Les législateurs français se prononcent sur l'interdiction de la tauromachie.

Une femme tient un panneau sur lequel on peut lire “La corrida est un crime” lors d’une manifestation de l’association de défense des animaux People for the Ethical Treatment of Animals (PETA) contre la corrida à Paris (Photo : JULIEN DE ROSA / AFP).

Bien que l’opinion publique soit favorable à l’interdiction de cette pratique, le projet de loi devrait être rejeté par une majorité de législateurs qui craignent de remuer les foyers de tauromachie dans le sud du pays.

Il est également possible que la législation, proposée par un législateur de gauche végétarien, ne soit pas présentée au vote de l’Assemblée nationale à la dernière minute.

“Il n’y aura pas d’interdiction demain”, a déclaré mercredi le président Emmanuel Macron. “Nous devons aller vers une conciliation, un échange. De là où je suis, ce n’est pas une priorité actuelle.”

Son gouvernement a exhorté les députés à ne pas soutenir le texte du parti d’opposition La France insoumise, même si de nombreux membres de la coalition centriste et de centre-droit au pouvoir sont connus pour y être personnellement favorables.

Lors d’un premier débat des législateurs de la commission des lois du Parlement la semaine dernière, une majorité a voté contre la proposition du législateur Aymeric Caron, qui a dénoncé la “barbarie” d’une tradition importée d’Espagne dans les années 1850.

Il a qualifié la corrida de “cérémonie hypocrite au cours de laquelle un animal prétendument honoré est massacré avec une précision et un raffinement qui relèvent du sadisme”.

“Caron s’est mis les gens à dos au lieu d’essayer d’arrondir les angles”, a déclaré à l’AFP un législateur du parti de Macron sous couvert d’anonymat, affirmant que son approche avait aliéné de nombreux législateurs sympathisants.

Le projet de loi propose de modifier une loi existante qui pénalise la cruauté envers les animaux afin de supprimer les exemptions pour les corridas qui peuvent être démontrées comme étant des “traditions locales ininterrompues”.

Celles-ci sont accordées dans des villes telles que Bayonne et Mont-de-Marsan dans le sud-ouest de la France et le long de la côte méditerranéenne, notamment à Arles, Béziers et Nîmes.

Le projet de loi interdit également les combats de coqs, qui sont autorisés dans certaines régions du nord de la France.

Une importation espagnole ?

De nombreuses villes taurines dépendent des spectacles pour le tourisme et considèrent la culture de l’élevage de taureaux et le spectacle du combat comme faisant partie de leur mode de vie – idolâtré par des artistes comme Ernest Hemingway et Pablo Picasso.

Ils ont organisé des manifestations samedi dernier dans les villes du sud, tandis que les défenseurs des animaux se sont rassemblés à Paris – mettant en évidence le clivage nord-sud et rural versus parisien au cœur du débat.

“Caron, sur un ton très moralisateur, veut nous expliquer, depuis Paris, ce qui est bon ou mauvais dans le sud”, a récemment déclaré à l’AFP le maire de Mont-de Marsan, Charles Dayot.

Les précédentes tentatives d’interdire la corrida ont échoué à plusieurs reprises, les tribunaux rejetant régulièrement les procès intentés par les défenseurs des animaux, la dernière fois en juillet 2021 à Nîmes.

Même si le projet de loi était approuvé par la chambre basse jeudi, il aurait du mal à passer au Sénat, dominé par les conservateurs.

Le débat en France sur l’éthique de la mise à mort d’animaux pour le divertissement trouve un écho dans d’autres pays ayant une histoire de tauromachie, notamment l’Espagne et le Portugal, ainsi que le Mexique, la Colombie et le Venezuela.

En juin, un juge de Mexico a ordonné la suspension indéfinie de la corrida dans les arènes historiques de la capitale, les plus grandes du monde.