La tauromachie pourrait-elle enfin être interdite en France ?

Le matador espagnol Daniel Luque combat une facture dans l’arène d’Arles, dans le sud de la France, le 6 juin 2021. (Photo de Nicolas TUCAT / AFP)

Les législateurs français tentent une fois de plus d’interdire les corridas.

La question a divisé la coalition au pouvoir du président Emmanuel Macron et le plus grand parti d’opposition, le Rassemblement national d’extrême droite, dirigé par Marine Le Pen, une amoureuse des animaux.

Le journaliste devenu député Aymeric Caron a proposé un projet de loi visant à interdire cette pratique séculaire, qui reste populaire dans le sud-ouest de la France. Le projet de loi est actuellement devant la Commission des lois avant d’être soumis au vote à l’Assemblée nationale le 24 novembre – la première fois que des députés votent sur le sujet.

Actuellement, le code pénal français interdit les actes de cruauté envers les animaux mais fait une exception pour les «traditions locales ininterrompues» comme la tauromachie. L’interdire, c’est se heurter aux aficionados attachés à cette coutume locale en des villes telles que Bayonne et le joyau médiéval de Mont-de-Marsan dans le sud-ouest de la France près de l’Espagne, où la pratique a ses origines, et le long de la côte méditerranéenne, notamment Arles, Béziers et Nîmes.

Les députés écologistes ont tenté en vain en 2013 et à nouveau en 2021 de faire interdire la tauromachie, malgré un large soutien du public. Selon un sondage Ifop réalisé en février pour l’organisation de protection des animaux 30 millions d’amis, 77 % des Français sont favorables à l’interdiction de la tauromachie, contre 50 % en 2007.

Les matadores espagnols Enrique Ponce (L) et Ivan Fandino (R) réagissent après une corrida avec les taureaux de Victoriano del Rio lors du festival de La Madeleine à l’arène Plumacon de Mont)de)Marsan, dans le sud-ouest de la France, le 24 juillet 2015.AFP PHOTO / GAIZKA IROZ (Photo par IROZ GAIZKA / AFP)

La tendance s’inverse dans les villes de tradition taurine, où 72 % des habitants sont favorables au maintien de la tauromachie, selon un sondage réalisé par l’Ifop et Sud Radio en juin.

Plus tôt cette année, le député de La France Insoumise Caron a déclaré : “” Je pense que la majorité des Français partagent l’opinion que les corridas sont immorales, un spectacle qui n’a plus sa place au 21e siècle. “

Pendant des années, les critiques ont cherché un dernier coup juridique contre ce qu’ils appellent un rituel cruel et archaïque, mais aucun des projets de loi présentés n’a jamais été approuvé pour débat par les législateurs de l’Assemblée nationale.

Les tribunaux français ont également régulièrement rejeté les poursuites intentées par des militants des droits des animaux, le plus récemment en juillet 2021 à Nîmes, qui abrite l’un des événements taurins les plus célèbres de France.

“Laissons nos traditions tranquilles”

Caron espère que son projet de loi attirera le soutien de tous les partis. Et l’idée d’une interdiction a un soutien en dehors de son parti de gauchey compris des membres de premier plan du parti de Macron tels que le chef de son groupe parlementaire Aurore Berge, qui faisait partie des 36 législateurs qui ont appelé à l’interdiction de la tauromachie l’année dernière.

Le député du Rassemblement national Julien Odoul, a déclaré au Parisien : « La cause est plus importante que les divergences politiques.

“Je voterai volontiers pour l’abolition de la tauromachie.”

La décision de l’interdire pourrait échouer car une majorité de députés craignent une réaction violente dans les zones rurales et au cœur de la tauromachie où la pratique est une tradition culturelle chérie.

La Le conflit fait écho au fossé grandissant en France entre les habitants des campagnes ancrés dans de profondes traditions agricoles, et les Parisiens et autres citadins accusés de piétiner le patrimoine culturel du pays.

“Le député Caron, sur un ton très moralisateur, veut nous expliquer, depuis Paris, ce qui est bon ou mauvais dans le sud”, a déclaré à l’AFP le maire de Mont-de-Marsan, Charles Dayot, furieux.

La tauromachie est « notre identité, une culture vivante. Laissez-nous seuls avec nos traditions ! ajoute Dayot, vice-président de l’Union des villes taurines de France.

La loi interdirait également les combats de coqs qui sont autorisés dans certaines régions du nord de la France.

Pays de la tauromachie

La tauromachie remonte à l’époque romaine, mais la première référence écrite à un événement taurin en France date de 1289 – dans le cadre de la loi concernant la conduite des animaux dans les rues jusqu’à l’abattoir de Bayonne.

En plus de Bayonne, des corridas ont lieu à Mont-de-Marsan au Pays basque, près de la frontière espagnole, et le long de la côte méditerranéenne dans des villes comme Arles, Béziers et Nîmes.

Le matador espagnol Manuel Escribano fait des gestes après s’être battu avec un taureau Miura le 9 juin 2014 lors de la feria taurine de Pentecôte à Nîmes, dans le sud de la France. PHOTO BERTRAND LANGLOIS (Photo by BERTRAND LANGLOIS / AFP)

Il est si populaire que le journal régional Sud Ouest publie encore des résultats de corrida du sud de la France et du nord de l’Espagne.

Des corridas de style espagnol ont eu lieu dans certaines parties du sud-ouest de la France depuis le XIXe siècle, avec des corridas populaires au printemps et en été – la saison commençant fin avril et se poursuivant jusqu’en septembre.

On estime que 1 000 taureaux par an sont tués dans les arènes françaises, alors que selon l’organisation pro-corrida, l’Observatoire National des Cultures Taurines (ONCT), deux millions de personnes assistent chaque année à des corridas en France.

En plus de la corrida à l’espagnole, il existe deux autres types de « tauromachie » française. L’une est la “course landaise”, dans laquelle les vaches sont utilisées à la place des taureaux. Dans ce type d’événement, les équipes tentent d’esquiver et de sauter par-dessus la vache, chaque équipe visant à effectuer une série d’au moins 100 esquives et huit sauts.

Dans la « course camarguaise », quant à elle, le but est d’arracher une rosette à la tête d’un jeune taureau.

La tauromachie a en fait été ajoutée à la liste du “patrimoine culturel” de la France en 2011 par le ministre français de la Culture, Frédéric Mitterrand. Quatre ans plus tard, il a été rayé de la liste, à la suite d’un tollé public massif.

Il est, en fait, interdit dans la majeure partie de la France mais est autorisé dans le sud car il est considéré comme une tradition culturelle, malgré les plaintes des militants selon lesquelles le sport est une forme de cruauté envers les animaux.