Le gouvernement français travaille sur des “plans de délestage” qui pourraient entraîner une réduction de l’approvisionnement en électricité et en gaz de certaines entreprises au cours de l’hiver, a confirmé dimanche le ministre de l’Economie Bruno le Maire, avertissant que la Russie est très susceptible de fermer le robinet.

“Préparons-nous à une coupure totale du gaz russe. C’est maintenant l’option la plus probable”, a déclaré Le Maire aux participants aux Rencontres économiques d’Aix-en-Provence.

Cela signifie que “vous devez également préparer des plans de délestage, nous le faisons”.

“Cela signifie regarder de manière très précise chaque entreprise, chaque bassin d’emploi ; quelles sont les entreprises qui doivent réduire leur consommation d’énergie et celles qui ne le peuvent pas”, a-t-il déclaré aux journalistes.

Il pourrait ainsi être demandé à certaines entreprises de “ralentir leur consommation d’énergie, voire d’arrêter leur consommation d’énergie pendant un certain temps” alors qu’il serait “totalement impossible” pour d’autres de le faire sans déclencher des répercussions industrielles plus larges”, a-t-il expliqué.

La préparation de ces plans, a-t-il alors déclaré à LCI, est “d’autant plus” nécessaire que la France a “une production d’électricité cette année particulièrement faible – huit réacteurs (nucléaires) sont arrêtés aujourd’hui – il est donc impératif que nous nous mettions maintenant, et je veux dire maintenant, en ordre de bataille.”

“Sobriété” et imagination

Les plans d’urgence sont élaborés par la ministre de l’Énergie Agnès Pannier-Runacher, le président Emmanuel Macron et la première ministre Elisabeth Borne devant “décider dans les semaines à venir”, a déclaré Le Maire.

Mais, a-t-il souligné, “l’effort doit être partagé entre l’administration, les particuliers et les entreprises” et “la sobriété dans nos comportements, la sobriété dans nos dépenses énergétiques” seront essentielles.

Pour le ministre, le scénario “crédible” d’une Russie coupant complètement l’approvisionnement énergétique de l’Union européenne est l’impulsion dont le bloc a besoin pour accélérer les travaux vers “l’indépendance énergétique”.

La France, a-t-il dit, devrait se concentrer sur la reconstitution de ses stocks et “construire une barge GNL flottante au large du Havre dans un court délai”, accélérer le développement des énergies renouvelables et construire de nouveaux réacteurs nucléaires.

« Soyons imaginatifs. Regardons ce que nous pouvons faire pour le développement du biogaz et des énergies alternatives. Levons les freins réglementaires à toutes ces énergies dont nous avons besoin. Et là encore, ne nous laissons pas impressionner par les bêtises de tous ceux qui veulent empêcher systématiquement le développement de ces énergies. Parce que ce n’est pas eux qui auront expliqué aux Français qu’ils ne pourront plus se chauffer ni s’éclairer correctement l’hiver prochain, c’est nous », a-t-il déclaré.

Pression russe

Ses commentaires sont intervenus un jour avant Nord Stream 1, le gazoduc qui achemine plus d’un tiers des importations européennes de gaz russe, arrêté pendant 10 jours pour travaux de maintenance.

Beaucoup craignent que Moscou ne dise qu’il lui faut plus de temps pour mener à bien les travaux afin d’exercer une pression supplémentaire sur les 27 pays aux prises avec une crise du coût de la vie alimentée par une forte hausse des prix de l’énergie au cours des derniers mois.

La semaine dernière, un tribunal russe a ordonné au Caspian Pipeline Consortium, qui transporte du pétrole du Kazakhstan à la mer Noire via le territoire russe, suspendre les opérations pendant 30 jours citant des violations des exigences environnementales. Cela s’est produit peu de temps après Kassym-Jomart Tokayev, président du Kazakhstan, a assuré le président du Conseil de l’UE, Charles Michelque son pays était prêt à envoyer plus de pétrole à l’UE.

Le bloc a imposé six séries de sanctions contre Moscou depuis qu’il a lancé son invasion le 24 février dans le but de paralyser la capacité du Kremlin à faire la guerre en Ukraine. Il s’agit notamment des embargos sur le charbon et le pétrole, ce dernier devant entraîner une réduction d’environ 90 % des importations en provenance de Russie d’ici la fin de l’année.

Plan d’urgence de l’UE à venir

Le gaz russe, cependant, s’en est largement tiré, même si Bruxelles s’est engagé à réduire les importations de deux tiers d’ici la fin de l’année.

Le principal problème pour l’UE est que, contrairement au pétrole russe, qui entre principalement dans l’UE à bord de navires, le gaz russe est principalement livré par pipeline et l’infrastructure permettant de garantir des approvisionnements alternatifs – tels que les terminaux GNL – fait défaut.

Moscou le sait et exerce déjà des pressions sur 12 États membres auxquels il a partiellement ou complètement coupé l’approvisionnement alors que l’UE tente frénétiquement de remplir le stockage de gaz à au moins 80% de sa capacité avant le retour des températures froides dans le but d’assurer un approvisionnement décent sur l’hiver et de maintenir les prix bas.

La France n’est pas le seul pays à travailler sur de tels plans de partage de charge. L’Allemagne a également admis l’avoir fait.

Bruxelles, quant à elle, travaille sur un plan d’urgence de réduction d’énergie qui devrait être dévoilé le 20 juillet pour faire face à d’éventuelles ruptures d’approvisionnement au cours des prochains mois. Parmi les mesures qu’il a été chargé d’examiner par les dirigeants figure la faisabilité de plafonnement des prix du pétrole et du gaz.

La Commission a déjà déclaré qu’elle était prête à opérer des achats conjoints de gaz en utilisant le même modèle qu’elle a proposé pour sécuriser les vaccins COVID-19 pour le bloc.

On pense également qu’il travaille à la coordination des différents plans de partage de charge des États membres.