Le gouvernement français s’apprête à ouvrir les archives officielles de la police datant de la guerre d’indépendance algérienne. Ces dossiers feront probablement la lumière sur l’utilisation généralisée de la torture et des exécutions extrajudiciaires par les forces françaises pendant le conflit.

La France va ouvrir avec 15 ans d’avance les dossiers classés de la police datant de la guerre d’Algérie afin de “regarder la vérité dans les yeux”, a annoncé vendredi le gouvernement.

Les dossiers couvrent les procédures judiciaires de la police et des forces militaires françaises pendant la guerre d’indépendance de 1954-1962.

Ils sont susceptibles de confirmer l’usage généralisé de la torture et des exécutions extrajudiciaires par les forces françaises.

“Nous avons des choses à reconstruire avec l’Algérie. On ne peut les reconstruire que sur la vérité”, a déclaré la ministre de la Culture Roselyne Bachelot sur BFMTV.

“Je veux que cette question – qui est troublante, aggravante, et où les falsificateurs d’histoire sont à l’œuvre – je veux qu’on puisse la regarder dans les yeux. On ne peut pas construire une histoire nationale sur un mensonge”, a ajouté Bachelot.

Cette annonce intervient alors que la France cherche à désamorcer une crise diplomatique majeure entre les deux pays.

Elle a été déclenchée en octobre lorsque le président Emmanuel Macron a accusé le “système politico-militaire” algérien de réécrire l’histoire et de fomenter la “haine envers la France”.

” Ne craignez jamais la vérité “

Le traumatisme de la guerre d’Algérie empoisonne la politique française depuis plus d’un demi-siècle.

Un élément clé du nationalisme d’extrême-droite actuel trouve ses racines dans la guerre et dans la décision abrupte de l’ancien président Charles de Gaulle d’accorder l’indépendance à l’Algérie en 1962 – ce qui lui valut des tentatives d’assassinat et de coups d’État militaires.

Interrogé sur la probabilité que des incidents de torture soient découverts dans les archives, M. Bachelot a répondu : “Il est dans l’intérêt du pays qu’ils soient reconnus”.

“Nous ne devons jamais avoir peur de la vérité. Il faut la replacer dans son contexte”.

Macron, le premier dirigeant français né après l’ère coloniale, s’est fixé comme priorité de faire face à son passé et de forger une nouvelle relation avec les anciennes colonies.

Il a reconnu le meurtre de militants anticolonialistes par les forces françaises pendant la guerre, notamment l’avocat algérien Ali Boumendjel et le militant communiste Maurice Audin.

Macron a également condamné en octobre les “crimes inexcusables” lors de la répression de 1961 contre les manifestants indépendantistes algériens à Paris, au cours de laquelle la police dirigée par un ancien collaborateur nazi a tué des dizaines de manifestants et jeté leurs corps dans la Seine.

Pas d’excuses

Un rapport commandé par le président au début de l’année préconise la création d’une commission de vérité sur la guerre d’Algérie.

Cependant, Macron a exclu de présenter des excuses officielles – un tel geste pourrait donner des munitions à ses adversaires d’extrême droite lors des élections présidentielles de l’année prochaine.

Et malgré ses efforts de réconciliation, Macron a déclenché l’une des pires crises diplomatiques avec l’Algérie depuis des années avec ses remarques sur le gouvernement actuel, rapportées par Le Monde en octobre.

S’adressant aux descendants des combattants de l’indépendance, Macron a également remis en question l’existence de l’Algérie en tant que nation avant l’invasion française dans les années 1800.

Cette déclaration est intervenue un mois après que Paris a également fortement réduit les quotas de visas pour les citoyens nord-africains.

L’Algérie a répondu en retirant son ambassadeur et en interdisant les avions militaires français de son espace aérien, qu’ils utilisent régulièrement pour des opérations anti-jihadistes dans la région.