Le vent du changement souffle sur le paysage médiatique. Le quotidien français “20 Minutes”, a vendu son propre jeton non fongible (TNF) lors d’une vente aux enchères caritative le 19 octobre.

La vente de ce supplément de six pages intitulé “Les années folles de 2020” était organisée par la galerie d’art Piasa à Paris. L’acheteur retenu a remporté l’enchère pour 3 000 €.

L’exemplaire est garanti unique grâce à un certificat de propriété basé sur la technologie blockchain, un “système inviolable” qui authentifie aussi bien les transactions en monnaie virtuelle que les ventes d’objets numériques.

L’argent collecté sera destiné à Fonds de sécurité de la Fédération internationale des journalistes (FIJ)..

Quand un quotidien gratuit entre sur le marché des cryptomonnaies

20 Minutes est un quotidien d’information générale, créé en 2002 et distribué gratuitement dans les villes françaises.

Publié le 13 janvier 2020, juste avant que la pandémie de COVID-19 ne frappe la France, le numéro a été choisi par la rédaction et les internautes pour son “côté prophétique”.

Les NFT ont vu leur valeur s’envoler cette année dans les salles de ventes étrangères. Les NFT permettent d’acquérir tout objet numérique (tweet, photo, animation, vidéo, code source…) grâce à un jeton, qui matérialise cet objet et prouve son authenticité.

A l’affût des phénomènes émergents, 20 Minutes a voulu documenter cette révolution technologique en tentant de vendre son propre NFT.

“A travers cette vente, le journal souhaite s’interroger sur la valeur d’une information de qualité”, indique le journal. “20 Minutes est un journal gratuit pour ses lecteurs, mais l’information a un coût”.

“La vente d’un NFT apparaît comme un excellent moyen de réfléchir à cette question tout en rendant les crypto-arts intelligibles au plus grand nombre.”

Le journal français s’est inspiré du New York Times, qui a décidé de vendre des cryptomonnaies. une photo d’une colonne comme un NFT et l’a vendu pour 560 000 $ (481 143 €) en mars.

Une route cahoteuse

Sur Internet, les NFTs s’échangent facilement via des plateformes spécialisées telles que OpenSea ou Rarible. Or, en France, “la représentation numérique d’une œuvre, bien meuble incorporel, ne peut faire partie d’une vente volontaire aux enchères publiques”, précise Piasa.

En mai, une modeste maison de vente aux enchères, Cappelaere &amp ; Prunaux.à Bar-le-Duc (est de la France), créait la surprise en lançant une vente aux enchères “NFT”, mais sous l’égide d’huissiers, ce que la loi rendait possible.

Pour contourner l’interdiction de mettre aux enchères des “biens meubles incorporels”, 20 Minutes a vendu, en plus du NFT, “une plaque d’impression offset présentant quatre pages du supplément”.

Le produit de la vente sera reversé au Safety Fund de la Fédération internationale des journalistes (FIJ), une organisation internationale qui aide les journalistes en difficulté sur le terrain. “Avec la crise afghane, le fonds de sécurité est plus que jamais d’actualité”, a déclaré la journaliste Laure Beaudonnet, à l’origine du projet.

La création du premier NFT a été “assez compliquée”, admet Laure Beaudonnet. Elle a d’abord dû créer un portefeuille numérique, acheter de l’éther (la crypto-monnaie utilisée par la blockchain Ethereum), puis payer les frais de transaction pour enregistrer définitivement le “contrat” numérique, sans oublier de céder les droits d’auteur associés à l’émission.

“Il faut y consacrer quelques jours si l’on débute, et c’est encore plus compliqué pour une entreprise”, explique-t-elle.

Les NFT sont-ils l’avenir du journalisme ?

Avec le fonds de sécurité, la FIJ envoie en moyenne 80 000 € dans le monde chaque année, mais reçoit des dons privés et publics atteignant à peine 12 000 ou 13 000 € par an, note de 20 minutes.

Cette grosse enveloppe, après l’enchère d’hier, pourrait grossir grâce aux NFT. Mais est-ce une solution durable ?

Le journal a interviewé Frédéric Chambre, PDG de la maison de vente aux enchères Piasa, sur la façon dont cette vente pourrait être une première dans le paysage médiatique.

“Il y a eu une réflexion, une collaboration, il y a la plaque d’impression offset qui accompagne le NFT”, a déclaré Chambre.

“On est peut-être sur une page d’histoire plus que dans l’histoire de l’art. Le NFT de 20 Minutes peut presque être comparé à un manuscrit. Quand vous achetez un manuscrit d’Einstein, vous achetez de l’histoire. Avec le projet 20 Minutes, vous êtes quelque part entre les deux.”

Pour le PDG, le principal défi consiste à canaliser les NFT : “La NFT doit se canaliser elle-même. Si elle part dans toutes les directions et veut tout toucher, elle n’aura plus d’impact singulier. Il faut qu’elle trouve sa place dans l’histoire.”

“Aujourd’hui, nous sommes davantage dans un système de NFT qui supplante l’artiste. Vous avez créé un NFT, mais ce qui est important, c’est l’œuvre. Vous utilisez la technologie liée à la NFT pour la rendre unique.”