Un an exactement après la tempête dévastatrice qui a tué 10 personnes, la côte méditerranéenne du sud de la France est à nouveau frappée par des pluies torrentielles et des inondations. Mais la situation s’est-elle améliorée pour éviter de nouvelles catastrophes et de nouveaux décès ?

Le 2 octobre 2020, la tempête Alex a déversé plus de 500 mm de pluie sur certaines parties du département des Alpes-Maritimes, dans le sud-est de la France, en l’espace de quelques heures.

C’est l’équivalent d’une demi-tonne de pluie par mètre carré sur le .

Dix personnes sont mortes et des dizaines d’habitations ont été emportées, ainsi que des ponts et des commerces, après que les pluies de près d’un an ont provoqué des crues soudaines et des coulées de boue dans les vallées de la Vésubie, de la Roya et de la Tinée, transformant les rivières habituellement douces en torrents dévastateurs.

Alex et ses conséquences ont été qualifiées d’inondation “unique en son genre”, mais il s’agissait en fait du deuxième événement météorologique “générationnel” en moins d’un mois sur l’arc méditerranéen, après les inondations qui ont frappé le Gard à la mi-septembre.

En novembre puis en décembre 2019, Cannes et ses environs ont été partiellement inondés. Quatre ans plus tôt, dans la nuit du 3 au 4 octobre 2015, un… épisode méditerranéen dans une zone s’étendant de Mandelieu à Antibes avait fait 20 morts.

Les conséquences des violentes tempêtes et inondations à Biot, dans le sud-est de la France, le 4 octobre 2015. Photo : Jean Christophe Magnenet / AFP

Aujourd’hui, en France, trois personnes sur cinq sont exposées à une catastrophe naturelle liée au climat, comme une inondation, un incendie ou un mouvement de terrain – et le risque s’aggrave.

Le réchauffement climatique a fait doubler les catastrophes en 20 ans, selon les chiffres des Nations Unies, tandis que les événements majeurs – catégorisés comme ceux qui entraînent 10 décès ou plus ou 30 millions d’euros de dégâts – ont quadruplé en France sur la même période.

Cette semaine, le sud de la France est à nouveau frappé par un déluge qui a contraint les écoles à fermer et les autorités à recommander aux gens de rester chez eux.

Aujourd’hui, les habitants des zones régulièrement touchées par des inondations dans les Alpes-Maritimes demandent aux pouvoirs publics de les protéger d’une menace qui plane sur leurs têtes chaque automne, lorsque les conditions météorologiques soumettent le pourtour de la Méditerranée à des pressions uniques.

Alors que le réchauffement climatique augmente la température de la mer, les phénomènes dits épisodes méditerranéens deviennent plus intenses et plus fréquentes. La Côte d’Azur n’a d’autre choix que de s’adapter. Alors que se passe-t-il ?

Travaux de reconstruction le long de la Roya, 10 mois après que la tempête Alex a dévasté la région en octobre 2020. Photo : Valery Hache / AFP

Les propriétaires qui décident de rester choisissent de protéger et d’adapter leurs maisons à la menace annuelle des inondations. L’une d’entre eux a récemment déclaré à la radio France Info qu’elle se souvenait qu’on lui avait dit, lorsqu’elle était enfant, que les meubles de la maison d’un ami de la famille étaient emportés par une grande trappe située dans le plafond, dans les combles, lorsque la rivière voisine était en crue.

“Les gens vivaient avec le risque”, dit-elle. “Vous ne pouvez pas arrêter l’eau avec un mur. Elle tombe du ciel.”

C’est un sentiment auquel les responsables adhèrent. Valérie Emphoux, directrice du service de prévention des inondations de l’agglomération de Sophia-Antipolis a déclaré : “Nous devons adopter l’esprit des inondations”.

Ceux qui vivent près de l’eau doivent accepter les inondations comme faisant partie de la vie, a-t-elle ajouté, “même si cela signifie les voir parfois couler dans le jardin”.

Pendant ce temps, les autorités écrivent régulièrement aux propriétaires dont les propriétés ont des limites avec des cours d’eau, les exhortant à démolir les murs ou autres obstacles à l’écoulement naturel de l’eau, tout en exhortant ceux dont les propriétés sont traversées par des cours d’eau à les entretenir correctement.

Les urbanistes doivent également porter une part de responsabilité dans l’aggravation des effets des crues soudaines dans une région qui y est habituée. La demande de biens immobiliers dans le sud-est du pays a entraîné une vague de travaux de construction.

Tony Damiano, d’Avenir 06, qui travaille à la promotion du patrimoine naturel dans le département, a déclaré. “Rien qu’au cours des dix dernières années, la situation s’est aggravée en termes d’urbanisation. L’attrait de la Côte d’Azur, la mer, l’aura de la région… Les prix ont considérablement augmenté et tout cela fait venir des gens pour qui la protection de la nature n’est pas une priorité. Elle a été vendue au plus offrant.”

En fait, les développements humains le long de la côte PACA depuis les années 1960 n’ont rien fait pour aider l’écoulement naturel des rivières vers la mer. Les routes, les voies ferrées et les bâtiments – dont beaucoup ont des parkings souterrains – bloquent l’eau de façon anormale, donnant aux eaux montantes nulle part ailleurs que dans les rues en cas de fortes pluies.

Mais il n’y a pas que des mauvaises nouvelles. Les inondations de 2015 ont incité à agir. À l’endroit où se trouvaient autrefois 26 maisons dans le hameau de La Brague, près de Biot, un projet de 10 millions d’euros permettra d’élargir le lit de la rivière dans le cadre d’un “ré-ensauvagement” du site pour permettre à la rivière de s’écouler naturellement et en toute sécurité.

Un précédent projet similaire, datant de 2011, a eu un impact en 2015. Les berges de la rivière La Brague ont été élargies et approfondies. Cela a permis d’abaisser le niveau de la rivière en amont jusqu’à 50 cm.

Pendant ce temps, à Cannes-Lerins, 20 millions d’euros ont été alloués depuis 2016 pour développer des systèmes durables de prévention des inondations. Une quarantaine de maisons ont été démolies pour créer un bassin permettant de ralentir la rivière.

“L’objectif est de ralentir les inondations”, a déclaré le conseiller municipal Michel Tani. “Chaque minute gagnée nous permet de sécuriser les biens et les personnes. Quand le temps est mauvais, gagner 10 minutes est vital.”