise à jour de l’AFP, après avoir pris en charge jeudi soir l’enquête sur le drame.

Rendre leur identité aux migrants

Les demandeurs d’asile le long de la côte qui ont déclaré à l’AFP avoir passé du temps récemment avec les morts ont dit qu’ils étaient des Kurdes irakiens, des Iraniens et des Afghans.

Chaque fois qu’une personne meurt en essayant de rejoindre les côtes anglaises dans l’espoir d’une vie meilleure, des membres d’associations locales, des militants et des bénévoles se rendent dans les camps de migrants pour passer au crible toutes les preuves qu’ils peuvent trouver de ces vies perdues.

Ils se font appeler le “groupe de la mort” depuis 2017, date à laquelle ils se sont formés “pour redonner une identité” aux migrants qui étaient enterrés sous un X pour inconnu.

Le petit groupe a l’habitude de s’occuper d’un ou deux cas à la fois. Mercredi, ils ont enterré un migrant mort en mer le 4 novembre dernier.

Ils ne sont pas équipés pour une tâche aussi importante.

“Vingt-sept ? Comment pouvons-nous gérer cela ? “, demande la bénévole Mariam Guerey, qui a aidé à mettre en place le groupe qui surveille les médias sociaux où les nouvelles des proches sont souvent publiées.

“Nous espérons pour une fois que l’État va agir… c’est une tâche énorme qui nous attend”, a déclaré Juliette Delaplace de l’association caritative française Secours Catholique, qui travaille souvent avec les demandeurs d’asile.

Pendant ce temps, Jan Kakar et Samad Akrach en sont réduits à attendre que les autorités de la ville voisine de Coquelles leur donnent accès aux corps, dans ce qu’ils considèrent comme une “course contre la montre”.