Avec des tambours, des danses et des larmes, le Bénin a accueilli mercredi près de 30 trésors royaux pillés à l’État d’Afrique de l’Ouest pendant la domination coloniale de la France il y a plus de 130 ans.

Les objets, certains considérés comme sacrés au Bénin, sont arrivés dans la capitale économique Cotonou par avion avant d’être transportés dans trois camions, escortés de chevaux, jusqu’au palais présidentiel.

Le retour des artefacts intervient alors que les appels se multiplient en Afrique pour que les pays occidentaux restituent le butin colonial de leurs musées.

La Grande-Bretagne, la Belgique, les Pays-Bas et l’Allemagne ont également reçu des demandes de pays africains pour restituer des trésors perdus.

Au Bénin mercredi, des centaines de personnes de tout le pays ont envahi les rues pour voir arriver les trésors.

Adultes et enfants, pour la plupart vêtus de pagnes colorés, ont applaudi au passage des camions, certains se sont inclinés à terre, d’autres pleurant et croisant les mains en signe de respect.

“Je suis dévasté par l’émotion”, a déclaré le président béninois Patrice Talon, visiblement touché, avant de prononcer un discours de 30 minutes axé sur l’unité nationale.

« C’est le symbole du retour au Bénin de notre âme, de notre identité », a déclaré le président.

Le président Talon et le ministre de la Culture du pays avaient voyagé mardi à Paris pour ramener à la maison les 26 artefacts, dans le cadre de la tentative du président français Emmanuel Macron de restaurer le patrimoine africain.

‘Tellement émouvant’

Martine Vignon Agoli-Agbo, une habitante du nord du Bénin, a parcouru avec ses deux filles plus de 500 kilomètres (310 miles) pour assister au retour des artefacts.

“C’est tellement émouvant”, a-t-elle déclaré à l’AFP.

«Je ne voulais pas qu’on me parle de ce moment. Et si mes enfants sont avec moi, c’est pour qu’un jour ils puissent le dire à leurs propres enfants.

« Quand le camion m’a dépassé, j’ai eu des frissons. Je me suis agenouillé, le front contre le sol, en signe de fidélité”, a déclaré à l’AFP Marcel Hounkonnou, un artisan.

“Tous ces objets que ces rois, nos ancêtres, ont touchés, ils les représentent en quelque sorte aujourd’hui”, a-t-il déclaré.

Parmi les œuvres figurent des statues totémiques de l’ancien royaume d’Abomey dans le sud du Bénin actuel ainsi que le trône du roi Behanzin, pillé lors du sac du palais d’Abomey par les troupes coloniales françaises en 1892.

Lorsque les camions sont arrivés à la présidence, deux petites filles, vêtues de blanc et portant des colliers, ont renversé de l’eau en offrande sur le sol.

La caisse contenant le trône appartenant au roi Ghezo, qui régna sur le royaume d’Abomey entre 1818 et 1858, a été déchargée sur un tapis rouge.

Les danseurs exécutaient des rituels de l’ancien royaume, ainsi que ceux des autres royaumes qui composaient le Bénin, avant qu’il ne devienne une nation.

Après la cérémonie, l’actuel roi d’Abomey Sagbadjou Glélé, présent lors de la cérémonie aux côtés d’autres chefs traditionnels, a fait part à l’AFP de son immense émotion.

«Je ne peux pas expliquer la joie qui m’embrasse. Ces objets étaient destinés dès leur départ à revenir. Tôt ou tard, ils reviendraient pour que les paroles prononcées par nos ancêtres s’accomplissent.

Restitution à grande échelle

En France, la plupart des objets africains sont conservés par le musée du quai Branly, qui a commencé un examen de sa collection pour identifier les œuvres que certains disent avoir été acquises par la violence ou la coercition.

Les législateurs français ont adopté l’année dernière un projet de loi autorisant Paris à restituer des objets au Bénin et au Sénégal, une autre ancienne colonie française.

Au Bénin, ils seront exposés sur plusieurs sites, dont un ancien fort portugais à Ouidah, en attendant la réalisation d’un musée à Abomey.

Pour Didier Marcel Houenoude, professeur béninois d’histoire de l’art, la restitution des œuvres « représente avant tout la restauration de la dignité ».

Il est aussi « utilisé pour la reconstruction de la mémoire. Ce ne sont pas seulement les personnes et les objets qui ont été pillés, mais aussi la mémoire. »

Certains ont été saisis par des administrateurs coloniaux, des troupes ou des médecins et transmis à des descendants qui à leur tour en ont fait don à des musées en Europe et aux États-Unis.

Mais d’autres étaient des cadeaux aux missionnaires ou acquis par des collectionneurs d’art africains au début du XXe siècle ou découverts par des expéditions scientifiques.

Une expertise commandée par Macron dénombre quelque 90 000 œuvres africaines dans les musées français, dont 70 000 rien qu’au quai Branly.

Le Nigeria a déclaré le mois dernier qu’il s’était mis d’accord avec l’Allemagne sur la restitution de centaines de soi-disant bronzes du Bénin – des plaques et des sculptures métalliques du XVIe au XVIIIe siècle qui ont été volées dans le palais de l’ancien royaume du Bénin dans l’actuel Nigeria.