des techniciens se tiennent à l'extérieur du bâtiment abritant le réacteur éteint de l'unité 1 de la centrale nucléaire de Civaux, dans le centre de la France.

Sur cette photo d’archive de 2016, des techniciens se tiennent devant le bâtiment abritant le réacteur éteint de l’unité 1 de la centrale nucléaire de Civaux, dans le centre de la France. La France fait partie des pays qui envisagent de relancer la construction nucléaire en pleine crise énergétique. Photo de GUILLAUME SOUVANT / AFP

Les investissements dans l’énergie nucléaire ont diminué après la catastrophe de Fukushima au Japon en 2011, le pire accident nucléaire au monde depuis Tchernobyl en 1986, alors que les craintes concernant sa sécurité augmentaient et que les gouvernements prenaient peur.

Mais suite à l’invasion de l’Ukraine par Moscou en février, à la compression subséquente des approvisionnements énergétiques et à la pression de l’Europe pour se sevrer du pétrole et du gaz russes, le vent tourne maintenant en faveur du nucléaire.

Les gouvernements sont confrontés à des décisions difficiles avec des factures de gaz et d’électricité en hausse et des ressources rares qui menacent de causer des souffrances généralisées cet hiver.

Certains experts affirment que l’énergie nucléaire ne devrait pas être considérée comme une option, mais d’autres soutiennent que, face à tant de crises, elle doit continuer à faire partie du bouquet énergétique mondial.

Cela a conduit certains pays qui cherchaient à s’éloigner du nucléaire à abandonner ces projets, du moins à court terme.

Moins d’un mois après l’attaque russe contre l’Ukraine, la Belgique a retardé d’une dizaine d’années son projet d’abandon de l’énergie nucléaire en 2025.

Et même en Allemagne, la plus grande économie d’Europe, s’en tenir au nucléaire n’est plus un sujet tabou alors que la crise de l’énergie ravive le débat sur la fermeture des trois dernières centrales nucléaires du pays d’ici la fin de 2022.

Berlin a déclaré le mois dernier qu’il attendrait le résultat d’un “test de résistance” du réseau électrique national avant de décider de s’en tenir à la suppression progressive.

Un autre pays qui reconsidère l’énergie nucléaire est le Japon, où l’accident de 2011 a entraîné la suspension de nombreux réacteurs nucléaires par crainte de sécurité.

Et au Japon, le Premier ministre Fumio Kishida a appelé cette semaine à relancer l’industrie nucléaire du pays et à construire de nouvelles centrales atomiques.

Alors que l’énergie nucléaire, actuellement utilisée dans 32 pays, fournit 10% de la production mondiale d’électricité, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a relevé ses projections en septembre pour la première fois depuis la catastrophe de 2011.

L’AIEA s’attend maintenant à ce que la capacité installée double d’ici 2050 dans le scénario le plus favorable.

Raisonnement climatique

Mais l’expert en climat et énergie de Greenpeace Allemagne, Gerald Neubauer, a déclaré que se tourner vers le nucléaire n’était « pas une solution à la crise énergétique ».

Il a déclaré que l’énergie nucléaire aurait une efficacité “limitée” pour remplacer le gaz russe car il est principalement “utilisé pour le chauffage” en Allemagne et non pour la production d’électricité.

“Les réacteurs n’économiseraient que le gaz utilisé pour l’électricité, cela économiserait moins d’un pour cent de la consommation de gaz”, a-t-il ajouté.

Mais selon Nicolas Berghmans, expert en énergie et climat au think tank de l’Iddri, étendre l’usage du nucléaire « peut aider ».

« L’Europe est dans une situation énergétique très différente, avec plusieurs crises qui se superposent : le problème d’approvisionnement en gaz russe, la sécheresse qui a réduit la capacité des barrages, le faible rendement des centrales nucléaires françaises… donc tous les leviers
importe », a-t-il dit.

Le lobby pro-nucléaire affirme que c’est l’une des meilleures options au monde pour éviter le changement climatique car il n’émet pas directement de dioxyde de carbone.

En fait, l’énergie nucléaire représente une part plus importante du mix énergétique mondial dans la plupart des scénarios proposés par le GIEC, les experts du climat de l’ONU, pour atténuer la crise climatique mondiale.

Avis partagés

Alors que les besoins en électricité explosent, plusieurs pays ont exprimé le souhait de développer des infrastructures nucléaires dont la Chine — qui possède déjà le plus grand nombre de réacteurs — ainsi que la République tchèque, l’Inde et
La Pologne depuis que le nucléaire offre une alternative au charbon.

De même, la Grande-Bretagne, ou encore les Etats-Unis où le plan d’investissement du président Joe Biden encourage le développement du secteur.

Les experts du GIEC reconnaissent que le déploiement de l’énergie nucléaire “peut être contraint par des préférences sociétales” car le sujet divise encore l’opinion en raison du risque d’accidents catastrophiques et de la question encore non résolue
comment éliminer les déchets radioactifs en toute sécurité.

Certains pays, comme la Nouvelle-Zélande, s’opposent au nucléaire, et la question a également été vivement débattue au sein de l’Union européenne pour savoir s’il devrait être répertorié comme une énergie «verte».

Le mois dernier, le Parlement européen a approuvé une proposition controversée donnant un label de finance durable aux investissements dans le gaz et l’énergie nucléaire.

D’autres problèmes subsistent concernant l’infrastructure nucléaire, notamment la capacité de construire de nouveaux réacteurs avec des coûts et des délais étroitement contrôlés.

Berghmans a souligné “les longs retards de construction”.

“Nous parlons de solutions à moyen terme, qui ne résoudront pas les tensions sur le marché”, car elles arriveront trop tard pour faire face aux crises climatiques, a-t-il dit, mais a suggéré de se concentrer sur le secteur “dynamique” des énergies renouvelables qui peut être immédiatement utile.