Symboles du luxe français, les grands vins de Bordeaux sont devenus la ” cible privilégiée ” des voleurs et des trafiquants, obligeant les autorités et vignerons de la région à revoir leurs mesures de sécurité.

Depuis 2018, le phénomène des vols de vins fins est devenu important dans la région, avec au moins 20 effractions contre des entrepôts, des caves privées ou de petites caves spécialisées, ainsi que des supermarchés, selon le procureur de la République de Bordeaux.

Le butin total s’élève à environ 5 millions d’euros.

En septembre dernier, huit voleurs se sont introduits dans l’entrepôt d’un grand négociant en vins de Bordeaux, rampant sur le sol avant de faire glisser les vins sur un skateboard pour éviter les “détecteurs de présence”.

En un week-end, 278 caisses de “Grand Crus” ont été dérobées : Château Latour, Haut-Brion, Ausone, soit un butin de 1 million d’euros.

Les voleurs passent des bijoux précieux à l’alcool.

“On s’est rendu compte depuis une dizaine d’années que les réseaux criminels internationaux diversifient leurs activités”, révèle le colonel Olivia Poupot, commandant du groupement de gendarmerie de la Gironde.

“Le vin étant un produit de luxe, qui a une valeur marchande et une capacité de revente importante sur le marché noir, ils se sont également lancés dans ce domaine.”

Le groupe de huit voleurs vient de recevoir des peines allant de un à trois ans de prison.

“Avec la flambée des prix de ces dernières années, certains vins sont devenus une cible privilégiée pour les voleurs, d’autant plus qu’ils peuvent être revendus très facilement”, pas comme un tableauexplique un porte-parole du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB).

Au tribunal de Bordeaux, la substitut du procureur au pôle économique et financier, Céline Pagès, décrit un “phénomène criminel” avec des équipes de voleurs “aguerris” qui proviennent de “cambriolages classiques – or, argent, bijoux”.

Familiers des méthodes du “grand banditisme”, elle précise que les voleurs “sont capables, en un temps record, de s’organiser pour cibler les victimes, choisir les vins et s’appuyer sur un réseau efficace de recel pour que le vin quitte très rapidement la Gironde”, vers des négociants, des restaurants ou à l’étranger, notamment en Chine, premier marché des vins prisés en valeur et en volume.

Tout comme pour la lutte contre la drogue, les enquêteurs doivent déployer des techniques d’investigation particulières : recherche d’ADN, écoutes téléphoniques, géolocalisation”, note M. Pagès.

Il y a dix ans, nous n’avions pas de problèmes”.

En décembre 2020 et mars 2021, les policiers ont pu démanteler un réseau de vol et de recel, avec une vingtaine de suspects arrêtés et mis en examen. Le maillon crucial : un receleur chinois basé en Gironde.

“Les vins étaient exportés vers la Chine, vendus à des restaurants et commerçants de la communauté asiatique de la région parisienne, ou revendus à des particuliers via des réseaux informels en Gironde”, explique le colonel de gendarmerie Jean-Baptiste Félicité.

Les négociants en vins collaborent désormais plus étroitement avec la police, en installant des caméras autour de leurs caves.

“Nous avons installé des caméras autour des caves, et autour des bâtiments. Nous avons aussi mis des cadenas sur les portails, et nous gardons les portails fermés”, explique Frédéric Mehaye, le gérant du Château Sipian dans le Médoc.

Mehaye a révélé qu’il y a dix ans, il n’y aurait jamais pensé.

” À l’époque, on ne faisait pas ça. Il y a dix ans, nous n’avions pas de problèmes.”

Il semble maintenant que les réseaux criminels commencent vraiment à comprendre la valeur du bon vin.