AVIS : Les 'Moscowteers' montent dans les sondages français, mais lequel affrontera Macron ?

Qui affrontera Emmanuel Macron au second tour des élections françaises ? Photo de Christophe ARCHAMBAULT / AFP

Mea culpa. Le mois dernier, j’ai radié « les trois Moscowteers », le trio de candidats fantasques de Poutine à l’élection présidentielle du mois prochain.

L’un d’eux, Eric Zemmour, a fondu dans les sondages. Les autres, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, vont de mieux en mieux.

Pourquoi? Comment se fait-il que Zemmour, de la nouvelle extrême droite, paye ses années de poutinidolatoire alors que Le Pen (ancienne extrême droite) et Mélenchon (extrême gauche) échappent à la punition pour leurs années de compagnonnage de Poutine ?

À un peu plus de deux semaines du premier tour du 10 avril, Le Pen est en hausse de 19 % dans certains sondages et Mélenchon est à la troisième place avec 14-15 % et en hausse. Macron reste loin devant avec 27 à 29 %, même si sa poussée post-ukrainienne a culminé et a légèrement reculé.

Il ne fait aucun doute, selon moi, que Macron sera réélu le 24 avril mais l’identité de son adversaire au second tour est incertaine. Je crois qu’il est fort probable, encore une fois, que ce soit Le Pen, mais ce pourrait être Mélenchon.

Est-ce que ça importe? Oui, je pense que oui.

Macron contre Le Pen serait un match un peu plus serré que Macron contre Mélenchon. Quoi qu’il en soit, Macron préférerait de loin affronter Le Pen plutôt que d’écraser l’éloquent vieux cogneur de la gauche dure.

Macron contre n’importe quel candidat de droite le place là où il veut être – au centre du champ de bataille. Macron contre Mélenchon lui permet d’être peint par la gauche comme le candidat de la droite.

Mais pourquoi deux des trois « Moscowteers » sont-ils en hausse dans les sondages ?

Zemmour est tombé à 9% dans un sondage parce que son message central – “La France est menacée par une invasion migratoire du Sud” – a été dépassé par la réalité. La menace réelle et immédiate pour le mode de vie français et européen vient de l’Est. Et d’un homme dont l’idéologie de la nostalgie agressive et vénéneuse est très proche de celle de Zemmour.

Les bases électorales de Le Pen et de Mélenchon sont, semble-t-il, moins concernées par le sort de l’Ukraine que les électeurs de Zemmour.

J’ai mal interprété l’étendue de cette différence le mois dernier, bien que j’aie dit que Zemmour souffrirait le plus.

Le Pen monte dans les sondages en partie parce que les électeurs lui reviennent de Zemmour ; en partie parce que son noyau électoral est plus pauvre et préoccupé par ses propres problèmes. Pour des raisons compréhensibles, ils sont plus concernés par la fin de semaine que par la fin du monde.

Pour se différencier de Zemmour, Marine Le Pen fait campagne depuis des semaines sur les questions de coût de la vie. Cela s’avère avoir été un pari intelligent. L’invasion de l’Ukraine par Poutine a embarrassé un candidat dont la campagne a été financée par un prêt russe en 2017. La flambée des prix du carburant et des denrées alimentaires est une aubaine électorale.

Mélenchon bénéficie également des conséquences intérieures de la guerre d’Ukraine et des sanctions occidentales. Mais cela n’explique pas à lui seul son ascension. Son électorat est fortement biaisé en faveur de la gauche conspiratrice et anti-OTAN et des migrants de deuxième et troisième génération, dont beaucoup sont résistants au récit «occidental» de Big Ugly Russia contre Gallant Little Ukraine.

De tous les têtes de liste, Mélenchon reste de facto le plus pro-Poutine. Il condamne l’invasion mais s’oppose aux livraisons d’armes occidentales à l’Ukraine, sans lesquelles l’invasion russe aurait triomphé.

Il bénéficie également du programme de droite de Macron pour les cinq prochaines années. Contre le projet présidentiel de départ à la retraite à 65 ans, Mélenchon appelle à un “référendum social” en faveur de son projet irresponsable d’abaisser l’âge légal de la retraite de 62 à 60 ans.

Il y a un autre facteur, à l’approche du premier tour, les votes de gauche migrent vers l’ailier gauche le mieux placé. Un vote tactique similaire de la gauche a porté Mélenchon à 19,58 % des voix et à la quatrième place en 2017. Le ticket d’entrée pour le second tour pourrait être aussi bas que 18 % cette année.

En revanche, le score résiduel des autres candidats de gauche est désormais très faible et largement composé d’anti-Mélenchonistes purs et durs. Pour augmenter son nombre actuel de sondages de 13 à 15 %, il doit exploiter un « vote caché » des gauchistes mécontents.

Mon instinct me dit que Le Pen prendra la deuxième place et que nous aurons un second tour “déjà vu” le 24 avril – avec le même résultat mais nettement plus proche que la victoire de 66-34% de Macron en 2017.

Les sondages suggèrent que Macron écraserait Mélenchon par un score similaire cette année parce que certains partisans de Le Pen et de Zemmour voteraient pour lui pour bloquer un président de la gauche dure. Un tel vote, aussi important soit-il, serait un cadeau empoisonné pour Macron.

Toute la stratégie du président repose sur la course à pied de « candidat d’avenir » contre une droite ou une extrême droite rétrograde. Cela préserverait sa position au centre d’un paysage politique français troublé et imprévisible.

En d’autres termes, Macron veut gagner avec l’aide de votes de gauche contre la droite, pas avec l’aide de votes de droite contre la gauche.

S’il est dépeint comme le candidat de facto de la droite, il lui sera plus difficile de gouverner pendant ce qui semble déjà être cinq années très difficiles.