Alors que le nombre de cas de Covid en France est en légère mais constante augmentation, John Lichfield se demande si l’on peut s’attendre à une cinquième vague et si elle sera aussi grave que la situation outre-Manche.

La France, comme la Grande-Bretagne, est-elle condamnée à subir un nouveau pic de Covid cet hiver ?

A deux reprises au cours des dix derniers mois, la France a réduit la pandémie de Covid à des niveaux gérables, pour être ensuite submergée par une nouvelle vague d’infections qui, en fait, a traversé la Manche.

L’alpha (variante britannique) est arrivé en France en janvier et le delta (variante indienne) en juillet, un mois environ après le Royaume-Uni. Il ne s’agit pas nécessairement de “blâmer” la Grande-Bretagne, mais simplement d’établir les faits.

Au cours des deux derniers mois, la France a réduit son nombre moyen de cas d’environ 24 000 par jour à la mi-août à environ 4 600 par jour.

Le Royaume-Uni enregistre désormais une moyenne de 46 000 cas par jour, soit dix fois plus que la France, et les chiffres augmentent rapidement. Le ministre britannique de la santé, Sajid Javid, a averti mardi qu’ils pourraient atteindre 100 000 cet hiver.

Est-ce du déjà vu ? Les chiffres britanniques d’octobre sont-ils une prévision des chiffres français de novembre-décembre ?

Peut-être. Peut-être pas.

Les deux fois précédentes, le nouvel essor des cas était dû à une variante plus agressive du Covid-19. Il était inévitable, malgré les restrictions sur les voyages, que cette nouvelle forme se répande dans d’autres pays européens et surtout chez le voisin continental le plus proche de la Grande-Bretagne.

Cette fois, la nouvelle vague en Grande-Bretagne ne peut être imputée à une mutation du virus. Il existe une nouvelle forme de la variante Delta en nombre limité au Royaume-Uni -AY4.2 – qui pourrait être plus contagieuse et causer des problèmes dans les semaines à venir. Elle n’explique pas la recrudescence actuelle des cas au Royaume-Uni, qui se concentre surtout chez les enfants, les adolescents et les jeunes de 20 ans.

C’est peut-être une bonne nouvelle pour la France, mais c’est aussi un avertissement.

La Grande-Bretagne paie le prix d’un mélange de ses succès et de ses échecs. La France a évité certains de ces échecs mais risque de tomber dans certains des mêmes pièges.

Le Royaume-Uni a devancé les pays de l’UE dans son programme de vaccination de janvier à avril. La protection s’estompe maintenant avant celle de ses voisins, mais le gouvernement britannique a tardé à introduire un programme de troisième vaccination ou de vaccination de rappel.

La Grande-Bretagne a également fait preuve de prudence en juillet, en célébrant la “journée de la liberté” et en abandonnant un grand nombre des protections sociales gênantes qui (quoi qu’en disent les critiques) ralentissent la propagation du virus.

J’ai visité Londres au début du mois pour la première fois depuis deux ans. Le contraste avec la France était frappant – très peu de port de masque, même dans les transports publics.

La Grande-Bretagne a également refusé d’étendre le programme de vaccination aux adolescents jusqu’à il y a quelques semaines. Certains Britanniques ont même accusé la France de “vacciner inutilement des enfants” pour augmenter le nombre de primo-vaccinations.

Le succès précoce de la Grande-Bretagne dans le déploiement du programme de vaccination des adultes, et notamment des personnes âgées, a été impressionnant et a probablement sauvé de nombreuses vies. Mais de nombreux pays de l’UE, dont la France, ont désormais dépassé la Grande-Bretagne.

Depuis l’été, le Royaume-Uni s’est reposé sur ses rames – ou, comme le lièvre de la fable d’Esope, a fait une sieste avant de terminer la course (la course visant à protéger la plus grande partie possible de la population).

La Grande-Bretagne, après avoir tergiversé, a refusé d’introduire une forme même limitée de passeport sanitaire ou vaccinal. Le président Emmanuel Macron a annoncé un passeport sanitaire français le 12 juillet (subordonnant l’accès aux loisirs et aux voyages longue distance à une vaccination complète, à la guérison du Covid ou à un test négatif récent).

Depuis cette date, plus de 15 000 000 de Français ont été primo-vaccinés. Au Royaume-Uni, au cours de la même période, le chiffre est d’environ 3.500.000.

La France a maintenant réalisé près de 51 millions de primo-vaccinations (le total a été légèrement revu à la baisse hier). La Grande-Bretagne, dont la population est légèrement supérieure, a administré 49,5 millions de premiers vaccins. Selon les définitions internationales, la France a vacciné 75,3 % de sa population et 67,3 % de ses habitants. Les chiffres pour le Royaume-Uni sont de 72,6 % et 66,6 %.

La couverture des adolescents, des jeunes de 20 ans et de certaines minorités ethniques au Royaume-Uni reste relativement faible. Le point faible de la France est la couverture des personnes très âgées ou de plus de 80 ans – encore 13 % environ non vaccinés.

Depuis la fin du mois d’août, la moyenne quotidienne des cas de Covid en France a rapidement baissé. Depuis une semaine environ, elle a commencé à augmenter mais s’est stabilisée à environ 4 600 cas par jour.

Il pourrait toutefois s’agir d’une fausse lecture. Les tests gratuits pour les ” vax-shy ” (pour leur permettre de conserver leur carte de santé) ont pris fin vendredi dernier. Le nombre de tests a fortement diminué, ce qui pourrait masquer le nombre de nouveaux cas. Nous le saurons dans quelques jours.

Il y a de bonnes raisons d’espérer que la France ne connaîtra pas une recrudescence de cas comme celle observée en Grande-Bretagne. Il y a aussi de bonnes raisons de s’inquiéter.

L’observation des mesures de distanciation sociale reste raisonnablement bonne, mais des preuves anecdotiques suggèrent qu’elle commence à s’affaiblir. La France va commencer à subir dans les mois à venir le type d’érosion de la protection vaccinale déjà observé au Royaume-Uni.

Le gouvernement français a lancé un programme de rappel, ou troisième injection, pour le personnel soignant et de santé, les plus de 65 ans et les personnes fragiles, mais il subit actuellement le même sort que le premier programme de vaccination français. Il se déroule sans aucun sentiment d’urgence. Moins de 2 000 000 de troisièmes vaccins ont été administrés jusqu’à présent. Le gouvernement promet d’accélérer les choses.

Le schéma d’infection de l’année dernière – vu dans le graphique ci-dessous – est le même que celui de l’année dernière. Nicolas Berrod du Parisien – montre que la France suit le Royaume-Uni d’un mois environ, mais à un niveau nettement inférieur. Avec le temps qui se refroidit et l’affaiblissement de la protection vaccinale pour les premiers vaccinés français, il y aura probablement une résurgence des cas dans le mois à venir.

Avec de la chance et un regain de prudence de la part du gouvernement et du public, les chiffres seront loin d’atteindre les 100 000 cas par jour prévus pour le Royaume-Uni.