La candidate présidentielle française d'extrême droite Marine Le Pen en campagne électorale.

La candidate présidentielle française d’extrême droite Marine Le Pen en campagne électorale. (Photo : Samir Al-Doumy / AFP)

Quelles sont les allégations?

L’Office anti-fraude de l’UE a envoyé un rapport de 116 pages aux tribunaux français mettant en cause la dirigeante du Rassemblement national Marine Le Pen, trois autres députés européens – son père Jean-Marie Le Pen, Louis Aliot et Bruno Gollnisch – ainsi que le parlementaire d’extrême droite groupe Europe des nations et libertés (ENL) d’avoir détourné plus de 615 000 € d’argent public.

Le rapport indique que Le Pen elle-même devrait rembourser près de 137 000 € qu’elle aurait “détournés” pendant son mandat de députée européenne.

L’essentiel des allégations est que Le Pen et son parti ont dépensé de l’argent de l’UE pour faire campagne en France.

S’agit-il de nouvelles revendications ?

Non. C’est juste la première fois qu’on en entend parler. L’enquête a été ouverte en 2016 et Le Pen a répondu à un questionnaire officiel en mars dernier, a déclaré à l’AFP son avocat Rodolphe Bosselut.

Ils se rapportent à son mandat de députée européenne – depuis 2017, elle est députée au parlement français.

N’était-elle pas déjà impliquée dans un scandale des dépenses de l’UE ?

C’était un cas différent.

Le Pen a été impliquée dans une enquête sur des soupçons d’emploi d’assistants de parti fictifs au Parlement européen et a été condamnée à rembourser environ 339 000 € – dont 24 000 € retenus sur son salaire de député européen. Le reste, précise Mediapart, reste impayé.

Cette nouvelle somme – dont elle est accusée d’être personnellement responsable pour près de 137 000 € – s’ajoute à cela.

Le Parlement européen a déjà récupéré près de 800 000 € auprès de Gollnisch et Jean-Marie Le Pen dans le cadre du scandale des assistants fictifs. Le fondateur du FN s’est fait prélever près de 300 000 € sur son salaire puis sur sa retraite.

Alors, que dit l’enquête ?

Le constat est sans équivoque, rapporte Mediapart. Il affirme que les preuves sont suffisantes « pour donner lieu à des poursuites pénales contre les anciens députés […] pour les actes frauduleux qu’ils ont commis au détriment du budget de l’Union.

Fraude, faux, abus de confiance, détournement de deniers publics à des fins politiques nationales ou personnelles, surfacturation, voire prestations fictives au profit d’entreprises gravitant souvent autour de divers groupes d’extrême droite liés au Front National (FN, RN prédécesseur), ainsi que des « conflits d’intérêts », ont tous été évoqués.

Des détails?

Selon le rapport, plus de 23 000 € d’articles promotionnels ont été facturés au Parlement en 2014 mais étaient destinés à être distribués au congrès du Front National à Lyon.

Le Pen et son père ont chacun facturé 5 000 € au Parlement européen pour la création de sites Web officiels de l’UE qui ne sont jamais apparus.

Et, le rapport allègue que – selon un dénonciateur – Le Pen a facturé 5 000 € pour les frais d’hôtel et de voyage de 13 membres de son entourage lors d’un symposium sur les régions européennes en 2010, mais a utilisé la réunion pour préparer les élections présidentielles du parti.

Que dit Le Pen ?

« Donc les sales coups de l’Union européenne, à quelques jours du second tour. Je suis très habituée à ça et je pense que les Français ne sont absolument pas dupes », a-t-elle déclaré lors d’un voyage de campagne en Normandie.

“Je conteste évidemment absolument ces accusations, dont je n’avais pas connaissance, qui posent déjà un problème au regard de l’Etat de droit, dont je n’ai reçu aucune preuve, aucun élément, malgré les demandes que j’en fais”, a ajouté la candidate du Rassemblement national – contredisant apparemment son propre avocat, qui avait affirmé avoir répondu à des questions l’an dernier.

C’est aussi le même thème de son entourage. “Le peuple français ne sera pas dupe des tentatives de l’Union européenne et des institutions européennes” pour “s’immiscer dans la campagne présidentielle et nuire à Marine Le Pen”, a déclaré le président du RN Jordan Bardella au Grand Rendez-Vous sur Europe 1 et CNews, le dimanche 17 avril.

« Un geste tordu, des mensonges et de la violence verbale. Je pense que l’équipe Macron est tellement nerveuse qu’elle est prête à tout. L’UE vient au secours de son petit soldat”, a réagi le porte-parole du RN Laurent Jacobelli sur RMC.

Que se passe-t-il maintenant ?

Le Parlement européen entend désormais « procéder au recouvrement des sommes indûment versées », a rapporté à l’AFP un responsable.

Pourquoi est-ce important ?

Les efforts du Parlement européen pour récupérer les fonds prendront probablement du temps, mais les allégations pourraient avoir un impact sur la course présidentielle française.

Les allégations d’irrégularités sont – comme elles devraient l’être – une affaire sérieuse pour les politiciens, uneEt le moment, quelques jours avant le second tour de l’élection présidentielle française, ne pouvait guère être pire pour leur candidat au début d’une semaine cruciale – d’où la ligne d’attaque « complotiste » des hauts gradés du RN.

Face à cela, Le Pen a longtemps été hostile à l’UE (bien que, comme de nombreux autres politiciens anti-UE qui ne l’ont pas empêchée de prendre de grosses sommes d’argent à l’institution), son vote de base n’est peut-être pas particulièrement contrarié par la pensée de l’UE perd de l’argent pour elle.

Les sondages suggèrent qu’Emmanuel Macron détient une avance cruciale avant les derniers jours de la campagne, mais cette course électorale a été beaucoup plus serrée que ce que les partisans seraient à l’aise, d’autant plus que leur candidat a été distrait par des questions autres que la campagne.