Une querelle sur les visas entre la France et l’Algérie, son ancienne colonie, a rapidement dégénéré. Certains commentaires peu diplomatiques du président Macron n’ont pas aidé.

La discorde diplomatique entre l’Algérie et la France s’est aggravée dimanche après qu’Alger a interdit les avions militaires français de son espace aérien, sa dernière réponse à une dispute sur les visas et à des commentaires critiques du président Emmanuel Macron.

Les jets de la France survolent régulièrement l’ancienne colonie française pour rejoindre la région du Sahel en Afrique de l’Ouest, où ses soldats aident à combattre les insurgés djihadistes dans le cadre de son opération Barkhane.

“Ce matin, lorsque nous avons déposé les plans de vol de deux avions, nous avons appris que les Algériens avaient fait cesser le survol de leur territoire par des avions militaires français”, a déclaré à l’AFP un porte-parole de l’armée, le colonel Pascal Ianni.

Il a précisé que cette décision avait “légèrement impacté” les vols de ravitaillement mais “n’affecte pas nos opérations” au Sahel.

Les opérations françaises de collecte de renseignements au Sahel à l’aide de drones Reaper ont été affectées par les nouvelles restrictions, a ajouté M. Ianni. Ces drones opèrent à partir de Niamey au Niger et ne survolent pas l’Algérie.

L’armée n’a reçu aucune notification officielle de l’interdiction de vol, a-t-il ajouté.

Mais cette décision a aggravé les tensions qui avaient déjà éclaté samedi lorsque le gouvernement algérien a rappelé son ambassadeur en France, invoquant une “ingérence inadmissible” dans ses affaires.

Selon les médias français et algériens, M. Macron a déclaré aux descendants des figures de la guerre d’indépendance de 1954-62 que le pays était dirigé par un “système politico-militaire” qui avait “totalement réécrit” son histoire.

“Vous voyez que le système algérien est fatigué, il a été affaibli par le Hirak”, a-t-il ajouté, en référence au mouvement pro-démocratique qui a chassé Abdelaziz Bouteflika du pouvoir en 2019 après deux décennies à la tête du pays.

Le bureau de Macron n’a pas nié les commentaires rapportés, mais a déclaré que le président discutait de la guerre en Algérie avec de jeunes Français et répondait à des questions, et non pas donnait une interview officielle.

Ianni a déclaré qu’il n’y avait pas eu de notification officielle de l’interdiction de vol, et le ministère français des Affaires étrangères, contacté par l’AFP, a refusé de commenter.

– Protestation contre les visas –

L’année dernière, le gouvernement algérien a criminalisé la diffusion de ce qu’il considère comme des “fausses nouvelles” qui nuisent à l’unité nationale.

Le rappel de l’ambassadeur samedi était la deuxième fois qu’il le faisait, ayant pris une réponse similaire en mai 2020 après que des médias français aient diffusé un documentaire sur le mouvement Hirak.

Les responsables algériens ont réprimé les efforts visant à relancer les manifestations pro-démocratie, et les groupes de défense des droits affirment que des dizaines de personnes liées à ce mouvement ont été emprisonnées au cours des derniers mois.

Alger a également été mise en colère la semaine dernière après que la France a déclaré qu’elle allait réduire fortement le nombre de visas qu’elle accorde aux citoyens d’Algérie, du Maroc et de Tunisie.

Paris a déclaré que cette décision avait été rendue nécessaire par l’incapacité des anciennes colonies à faire suffisamment pour permettre le retour des migrants illégaux en France.

Lorsqu’un tribunal français rejette la demande de visa d’une personne, les autorités doivent encore obtenir un laissez-passer consulaire de son pays d’origine afin de pouvoir l’expulser de force, un document que Paris affirme qu’Alger, Rabat et Tunis refusent largement de fournir.

Macron aurait ordonné que le nombre de délivrances de visas à l’Algérie et au Maroc soit réduit de moitié par rapport aux niveaux de 2020, et d’un tiers pour la Tunisie.

Le ministère algérien des affaires étrangères a convoqué l’ambassadeur de France François Gouyette mercredi pour faire une “protestation formelle” de la décision sur les visas.