L'usine française de yaourts risque d'être confrontée à un avenir difficile en raison du risque de rationnement du gaz.

Photo : THOMAS COEX/AFP

Comme de nombreux pays, la France prévoit de fermer les entreprises en premier lieu s’il n’y a pas assez de gaz ou d’électricité, les nations européennes étant confrontées à la perspective de pénuries d’énergie cet hiver suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Mais les coupures d’énergie, ou même les réductions imposées aux entreprises, risquent d’entraîner des conséquences économiques inattendues et surprenantes, comme l’arrêt de la production des yaourts préférés des consommateurs français.

Les Français sont de grands amateurs de yaourts, derrière les Néerlandais pour la consommation par habitant. Il ne s’agit pas seulement d’un aliment de base du petit-déjeuner, mais il est souvent consommé au déjeuner ou au goûter.

Mais la fabrication du yaourt est un processus à forte intensité énergétique.

Pour Patrick Falconnier, directeur de l’usine Eurial Ultra Fresh au sud-est de Paris, c’est très simple : “Pas de gaz” signifie “plus de yaourts”.

Le lait des camions-citernes, après avoir subi des contrôles de qualité rigoureux, est transféré dans des cuves où il est brièvement chauffé à haute température pour tuer les bactéries naturellement présentes.

Le lait pasteurisé est alors prêt à être transformé en yaourt ou autres produits laitiers, puis conservé au frais avant d’être rapidement expédié vers les supermarchés.

“On nous a dit que nous pourrions avoir des coupures de gaz à certaines périodes cet hiver, et pour nous c’est vraiment grave”, a déclaré Falconnier à l’AFP.

Si le manque de gaz empêche la pasteurisation, “on ne pourrait pas prendre les livraisons de lait, ce qui veut dire qu’il ne sera pas collecté et ce sera dramatique pour nos agriculteurs qui seront obligés de jeter leur lait”, a déclaré M. Falconnier, qui est également à la tête de l’association Syndifrais, qui regroupe 22 fabricants de yaourts représentant 70 % de la production française.

L’impact serait rapidement ressenti en quelques jours par les consommateurs car les supermarchés reçoivent quotidiennement des cargaisons de produits laitiers.

“Nous fabriquons des produits dont la durée de vie moyenne est de 30 jours. Nous les fabriquons pour être vendus le lendemain”, a déclaré M. Falconnier.

“Quand je ferme une usine, j’arrête la production et j’arrête les ventes et je ne peux pas fournir mes clients”, a-t-il ajouté.

L’usine Eurial Ultra Fresh, qui emploie 461 personnes, fait partie de la coopérative agricole Agrial qui compte quatre établissements de ce type.

Environ 90 % de leur production est vendue sous les marques de la grande distribution, en France et dans plusieurs autres pays européens voisins.

Une nouvelle crise n’est pas envisageable

Falconnier craint que l’industrie ne soit pas en mesure de survivre à de telles perturbations. La pandémie a vu le personnel s’épuiser en raison du nombre élevé de personnes en arrêt maladie.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, la flambée des prix de l’énergie, des emballages et des fruits a ajouté 20 % aux coûts.

“Nous avons été affaiblis. Nous ne pouvons pas gérer une autre crise en fermant des usines. Ce n’est tout simplement pas possible”, a déclaré M. Falconnier.

Le Premier ministre français, Elisabeth Borne, a averti les chefs d’entreprise fin août que le rationnement de l’énergie était un risque cet hiver et les a exhortés à réduire rapidement leur consommation.

Les ministres du gouvernement ont commencé à rencontrer les fédérations industrielles sur les moyens de réduire la consommation, avec pour objectif une baisse de 10 % d’ici deux ans.

Falconnier dit avoir envisagé de passer au méthane, un gaz qui peut être produit à partir de la décomposition de la matière organique provenant des fermes, des décharges et des usines de traitement des eaux usées.

Mais il estime que cela prendrait de cinq à dix ans et ne voit pas de possibilité de réduire rapidement la consommation d’énergie.

“Nous ne pouvons pas faire des investissements pour une durée de six mois”, a déclaré M. Falconnier. “Arrêter l’approvisionnement d’une usine du jour au lendemain, c’est la fermer. On ne sait pas gérer les choses autrement.”