Des manifestants à Ajaccio et ailleurs en Corse réclament une plus grande autonomie vis-à-vis de la France.

Des manifestants à Ajaccio et ailleurs en Corse réclament une plus grande autonomie vis-à-vis de la France. (Photo de Pascal POCHARD-CASABIANCA / AFP)

Après une semaine de violentes manifestations en Corse, le ministre français de l’Intérieur Gérald Darmanin a suggéré que le gouvernement de Paris pourrait offrir une plus grande indépendance à l’île méditerranéenne.

« Nous sommes prêts à aller jusqu’à l’autonomie. Et voilà, le mot est dit”, a-t-il déclaré mercredi au journal régional Corse Matin.

La vague de troubles qui frappe actuellement l’île a été déclenchée par une violente agression contre Yvan Colonna, un nationaliste corse qui purgeait une peine d’emprisonnement à perpétuité dans une prison du sud de la France pour avoir assassiné un responsable français en 1998.

Des manifestants tiennent une banderole représentant Yvan Colonna à Bastia le 13 mars 2022. (Photo de Pascal POCHARD-CASABIANCA / AFP)

Colonna, qui est encore considéré comme un héros par certains nationalistes corses, a été laissé dans le coma après avoir été passé à tabac par un autre détenu, un djihadiste condamné, le 2 mars.

Au cours de la semaine écoulée, des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue et des centaines de personnes ont été blessées lors d’affrontements entre manifestants et forces de sécurité.

Dans le but d’apaiser les tensions, la justice française a suspendu jeudi la peine de Colonna, invoquant des raisons médicales.

Mais les tensions sur le statut politique de l’île demeurent.

Quelle est la situation actuelle de la Corse ?

Constitutionnellement, l’île de Corse est une « collectivité à statut particulier » française, anciennement dénommée la collectivité de Corse.

Le pouvoir exécutif sur des questions telles que la politique étrangère et la défense repose à Paris, mais l’Assemblée de Corse peut prendre des décisions politiques sur des questions telles que la fiscalité, l’énergie et l’éducation.

L’Assemblée de Corse est dominée par des partis nationalistes indépendantistes.

Trois députés corses représentent l’île de 339 000 habitants à l’Assemblée nationale à Paris.

Par rapport aux autres régions françaises collectivités comme la Martinique ou la Guyane française, la Corse jouit d’une relative autonomie.

D’où vient la tension actuelle ?

Les troubles qui secouent la Corse remontent bien avant l’assaut d’Yvan Colonna.

“Ça peut être lourd à raconter”, soupire André Fazi, politologue de l’université de Corse.

L’île a été initialement cédée à la France par la République de Gênes au 18ème siècle.

Fazi a déclaré que les Corses sont devenus “plus français que les Français” jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Napoléon Bonaparte, qui est devenu empereur de France, est né sur l’île – “un phare de l’intégration”, selon Fazi.

Tout au long de cette période, les soldats corses étaient représentés de manière disproportionnée dans les forces armées françaises, représentant parfois 20 % de l’armée coloniale.

Depuis lors, l’immigration en provenance de la France métropolitaine et de l’ancienne colonie française d’Algérie a alimenté un nationalisme déjà naissant sur l’île.

“Il y a eu une explosion de colère dans les années 1970 et 1980 à laquelle nous n’étions pas habitués”, a déclaré Fazi.

Un groupe militant appelé le Front de libération nationale de la Corse (FLNC) s’est formé dans les années 1970 et a perpétré de nombreux attentats à la bombe. Yvan Colonna, l’homme agressé dans la prison française, purgeait une peine pour le meurtre du préfet français de l’île en 1998 et appartenait à un groupe proche du FLNC.

Le FLNC a officiellement déclaré la fin de leur lutte armée en 2014.

Aujourd’hui, les appels à une plus grande autonomie passent généralement par des voies plus démocratiques, comme l’Assemblée de Corse. Il y a cependant des clivages entre ceux qui réclament une indépendance totale et ceux qui veulent rester dans la France, mais avec des pouvoirs accrus accordés aux autorités insulaires.

Où les troubles pourraient-ils mener ?

On ne sait pas combien de temps dureront les troubles actuels.

Darmanin a souligné “qu’il ne peut y avoir de dialogue” tant que la violence persiste. “Le retour au calme est une condition indispensable”, a-t-il écrit.

Un changement constitutionnel n’interviendra certainement pas avant l’élection présidentielle française d’avril. Emmanuel Macron hésitera à rendre l’île totalement indépendante – une décision qui serait certainement critiquée comme faible par ses rivaux électoraux – c’est pourquoi Darmanin ne parle que d’autonomie.

La candidate de centre droit Valérie Pécresse a déjà affirmé que le gouvernement “cédait à la violence” mais mettait sur la table la possibilité d’une plus grande autonomie.

“La Corse doit rester française”, a déclaré Marine Le Pen.

Fazi pense que les protestations finiront par s’éteindre.

« Nous ne devons pas exagérer le niveau de violence. C’est moins que ce qu’on a vu en France avec le gilets jaunes,” il a dit.

« Je ne sais pas si cette colère est durable. Ces protestations sont brutales et spontanées. Il n’est pas sûr qu’il y ait une nouvelle dynamique politique qui perdure. Les nationalistes sont loin d’être unis.