Famille par famille, maison par maison, la police française a raflé 13 000 personnes dans le centre de Paris pendant deux jours terrifiants en juillet 1942. Puis elle les a envoyées dans les camps de la mort nazis simplement parce qu’elles étaient juives.

Huit décennies plus tard, la France rend hommage aux victimes et tente de maintenir leur mémoire vivante.

Une semaine de cérémonies marquant les 80 ans de la rafle du Vel d’Hiv, les 16 et 17 juillet 1942, s’est terminée dimanche par un discours du Président Emmanuel Macron à la gare où les Juifs ont été envoyés à la mort dans l’Allemagne nazie.

Les rafles comptent parmi les actes les plus honteux entrepris par la France pendant la Seconde Guerre mondiale et l’un des moments les plus sombres de son histoire.

Au cours de ces deux jours, la police a rassemblé 13 152 personnes — dont 4 115 enfants — dans le Vélodrome d’hiver de Paris, connu sous le nom de Vel d’Hiv, avant de les envoyer dans les camps nazis.

Il s’agit de la plus grande rafle de membres de la communauté juive en Europe occidentale. Les enfants ont été séparés de leurs familles, et seuls quelques-uns ont survécu.

Les survivants demandent, “Pouvez-vous imaginer ?

Dans les témoignages publics de la semaine dernière, la survivante Rachel Jedinak a décrit les coups frappés à la porte au milieu de la nuit, la marche dans les rues de Paris et le rassemblement dans le vélodrome à l’ombre de la Tour Eiffel.

Elle se souvient de sa mère désespérée criant à la police. Certains voisins ont informé les Juifs, tandis que d’autres ont pleuré en les regardant les encercler comme du bétail, dit-elle.

L’oncle et la tante de Chantal Blaszka faisaient partie des enfants raflés : Simon, 6 ans, Berthe, 9 ans, et Suzanne, 15 ans. Leurs noms sont désormais gravés sur un monument dans un jardin où se trouvait le vélodrome, avec quelque 4 000 autres enfants visés par les rafles.

Des photos des enfants sont accrochées à des troncs d’arbre, résultat d’années de recherches minutieuses pour identifier et honorer ces victimes longtemps anonymes.

Parmi les enfants déportés du vélodrome d’hiver de Paris où ils étaient rassemblés, seuls six ont survécu.

“Vous imaginez ?” a demandé Blaszka en désignant les noms et en secouant la tête. “Pouvez-vous imaginer ?”

Serge Klarsfeld, un célèbre chasseur de nazis dont le père a été déporté à Auschwitz, a pris la parole samedi dans le jardin, le qualifiant de “témoignage bouleversant des horreurs vécues par les familles juives”.

Il a souligné l’urgence de transmettre la mémoire vivante. “Les plus jeunes d’entre nous ont 80 ans”, a-t-il dit à propos des enfants de déportés.

L’anxiété s’est aggravée pour certains depuis que le parti d’extrême droite Rassemblement national a fait une percée électorale surprenante le mois dernier, remportant un nombre record de 89 sièges à l’Assemblée nationale française.

Le cofondateur du parti, Jean-Marie Le Pen, a été condamné pour racisme et minimisation de l’Holocauste. Sa fille Marine, qui dirige aujourd’hui le parti, a pris ses distances avec les positions de son père, mais le passé du parti suscite toujours des inquiétudes chez de nombreux Juifs.

“La politique, à partir de 1942, a été d’organiser le meurtre des Juifs d’Europe et donc d’organiser la déportation des Juifs de France”, a déclaré Jacques Fredj, directeur du Mémorial de la Shoah de Paris.

“La plupart du temps, les décisions étaient prises par les nazis et mises en œuvre par l’administration française”, a-t-il ajouté. “Mais la gestion était française, des gendarmes ou des policiers géraient et supervisaient”.