Comment les pays européens dépensent des milliards pour atténuer la crise énergétique

Photo par Arthur Lambillotte sur Unsplash

Des centaines de milliards d’euros ont été dépensés depuis que la Russie a envahi son voisin pro-UE fin février.

Les gouvernements ont mis le paquet : du plafonnement des prix du gaz et de l’électricité au sauvetage des entreprises énergétiques en difficulté, en passant par l’aide directe aux ménages pour faire le plein de leur voiture.

Les dépenses publiques se sont poursuivies, alors même que les pays de l’Union européenne avaient accumulé des montagnes de nouvelles dettes pour sauver leurs économies lors de la pandémie de Covid en 2020.

Mais certains dirigeants s’enorgueillissent d’avoir utilisé les deniers publics pour lutter contre cette nouvelle crise, qui a fait exploser l’inflation, augmenté le coût de la vie et fait craindre une récession.

Après avoir annoncé 14 milliards d’euros de nouvelles mesures la semaine dernière, le Premier ministre italien Mario Draghi s’est vanté que ces dernières dépenses placent l’Italie “parmi les pays qui ont le plus dépensé en Europe”.

L’institut Bruegel, un groupe de réflexion basé à Bruxelles qui suit les dépenses des gouvernements de l’UE dans le cadre de la crise énergétique, classe l’Italie comme le deuxième pays le plus dépensier d’Europe, après l’Allemagne.

Rome a alloué 59,2 milliards d’euros depuis septembre 2021 pour protéger les ménages et les entreprises de la hausse des prix de l’énergie, ce qui représente 3,3 % de son produit intérieur brut.

L’Allemagne arrive en tête de liste avec 100,2 milliards d’euros, soit 2,8 % de son PIB, car le pays a été durement touché par sa dépendance à l’égard des approvisionnements en gaz russe, qui ont diminué en raison de représailles présumées aux sanctions occidentales contre Moscou pour la guerre.

Mercredi, l’Allemagne a annoncé la nationalisation du géant gazier en difficulté Uniper.

La France, qui a protégé les consommateurs contre les hausses des prix du gaz et de l’électricité, se classe troisième avec 53,6 milliards d’euros alloués jusqu’à présent, soit 2,2 % de son PIB.

Les dépenses vont continuer à augmenter
Les pays de l’UE ont maintenant mis en place 314 milliards d’euros jusqu’à présent depuis septembre 2021, selon Bruegel.

“Ce chiffre est appelé à augmenter car les prix de l’énergie restent élevés”, a déclaré à l’AFP Simone Tagliapietra, chargée de recherche à Bruegel.

La facture énergétique d’une famille européenne type pourrait atteindre 500 euros par mois au début de l’année prochaine, contre 160 euros en 2021, selon la banque d’investissement américaine Goldman Sachs.

Les mesures destinées à aider les consommateurs vont d’une taxe spéciale sur les bénéfices excédentaires en Italie au gel des prix de l’énergie en France, en passant par des subventions aux transports publics en Allemagne.

Mais les dépenses font suite à une réponse pandémique qui a augmenté la dette publique, laquelle représentait au premier trimestre 189 % du PIB de la Grèce, 153 % en Italie, 127 % au Portugal, 118 % en Espagne et 114 % en France.

“Initialement conçues comme une réponse temporaire à ce qui était censé être un problème temporaire, ces mesures ont pris de l’ampleur et sont devenues structurelles”, a déclaré M. Tagliapietra.

“Cette situation n’est clairement pas viable du point de vue des finances publiques. Il est important que les gouvernements fassent un effort pour concentrer cette action sur les ménages et les entreprises les plus vulnérables, autant que possible.”

Réforme budgétaire
La hausse des dépenses intervient alors que les coûts d’emprunt augmentent. En juillet, la Banque centrale européenne a relevé son taux pour la première fois en plus de dix ans afin de lutter contre l’inflation galopante, alimentée par la flambée des prix de l’énergie.

Le rendement des obligations souveraines françaises à 10 ans a atteint mardi 2,5 %, son plus haut niveau depuis huit ans, tandis que l’Allemagne paie désormais 1,8 % d’intérêts après avoir affiché un taux négatif en début d’année.

Le taux appliqué à l’Italie a quadruplé, passant de 1 % au début de l’année à 4 % aujourd’hui, ravivant le spectre de la crise de la dette qui a menacé la zone euro il y a dix ans.

“Il est essentiel d’éviter les crises de la dette qui pourraient avoir des effets déstabilisants importants et mettre en danger l’UE elle-même”, a averti le Fonds monétaire international dans un récent blog appelant à des réformes des règles budgétaires.

L’UE a suspendu jusqu’en 2023 les règles qui limitent le déficit public des pays à trois pour cent du PIB et la dette à 60 pour cent.

La Commission européenne prévoit de présenter le mois prochain des propositions visant à réformer les règles budgétaires du bloc des 27 nations, qui ont été ébranlées par les crises.